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Le Courrier de la nature, mars-mai 2020

Le retour à l’âge du feu ?

L’ étendue des surfaces brûlées en Australie depuis fi n 2019, le nombre de morts humaines et de maisons détruites, les chiffres autour des pertes en biodiversité, tout laisse un goût amer. Les pluies salvatrices tombées mi-janvier 2020 dans le nord-est y ont éteint les flammes, mais le sud-est brûle toujours. Il faut sans doute rapprocher ces incendies de ceux qui, ces derniers mois, ont ravagé la Californie, la Bolivie, le Brésil, la Sibérie, le Portugal, voire le sud de la France. Comme les flammes sont spectaculaires, on parle d’elles, mais les médias évoquent moins les cendres, plus discrètes mais où pourrait se cacher le phénix d’une nouvelle forêt. Il n’est donc pas toujours facile de faire un bilan factuel du phénomène et de ses conséquences. Dans tous les cas, il est trop tôt pour évaluer l’impact des incendies 2019-2020 en Australie, où 100 000 km2 ont déjà brûlé ; un tel travail se comptera en années.

Les écologues savent maintenant que le feu représente un des éléments majeurs de l’évolution des écosystèmes avec les autres phénomènes naturels très perturbateurs que sont tempêtes, cyclones, inondations, raz-demarée. Si tant est que ces écosystèmes existent encore, sont toujours fonctionnels, et donc capables de réagir. Le grand incendie de l’été 1988 dans le parc national de Yellowstone (Wyoming, aux États-Unis) est un bon exemple. Bien que plus de 3 200 km2, soit 36 % de la surface du parc, aient brûlé, la régénération qui a suivi a été extrêmement rapide et passionnante à observer. Un de nos contributeurs décrivait dans cette revue (cf. n° 308, p. 35 à 40) les séries végétales et animales qui se succèdent sur un pan de montagne alpine en quelques années après un passage de feu. Cependant, si les feux sont allumés pour remplacer les restes de forêts naturelles par des cultures ou divers aménagements, s’ils brûlent les derniers îlots laissés en libre évolution, s’ils détruisent les zones naturelles justement protégées pour leur flore et leur faune mais souvent considérées comme improductives, si le rythme auquel ils se répètent est trop élevé, et surtout si les espaces noircis ne sont pas laissés reverdir, alors le feu aura vraiment réduit en fumée l’essence du vivant. Le genre humain s’enorgueillit de maîtriser le feu depuis environ 400 000 ans, maîtrise toute relative semble-t-il en ce début de XXIe siècle. Les Anciens en faisaient un des quatre éléments avec l’air, l’eau et la terre. Aujourd’hui, faudrait-il remplacer l’Anthropocène, à peine arrivée, par le Pyrocène, le nouvel âge du feu ?

François Moutou, vice-président de la SNPN.

Description

La couverture de ce nouveau numéro fait la part belle aux savanes de Guyane. En effet, ces milieux sont suivis depuis dix ans par une association de naturalistes qui mettent en place des actions pour les sauvegarder. En France, le vison d’Europe et le lynx boréal sont également activement protégés, avec de bonnes nouvelles, des avancées… et toujours quelques conflits à atténuer. Dans les actualités de ce numéro, des réintroductions encore avec celle d’une petite plante sur les bords de la Loire, et toujours des bonnes nouvelles avec l’engouement croissant du public pour les sciences participatives. Les connaissances sur les impacts des pesticides s’améliorent (permettront-elles de sauver les abeilles ?), et le congrès mondial de la nature de juin 2020 se prépare. Au niveau juridique, nous encourageons le questionnement sur la place de la nature ordinaire dans le droit de l’environnement, alors que la législation sur les végétaux envahissants évolue, et que le Parlement européen est interpellé par des associations. N’oublions pas de prendre une pause contemplative avec les pages artistiques, et de s’octroyer un moment pour lire les ouvrages recommandés en fin de numéro…

Sommaire

Vie de la SNPN


Dossier : Sauver le vison d’Europe en France Les derniers noyaux d’une espèce en danger critique d’extinction Par Christine Fournier-Chambrillon, Ingrid Marchand, Estelle Kerbiriou, Maylis Fayet


Dossier : Les savanes de Guyane Une décennie d’actions face aux défi s contemporains Par Anna Stier, Anne Hervouët


Point de vue : La situation du lynx boréal en FranceRéduire les conflits d’acteurs pour mieux conserver l’espèce Par Marine Drouilly


L’art et la nature Selon Rachel Schlumberger et Théophile Gautier


A lire 

Nom :

Le courrier de la nature mars-avril 2020

Numéro :

Date de parution :

321
2020-03-10

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vison, Guyane

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