Personnalités à découvrir

AUTISSIER Isabelle, Présidente

Isabelle Autissier est née à Paris mais… vacances au bord de la mer en Bretagne…, sorties en dériveur familial en bois… : « je trouvais ça magique, toute petite j’ai su que la mer, c’était mon truc,  que j’allais faire ma vie avec la mer, au bord de la mer..., que ça passerait par là ».

Elle voulait être halieute, elle fut halieute, via un diplôme d’agronome de la fac de Rennes.

Et vogue la vie. Première femme à faire le tour du monde en solitaire (1990/1991), des courses à succès, des courses à embuches, qu’importe, elle a le caractère d’une vivante, d’une battante, d’une engagée de la vie, pour la vie, vers les autres, le droits des hommes et des femmes, la nature. Tout en continuant de naviguer deux à trois mois par an.

Depuis 1998, elle préside le WWF France, qui lance cet automne une nouvelle et grande campagne en faveur des espèces massacrées, en voie d’extinction : Stop au massacre!

Entretien

Quels maîtres à penser, quelles références ?

Je n’aime pas trop ça, j’essaie de penser toute seule, comme une grande ; il y a beaucoup de gens, mais si je commence je vais en citer trente. Il y en a des tas, mais je n’aime pas trop l’idée de maître à penser, ça peut être réducteur.

Pourquoi le sauvage ?

Pourquoi opposer le sauvage et le non sauvage ? Ce qui m’importe c’est la biodiversité en général, Homme compris; c’est vrai que sur cette planète, elle est encore composée très majoritairement d’espèces sauvages, du ver de terre à l’Orang Outan. S’intéresser à la vie sauvage, c’est s’intéresser à la vie sur cette planète. 

Si vous étiez un animal sauvage ?

Forcément un oiseau de mer. Mais je suis un être humain, c’est bien comme ça ; ceci dit je considère que je n’ai pas tant de différence avec un animal dit sauvage, car je suis une composante de la diversité de la planète, je suis une des dizaines de millions d’espèces qui cohabitent avec cette planète. 

Une belle rencontre

Ma première rencontre avec un Albatros dans les 40èmes en 1990, le plus grand oiseau marin, très esthétique, qui utilise les micro courants au ras des vagues pour remonter, pour planer, sans donner un seul coup d’aile. C’est très beau. En plus, ils n’ont pas de raison d’être craintifs, ils sont curieux, intéressés par ce qui traîne dans l’eau, ce qui pourrait tomber du bateau.

En Alaska, les ours bruns, un jeune qui apprend à pêcher dans la rivière, la stratégie utilisée, ses hésitations.

Un spot préféré

Les régions polaires – grand Nord et grand Sud, depuis 8 ans j’ai beaucoup navigué en Géorgie du Sud, en Patagonie. Maintenant je suis plutôt dans le Nord, les iles Féroé, le Groenland où je repars l’année prochaine avec un groupe d’alpinistes.

Un lieu mythique ?

L’espace ; ça me dirait, ça doit être un choc émotionnel, esthétique et un outil de réflexion sur la planète qui doit être assez puissant.

Sur terre, plein de lieux, la Tasmanie, le Kamtchatka, le grand Nord canadien… heureusement, la planète ne manque pas de beaux endroits. 

Une œuvre qui résume votre parcours ?

Un livre culte, mais qui ne me représente pas vraiment, « Cent ans de solitude » (Gabriel Garcia Marquez), pour son écriture, sa construction atypique, très sud américaine, qui paraît délirante, fantaisiste mais qui, à travers les lignes, évoque des choses extrêmement humaines, graves, fortes, une façon de distancier le fond et la forme. Très grande littérature. Sans que je me sente pour autant un des personnages du roman.

L’histoire des mers australes (JR Vanney), bien sûr. 

Technique, photo ?

Mon univers c’est les mots, j’écris, je fais de la radio, je fais des conférences, je suis sur scène, pour dire des contes maritimes que je présente avec des musiciens, je suis investie dans les mots, l’écriture, la voix.

Je ne suis pas très bonne photographe ; et puis je n’ai pas très envie d’interposer un appareil entre moi et une réalité, je préfère la regarder, la sentir, la vivre puis la retranscrire après coup.

Un conseil à un débutant

Il faut avoir une vraie qualité d’observation, pas de vérité préétablie, aller au contact de la réalité, voir ce qu’elle est, comprendre ce qu’elle est, et à partir de là, on peut établir de véritables stratégies. C’est vrai pour tous les métiers. Il faut être attentif aux choses, aux gens. L’observation et l’écoute me paraissent être deux éléments essentiels. 

Un animal disparu revient, lequel ?

Je sais qu’on essaie en ce moment de faire revenir les mammouths, de cloner des ADN. Ça ne me paraît pas très intéressant, je préfère qu’on s’emploie à essayer que les espèces arrêtent de disparaître. Car, après tout, l’évolution est ce qu’elle est, les disparitions ne me gênent pas, ce qui m’importe c’est leur accélération du fait de l’Homme.

Mais pourquoi pas le retour de l’Archéoptéryx ? Ou de ce gros mammifère marin, la Rhytine de Steller, ça devait être un animal marrant ! 

Une initiative ? Une urgence?

La première urgence concerne la grande faune sauvage, la plus emblématique : il est urgent de faire une guerre, je choisis ce mot, aux maffias et aux trafiquants qui sont en train de faire des vrais massacres. Une guerre sur le terrain et une guerre commerciale pour que les consommateurs, asiatiques notamment, arrêtent de croire que les messieurs vont être plus puissants en absorbant de la poudre de Rhinocéros.

Deuxième urgence, arrêter l’utilisation incontrôlée des pesticides et des herbicides dans nos sols un peu partout. Il est urgent de stopper cette folie qui tue nos sols. Je ne comprends pas qu’un agriculteur puisse de gaieté de coeur ouvrir un bidon sur lequel figure une tête de mort et répandre son contenu ! Il y a un souci quelque part ! 

 

La campagne WWF « Stop au massacre », pourquoi ?

On s’aperçoit depuis quelques années de la recrudescence du massacre des grands animaux emblématiques – tigres, éléphants, grands singes... Pourquoi ? A la fois, à cause de la montée du pouvoir d’achat dans les pays asiatiques (pour se payer de célèbres vertus) et la recrudescence du trafic d’armes lourdes à la fin des révolutions arabes détournées ensuite par les maffias qui ont lâché des pauvres types en Afrique centrale et saharienne pour organiser d’autres maffias de massacres, ce qui a augmenté la diminution des espèces.

Cette campagne, c'est aussi une façon d’alerter sur la biodiversité en danger ?

Oui, car ce qui est grave c’est surtout le fait qu’on a supprimé 40% de la faune sauvage depuis 40 ans, c’est un fait avéré, mesuré par des milliers de comptages, d’études, qui permettent de suivre très précisément le niveau de la biodiversité. Le dernier rapport du WWF d’octobre sur l’état de la planète montre que l'on en est à 52% de disparition (mammifères, poissons, oiseaux et reptiles).

De tout temps les espèces ont disparu mais aujourd’hui, ça va 1 000 fois plus vite. Voilà le problème, la vitesse. Et entièrement due à l’Homme : assèchement des zones humides, trafic animalier, changement du climat…

En eaux douces, c'est catastrophique, on a supprimé les trois quarts de la biodiversité.

On se retrouve avec à la fois une instabilité extraordinaire du climat et de la vie sur terre, un dérèglement qui ne nous est pas favorable à terme. Car on s’est construit par la stabilité, avec un monde équilibré, vivant. Et nous avons besoin de cette stabilité. 

Les technologies humaines peuvent-elles arranger la situation ?

La technologie c’est bien pour aider, oui. Mais pourquoi détruire ce que la nature nous offre gratuitement, pour développer ensuite une technologie pour y pallier. Le service de pollinisation des fleurs par les abeilles par exemple : on va le faire à la main ? Avec des drones ? On marche sur la tête non ?! A ce rythme, le coût de notre inaction est très supérieur à celui de notre action.

La nature nous nourrit et pourra nourrir une population plus importante, les 10 milliards prévus, mais qui se stabiliseront avec l’éducation (des petites filles en particulier) ; ce qui est important c’est d’éviter le gaspillage – plus de 30% de la nourriture est jetée –, une consommation outrancière pour certains, insuffisante pour d'autres. Il faut répartir la production alimentaire. 

Les partenariats du WWF avec le monde de l’entreprise sont aussi un moyen de les entraîner, de transformer l'approche économique, d’alléger l’empreinte. 

Un message à laisser ? Peut-on être optimiste ?

Optimisme et pessimisme sont les deux faces d’une même médaille : la démission !, a dit quelqu’un. Ni confiance ni méfiance, ce qui compte c’est l’action, l’engagement. Il faut bouger, tout ne dépend que de nous ! 

 

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