RENARD : Le juge confirme l’illégalité des tirs de nuit 2018 pour la Meurthe-et-Moselle

Le Tribunal administratif de Nancy, saisi par l’ASPAS, One Voice, le GEML et FLORE 54, annule, dans son jugement n°1803090 du 28 mai 2019, l’arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle autorisant les lieutenants de louveterie à réaliser des tirs de renards de nuit  à des fins cynégétiques sur certaines communes du département jusqu’au 31 décembre 2018 (suspendu en urgence le 30 novembre 2018), en considérant que :

5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur départemental des territoires, qui s’est substitué au directeur de l’agriculture et de la forêt cité par l’article L. 427-6 précité du code de l’environnement, ait été saisi. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que cette carence entache l’arrêté du préfet d’une irrégularité.

6. En second lieu, l’association requérante soutient que le préfet a commis une erreur d’appréciation au regard des exigences posées par les dispositions de l’article L. 427-6 du code de l’environnement, dès lors que le motif pris de la nécessité d’organiser des tirs de nuit pour permettre la destruction du renard et ainsi soutenir les effectifs de petit gibier sur les territoires des groupements d’intérêt cynégétique « petit gibier » n’est pas démontrée.

7. D’une part, il ressort des documents produits par le préfet de Meurthe-et-Moselle et émanant de la fédération départementale des chasseurs, corroborés par les études citées par les requérantes, que la principale cause de la disparition ou de la raréfaction des espèces de petit gibier de plaine, et notamment des espèces lièvre, faisan et perdrix grise que les groupements d’intérêt cynégétique du département de Meurthe-et-Moselle sont encouragés à réimplanter, est multifactorielle et tient essentiellement à la dégradation de leurs habitats en raison d’un appauvrissement du milieu lié à une agriculture de moins en moins diversifiée, utilisant des assolements courts et des rotations rapides, à une recrudescence de plantes qui n’offrent pas de couverts hivernaux, à un usage excessif de la chimie et à la disparition des haies. En outre, le préfet ne justifie pas que l’indice de prévalence kilométrique du renard doive nécessairement se situer autour du seuil de 0,50, seuil signalé par la fédération départementale de la chasse pour préserver les autres espèces sauvages dont ce dernier est le prédateur et augmenter la biodiversité en plaine. Ainsi, nonobstant le caractère nuisible non contesté de l’espèce renard, et compte tenu en particulier des autres facteurs de destruction, y compris la chasse, de ces espèces proies, il n’est pas sérieusement démontré que cet animal représenterait une menace telle pour ces espèces sauvages que le recours à des mesures d’abattage dérogatoire de celui-ci s’imposerait.

8. D’autre part, si à l’appui de ces mêmes documents établis par la fédération départementale des chasseurs, le préfet cherche à démontrer l’efficacité des tirs de nuit de renards sur la préservation des espèces de petit gibier, et en particulier de l’espèce lièvre, il ressort de ces mêmes documents qu’il a pu être constaté que, dans un massif où le tir de nuit de renards n’est pas pratiqué, la courbe d’abondance du lièvre et celle du renard se suivent de sorte que lorsque la population de renards s’accroit, celle du lièvre augmente également. De plus, les pièces produites montrent que le prélèvement de lièvres par les chasseurs est en augmentation entre les saisons 2015/2016 et 2016/2017. Enfin, dès lors qu’il ressort des pièces du dossier d’une part, que le nombre d’individus prélevés par les méthodes traditionnelles que sont la chasse et le piégeage a augmenté chaque année de 2013 à 2016, d’autre part, que pour l’année 2016, les prélèvements par les seuls chasse et piégeage sont supérieurs au total des prélèvements opérés en 2017 par la chasse, le piégeage et le tir de nuit, et enfin, que la fédération départementale des chasseurs elle-même considère qu’une adaptation des pratiques permettrait de diminuer les populations de renards tout en réduisant les prélèvements, le préfet n’établit pas que l’objectif de stabilisation de la densité de renards ne pouvait être atteint sans recourir aux tirs de nuit.

9. Dans ces conditions, le préfet ne démontre pas que les méthodes de régulation traditionnelles, tels que le maintien des prélèvements de renards à un niveau constant par chasse traditionnelle et piégeage, et la limitation corrélative du prélèvement des espèces proies par la chasse, voire l’adaptation des pratiques de chasse, auraient été insuffisantes pour réguler l’espèce renard et préserver les espèces de petit gibier de plaine, alors, au surplus, que le renard, espèce classée nuisible dans le département, peut déjà être chassé toute l’année par le biais de pièges et par des tirs de jour. Par suite, le recours à la mesure administrative d’autorisation des tirs de nuit est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

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