Essais

« Divagations sur la fin des temps » : sciences de l’apocalypse

Nous voici entretenus de choses sérieuses. Graves, même, puisque Jérôme Dumoulin entend documenter rien de moins que les failles les plus inquiétantes de la science, ces trous noirs du savoir dans lesquels se cachent des périls immenses et insoupçonnés. Ce ne sont pourtant pas des prophètes de malheur que cite Jérôme Dumoulin dans ses Divagations sur la fin des temps. Ce sont de vrais savants. De ceux qui travaillent, jour après jour, à fouiller les replis secrets des lois de la nature. On le sait, celles-ci ne nous sont guère amicales. Il arrive ainsi, rappelle Jérôme Dumoulin, que la terre s'ouvre sous nos pieds. Sans prévenir, le sol se dérobe et engloutit les hommes, les murs de leurs maisons, leurs objets. C'est arrivé tout récemment à Guatemala City. Qui n'a pas été saisi par les images de ces puits cylindriques de 20 mètres de diamètre, et dont on ne voit pas le fond, mystérieusement apparus en pleine ville, en 2007 puis en 2010 ? Le problème n'est pas tant cet "aléa karstique" que sa récente accélération. Un peu partout et dans une relative indifférence, de plus en plus de ces failles s'ouvrent pour avaler les hommes. Cette étrangeté demeure inexpliquée. Celui qui l'observe, le grand physicien Arnold von Danwitz - professeur à l'Einsteinturm de Potsdam, deux fois lauréat du prix Schrödinger -, en est d'ailleurs réduit à des conjectures. Et à une profonde inquiétude.

Avec une érudition délicieuse et une écriture éblouissante, Jérôme Dumoulin raconte seize historiettes scientifiques qui, toutes, disent leur part des périls nouveaux qui nous guettent. Les vagues scélérates semblent se passer le mot pour proliférer ; la foudre, mystérieusement recrudescente, s'infiltre dans le sol et vous foudroie par les pieds ; des astéroïdes ventrus qui croisaient vers Jupiter sont mis en branle vers la Terre par de subtiles conjonctions gravitationnelles. Fragile Homo sapiens... Qu'il échappe aux menaces coalisées des éléments et des astres, et ce sont des végétaux qui conspirent pour sécréter de mortelles toxines, qui voyagent avec les courants d'air ou les embruns. Quant au piri-piri - cette étrange stridulation qui, depuis quelques années, sort parfois des entrailles de la Terre -, il annonce peut-être un volcanisme intense qui pourrait plonger le monde dans le chaos.

N'ayez crainte : oubliez les lignes ci-dessus. Car, bien sûr, tout cela est une farce. Arnold von Danwitz n'existe pas. Pas plus que nombre des chercheurs convoqués ou de leurs apocalyptiques interrogations. Sur une base de vérité ou de vraisemblance, Jérôme Dumoulin divague - nul ne pourra lui reprocher d'en avoir fait mystère. Et il le fait avec tant de savoirs véritables et de talent qu'on est tenté d'y croire. Un grand quotidien, un chroniqueur en vue de la radio publique s'y sont déjà laissé prendre, montrant s'il en était besoin le penchant de l'époque pour la Catastrophe, et la porosité de nos esprits aux eschatologies scientifiques.

Mais après tout, peu importe la farce : le plaisir à lire ces Divagations est bien suffisant. Que Jérôme Dumoulin écrive, qu'il écrive n'importe quoi, on le lira.

Le Monde/Stéphane Foucart/2010

Editions GRASSET

Code EAN

9782246775515

Editeur

Date de parution

Tranche d'âge

2010-09-15

Nombre de pages

Collection

180

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