Photographes animaliers

Christine et Michel DENIS-HUOT

Depuis plus de trente ans, Christine et Michel Denis-Huot, passent plusieurs mois par an en brousse, principalement au cœur de Masaï-Mara, où ils observent et photographient la faune africaine et son environnement. Michel a toujours été passionné par la nature et il est tombé sous le charme des grandes étendues sauvages de l’Afrique de l’Est dès son premier voyage au Kenya en 1973 à l’âge de 20 ans.

C’est en Tanzanie qu’il rencontre Christine, en 1985. Depuis, témoins privilégiés de la beauté et de la fragilité de la nature, ils explorent la savane en toute indépendance à bord de leur 4×4. Pour eux, la photographie n’est pas seulement un métier, c’est avant tout l’expression d’un attachement profond à la nature et à la liberté…

Leur travail photographique nous livre un regard passionné et attentif notamment sur les félins – lions, léopards, guépards – qu’ils retrouvent année après année. Ils savent saisir les ambiances et capter les lumières de ces étendues grandioses, en montrer la formidable richesse et l’étonnante vitalité de la vie animale.

Ils sont les auteurs de nombreux ouvrages sur la faune africaine dont “Passion Nature” (2016) et “Passion Félins” (2018), tous deux disponibles à la vente dans la boutique de ce site. Leurs photographies sont réalisées avec du matériel CANON et, depuis 2015, FUJIFILM dont Michel est l’un des Ambassadeurs de la marque.

Entretien avec...

Michel a découvert les grandes étendues sauvages d’Afrique de l’Est à l’âge de 20 ans et est immédiatement tombé amoureux de ces grandes plaines à perte de vue, avec leur densité de grande faune incomparable… Son rêve secret aurait été de découvrir cette savane en même temps que les premières expéditions, avant l’arrivée des Colons.

Il a arpenté le Serengeti pendant des années, quand il était encore possible de circuler librement partout, de dormir où bon lui semblait. C’est cette Afrique-là qu’il m’a fait découvrir quand je suis allée pour la première fois en Tanzanie. Après un an passé dans le Ngorongoro et le Serengeti, nous avons élu « domicile » dans la réserve limitrophe de Masai-Mara, avec ses paysages très variés, ses orages et ses lumières sublimes.

A partir de là, nous avons cherché à suivre la vie de nombreuses troupes de lions, de femelles guépards ou léopards, que nous retrouvions à chaque voyage. C’est ainsi que nous avons très longuement observé la mythique « Short Tail » dans « Leopard gorge », ou Olive le long de la rivière Talek sans oublier Bella, toutes des femelles léopard stars de l’émission de la BBC, le Big Cat diary.

Mais, d’année en année, nous avons vu changer le Masai-Mara et bien d’autres endroits en Afrique de l’Est.

Nous croisons de moins en moins de lions (comme partout ailleurs sur le continent) et, en même temps, la taille des troupes a diminué. Nous ne voyons plus ces grandes concentrations de plus de 40 individus. La pression humaine autour de la réserve a augmenté sans cesse. Les Masais qui auparavant se déplaçaient constamment sont devenus sédentaires en bordure de la réserve. Là, manyattas et troupeaux de bétail se sont multipliés. Même si la manne du tourisme n’a pas été distribuée équitablement, elle a permis aux éleveurs d’acheter toujours plus de têtes de bétail. C’est le cas en particulier des grands chefs Masai qui vivent souvent très loin d’ici et qui possèdent des troupeaux énormes.

Les guépards, eux, ne sont plus que quelques dizaines passant et repassant la frontière tanzanienne, barrière invisible pour les animaux. Il nous revient souvent à l’esprit les mois passés sur les plaines d’Aïtong vides de villages où plusieurs femelles guépard élevaient leurs jeunes à peu de distance les unes des autres. Sauver ces extraordinaires félins n’est pas une mince affaire face d’autant que les bébés de l’espèce doivent faire face à la présence des hyènes et des lions. Ils ont peu de chances de survivre d’autant qu’ils sont aussi tués par les chiens des troupeaux Masai ou capturés pour être envoyés clandestinement dans les Emirats, friands de ces félins. Mais combien survivent au voyage ?

La quantité d’herbivores a baissé elle aussi et les reptiles - comme les tortues -deviennent inexistants, de même que bien des insectes ce qui entrainent une raréfaction des oiseaux qui les consomment. La chaine est si fragile !

La diminution de la faune et de la flore a des causes multiples, toutes liées à l’activité humaine. En premier lieu, la pression démographique : le Kenya a vu sa population passer de 6 millions en 1963 à 44 millions en 2013.

Souvent, le tourisme est cité comme la deuxième cause de tous ces problèmes. Bien sûr, le nombre toujours croissant de logdes, de camps et de véhicules a un impact négatif sur la faune. Et, le comportement des conducteurs – et pas seulement ceux des minibus - est souvent navrant. Même les chauffeurs/guides des 4 x 4 censés transporter des photographes amateurs et « éclairés » font n’importe quoi. Ecraser la végétation pour approcher au plus près d’un léopard ou bien placer systématiquement leur véhicule pour que leurs clients photographient les félins de face quand ils se déplacent, leur coupant ainsi la route, tout en « rushant » pour changer de position ! Des cameraman de la BBC - fidèles habitués du secteur - disaient encore à Michel ces jours-ci qu’ils n’avaient jamais vu des comportements aussi exécrables. Mais, il faut garder en mémoire que, sans touristes, le Masai-Mara ne serait plus une zone protégée et la faune sauvage disparaitrait rapidement.

Une autre cause du déclin semble être la pollution consécutive à la présence autour de la réserve de grandes fermes agricoles qui utilisent massivement les pesticides, souvent dispersés par avion. L’impact sur les insectes et sur la flore est important. Peut-être est-ce aussi une des explications du déclin rapide du nombre de vautours.

Nous avons constaté, comme bien d’autres habitués de la région, la disparition progressive des grands arbres. Et la relève pour les remplacer n’est pas assurée. Les jeunes pousses sont consommées par les éléphants qui ne peuvent plus migrer et ne laissent pas à la végétation le temps de repousser.

Autour des marais de Musiara, les arbres tombent les uns après les autres. Des recherches sont en cours pour comprendre ce phénomène particulier dont les causes semblent fort complexes. Mais, on peut d’ores et déjà pointer un problème de nappe phréatique lié aux fermes de mais en amont de la rivière Mara et aux pompages effectués par les nombreuses lodges. A tout ceci s’ajoute le développement incontrôlé de plantes invasives non comestibles qui supplantent les plantes endémiques.

Si rien n’est fait, cela aura des conséquences inéluctables sur la vie sauvage et en accentuera la baisse.

Masai-Mara, tout au moins la partie de la réserve régie par le « County council de Narok » doit faire face à un fléau immédiat : les troupeaux de vaches Masai. Les touristes ne viennent pas ici faire un « safari vache », et pourtant, ils vont en voir beaucoup ! Posséder des vaches est pour les Masais un signe de richesse. Ainsi, au fur et à mesure qu’ils s’enrichissent, la taille de leurs troupeaux augmente. Ce qui entraine inévitablement des problèmes.

Les éleveurs Masais ont eu l’autorisation exceptionnelle de faire entrer leur bétail dans la réserve suite à la grande sécheresse de 2009. Mais, cela s’est ensuite transformé en une pratique permanente et quotidienne. De très nombreux troupeaux attendent en soirée juste en bordure de la zone protégée et, à la nuit tombée, sont emmenés paître par leurs gardiens au cœur de la réserve.

Dès que l’on prend de la hauteur, on peut voir un peu partout quantité de lampes qui bougent dans la nuit. Les troupes de lions, en particulier celles de Bila Shaka et la « Marsh pride » ont dû changer leurs habitudes, complètement perturbées par ces pratiques. Sans compter les nombreuses vaches présentes même dans la journée.

Ce bétail consomme la nourriture des herbivores sauvages dont les populations ne font globalement que baisser. Le piétinement des troupeaux domestiques entraine une modification de la nature du sol et empêche la repousse de certaines plantes. La présence des vaches – proies faciles - sur le territoire des lions génère inéluctablement des conflits. Depuis très longtemps, ces félins sont régulièrement empoisonnés par des carcasses piégées hors de la réserve. Mais, plus récemment, ils le sont aussi dans la réserve elle-même. C’est ce qui est arrivé à la Marsh Pride en décembre 2015.

Des rangers sont censés faire respecter la loi – et donc empêcher les troupeaux domestiques de pénétrer dans la réserve - mais eux-mêmes sont des Masais, et souvent des propriétaires de bétail. Alors, ils préfèrent mettre des amendes aux véhicules qui font du hors-piste que de gérer ce problème ! Ou peut-être n’ont-ils pas le choix…

Le secteur de Transmara, géré différemment par Brian Heat depuis dix ans, n’est pas directement touché par ce problème. Là, si un troupeau est pris en train de paître dans la réserve et que les gardiens se sont enfuis, plusieurs bêtes sont abattues et servent à nourrir le personnel de la réserve... Quant aux Masais fautifs, ils risquent la prison. Leçon vite comprise.

A tout cela, il faut ajouter le braconnage pour les défenses ou les cornes et celui pour la viande de brousse. Les nombreux collets posés un peu partout par les braconniers tuent indistinctement les animaux sauvages, sans se soucier de leur espèce.

Tout ceci a un lien direct avec l’homme. On peut noter que certaines perturbations proviennent des animaux eux-mêmes. La coalition entre le lion Notch et ses 4 fils - héros du Big Cat Diary et du film Félins de Disney Nature - a été une des plus puissantes jamais vues dans Mara. Ces mâles en se déplaçant sans cesse ont conquis l’une après l’autre de très nombreuses troupes de l’Est de la réserve. Ils ont fait fuir tous les autres mâles adultes. Mais, cette suprématie a aussi eu des conséquences négatives : la mort d’un très grand nombre de lionceaux et l’éclatement des groupes de lionnes résidentes, certaines s’enfuyant pour protéger leurs petits.

Malgré notre inquiétude grandissante face à l’avenir du Masai-Mara, nous continuons à nous enthousiasmer pour toutes les scènes de la nature que nous observons à chacun de nos séjours.

Nous essayons chaque fois de nous retrouver seuls dans des endroits bien à nous.

Et nous nous laissons ensorceler par les lumières magiques de la savane. Pour combien de temps encore ?

M & C Denis-Huot

Distinctions & Parutions

Ils ont reçu de nombreux prix internationaux (World Press, BG Wildlife Photographer of the Year, Montier-En-Der, GDT).

- En 1992 et en 1996, deux reportages, un sur les hippopotames et un sur la migration des gnous ont les honneurs du World Press,
- en 1997, une photo de dauphin sautant devant l'étrave d'un pétrolier remporte le 1er prix Nature du World Press.

dauphin à gros nez

 

- en 1999, une photo de lionne transportant son bébé est récompensée par le 1er prix du BG Wildlife Photographer of the Year dans la catégorie mammifères,

lion

 

- en 2000, une photo de lionne jouant avec un bébé gazelle qu'elle vient de capturer reçoit le premier prix au festival de Montier en Der,
- en 2001, c'est le sujet «babouin opportuniste» qui gagne le deuxième prix Nature du World Press, catégorie reportage.
- 2005, la série lions remporte un prix à Montier, une photo de lion est highly commented au BBC et deux photos remportent des prix au GDT.
- 2007, une photo de gnous remporte le 1er prix mammifères à Montier et une photo d'éléphant remporte le 2ème prix Noir et Blanc au BBC.

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