Photographes animaliers

Emmanuel RONDEAU

Né en 1984 à Lyon, Emmanuel est photojournaliste pour la presse et réalisateur de documentaires, spécialisé sur les sujets liés à la conservation des espaces naturels.

Son intérêt pour la nature a commencé dès l’enfance. A l’âge de 7 ans, il avait complètement tapissé les murs de sa chambre de posters d’animaux qu’il se promettait un jour d’aller rencontrer dans la nature. Depuis ce jour, il a été poursuivi par un grand nombre de ces exacts mêmes animaux incluant des lions, jaguars, tigres, éléphants, bisons et autres serpents et loups.

Convaincu par le pouvoir de la narration, Emmanuel utilise les images pour raconter des histoires inconnues et surprenantes afin d’encourager le public à s’intéresser au monde du vivant et à l’avenir de notre planète. Il a travaillé sur de nombreux projets en Amérique du Nord et du Sud, en Europe, Afrique et Asie.

Cliquez ici pour visionner une vidéo d'Emmanuel expliquant les conditions de son reportage sur le Lynx.

 

Entretien avec...

Quel cheminement personnel jusqu'à l'animal sauvage ?

C’est une question toujours un peu difficile. En réalité, je crois que tout est parti de l’émotion que l’on ressent, en tout cas que j’ai ressenti, lors des découvertes de grands espaces sauvages. Pour ma part c’était en Californie, ou je vivais autour de la vingtaine. Je me sentais bien, en accord avec moi même, j’en avais plus que marre des villes, des gens, du bruit, de la pollution.

En fait je crois que c’est la nature qui m’a ensuite ramené vers les gens, en quelque sorte qui m’a réconcilié avec les hommes, car je me suis rendu compte que nous faisions aussi totalement partie de ce monde sauvage et qu’il n’y avait aucun sens d’opposer notre espèce aux autres.

Je suis passionné par l’incroyable diversité et créativité de la nature, mais je n’oublie pas l’homme dans l’histoire. J’aime raconter des histoires ou l’homme se retrouve en face de cette nature puissante, en ce sens je suis plus un narrateur (que l’on appelle cela auteur, réalisateur ou photo-journaliste selon les productions) qu’un naturaliste pur. L’animal en lui même est passionnant, mais j’aime le rattacher à une histoire.

Un maître à penser ? 

Non, je ne crois pas avoir de maître à penser. Beaucoup de gens m’inspirent, des grands hommes comme des « petits ».

Une œuvre marquante ?

Impossible de n’en citer qu’une.

Du film « Princesse Mononoké » de Hayao Miyazaki, aux images documentaires de William Albert Allard et aux peintures impressionnistes. J’aime également certains auteurs qui savent décrire la nature, les émotions et l’absurdité de notre époque comme Sylvain Tesson et son « Dans les forêts de Sibérie » ou ceux qui savent dérouler des narrations passionnantes comme John Vaillant avec « Le tigre ».

Si j'étais un animal sauvage ? 

Ma compagne me dit parfois que je serais sans doute un Puma. C’est un animal qui s’adapte aux conditions les plus chaudes comme les plus froides. Il n’est pas trop gros ni trop petit. Pourquoi pas ?

Une belle émotion ou rencontre avec la faune ? 

Et bien justement, avec un Puma. Voici un extrait de ce que j’écrivais il y a quelques temps dans le magazine Terre Sauvage sur cette rencontre au Costa Rica, sur le chemin du retour d’une randonnée seul dans le Parc National du Corcovado :

«  Subitement, quelque chose attire mon regard. Bien que fugace, cette vision a été suffisante pour ne laisser aucun doute sur la nature de ce que je viens de voir. A tout juste 10 mètres de moi, un puma vient de m’apercevoir et de sortir du chemin pour se réfugier dans la végétation en bordure de sentier. Loin d’un comportement de chasse, le lion des montagnes souhaite simplement éviter un face à face hasardeux avec ce qu’il voit en moi, un grand primate d’un mètre quatre-vingt cinq à l’allure originale. Nous sommes maintenant à cinq mètres l’un de l’autre. Debout, il doit faire la même taille que moi et surtout le même poids. Assis, les pupilles bien pleines, il me regarde fixement pendant plusieurs minutes. Il est si bien camouflé que je ne l’aurais sans doute jamais remarqué si je n’avais aperçu un mouvement s’évanouir dans la végétation. Etre seul avec un félin dans une forêt primaire en bord de plage : je vis là une expérience magique. Subitement, il se remet en route. Nous nous suivons alors un instant, lui dans la forêt et moi sur le sentier. Il est bientôt à découvert, allongé sur le sol. Lentement, sans jamais le quitter des yeux par mesure de sécurité, je récupère mon boitier et réalise une image. Les conditions, contre jour, forêt dense, sont loin d’être idéales, mais qu’importe, le moment est fort. Sitôt l’image réalisée, l’animal sort de ma vue et pars en direction de la plage, je ne le retrouverai jamais. »

922136_516505055072863_1679876531_o

Un animal disparu qui reviendrait ?

Essayons peut-être déjà de garder les espèces que nous avons avant de penser à faire revenir celles qui nous ont quitté naturellement. Ce concept me fait penser aux travaux actuels pour cloner des mammouths ou des rhinocéros laineux et les réintroduire en Sibérie. Si jamais je devais véritablement imaginer quelque chose du genre et bien j’aimerais aller photographier le Tigre de la Caspienne qui a disparu et qui venait surement jusqu’en Europe. Des tigres en Europe, voilà une idée réjouissante !

Un animal fantastique qui existerait ?

J’adore la science fiction et le fantastique, mais je crois encore une fois que parfois dans la nature, la réalité dépasse la fiction. Je pense notamment au Mégalodon, ce grand requin blanc de la taille d’une baleine bleue, une puissance pareille est difficilement imaginable. L’auteur Steven Alten en a d’ailleurs fait une série de livres en imaginant que l’espèce avait pu survivre au plus profond de nos océans. Que ce soit des Mégalodons au plus profond des océans ou des reinettes aux couleurs extraordinaires au Costa Rica, notre planète nous réserve encore du fantastique.

 

La photo ou la série à laquelle vous tenez particulièrement ?

J’ai une pensée spéciale pour une image de Jaguar que j’ai réalisé au Costa Rica. Elle m’a prit presque 3 mois pour l’a réaliser, 800 km en foret et 10 kg de perdus sur la balance. Les Jaguars sont en perte de vitesse en Amérine Latine, les photographier dans la forêt (par rapport à le faire autour de cours d’eau au Pantanal par exemple) est un challenge immense, et cette image est arrivée alors que j’avais perdu presque tout espoir, 5 jours avant que je reparte du pays, je n’en croyais pas mes yeux. C’est un souvenir particulier. Beaucoup d’autres images m’ont demandé des investissements, mais ce souvenir reste particulier, avec cette dramaturgie du dernier jour.

Emmanel_rondeau_09_CostaRica__15092012_00191

Spot préféré ?

C’est une question encore très difficile car tous les lieux que j’ai en tête sont tous tellement différents et je suis très attaché à chacun d’entre eux. Peut-être puis-je citer « Point Reyes National Seashore » en Californie. Il s’agit d’une réserve d’état, et je crois que c’est véritablement la bas que j’ai commencé ma carrière. Des plages désertes, froides, et battues par les vents à perte de vue, séparées du continent par la faille de San Andrea. Ce lieu, bien que sans doute pas le plus sauvage au monde, a eu une grande influence sur moi. Je sais que j’y retournerai un jour.

Un lieu mythique ?  

Le Bhoutan, des espèces extraordinaires (tigre, léopard, panthère nébuleuse, panda roux etc…), un milieu préservé, l’Asie sauvage et montagneuse par excellence, et une culture qui semble tout à fait passionnante et en accord avec son environnement.

Et la technique ?

Le plus grand danger pour le photographe. La photographie est parfois victime de sa « geekerisation », les outils de prises de vue étant devenu de vrais petits ordinateurs. C’est aussi et surtout dans le domaine de la photographie de nature que je ressens parfois trop penché sur le coté naturaliste et pas assez sur l’art, le narration, l’émotion, la sensibilité.

Comme tout art, il faut maitriser son pinceau mais ne surtout pas garder l’œil dessus. Savoir faire parler sa sensibilité, communiquer avec les images, voilà ce qui devrait sans doute être le sujet de discussion majeur des photographes.

Solitaire ou partageur ?

Mon métier reste la production de films et de reportages mais j’ai grand plaisir à faire découvrir de façon ponctuelle, 2 ou 3 fois par an des lieux d’exception à des petits groupes, et également d’aider les photographes à réaliser les images qu’ils ont en tête, des les accompagner vers le plaisir de la photographie. Le métier de photographe notamment est parfois un peu solitaire, et il est bon parfois d’échanger sur quelques jours avec d’autres. Au jour d’aujourd’hui j’accompagne tous les ans un ou deux groupes dans le Parc de Yellowstone aux USA en hiver via l’agence de voyage Objectif Nature. Nous faisons tout pour proposer vraiment de beaux moments et je crois que nous allons continuer avec une ou deux nouvelles destinations.

Des urgences ? 

Tant d’urgences. Je crois que l’urgence est de lancer « l’humanité 2.0 ». Nous en sommes à un point ou l’homme se dégoute lui même, nous disons nous même que nous devenons « le cancer de cette planète », facebook est truffé de dessins et de commentaires qui vont dans ce sens et cette idéologie prend une ampleur parfois inquiétante. Je ressens cela parfois, mais je ne peux que constater aussi de magnifiques valeurs chez l’être humain et des perspectives de changement, les solutions sont toutes autour de nous.

La question c’est pouvons nous changer sans électrochoc violent, et cela je ne peux y répondre.

Des conseils ? 

Tous les débutants ont des aspirations différentes.

A ceux qui veulent se professionnaliser je leur conseille de procéder en mode projet, de se lancer un défi et de ne rien lâcher tant que quand le reportage n’est pas terminé et non de picorer ci et la des images sans lien entre elles.

A ceux qui sont dans le plaisir uniquement, je leur conseille de ne pas trop regarder ce que font les autres et de se poser la question de ce qui leur plait à eux, de ce qu’ils voudrait provoquer chez les autres avec leurs images, et de toujours chercher l’originalité.

Votre dernière parution ?

Ma dernière parution dans la presse concerne mon reportage sur les léopards de l’Amour dans le magazine anglais BBC Wildlife. Cette espèce de félin est la plus en danger de la planète puisque seulement 60 individus survivent en extrême orient russe, à coté de Vladivostok, au croisement entre la Russie, la Chine et la Corée du Nord. Le reportage a fait la couverture du magazine et j’en suis heureux car cela donne une portée encore supplémentaire et une visibilité supérieure sur les problèmes que connaissent aujourd’hui ces magnifiques léopards.

10995403_840374946019204_2850554176539494210_o

Pour conclure, une association à mettre en avant ?

Nous avons besoin de grands prédateurs en France, je voudrais donc mettre en valeur l’association FERUS et ses actions envers l’Ours, le Lynx et le Loup. Sans ces espèces, nos espaces naturels ne sont ni sauvages ni équilibrés. Toutes les forêts ont besoin d’un seigneur.

Distinctions & Parutions

Son travail a fait l’objet de nombreuses publications (GEO, BBC Wildlife, Audubon Magazine, Terre Sauvage) et récompenses (Nature Image Awards, OASIS International, Veolia WPY).


 

 

Expositions

EN LIEN AVEC LE SUJET

LIVRE (S) EN LIEN AVEC LE SUJET :

En rapport avec :

Lynx, Tigre, Costa Rica, Sibérie, Léopard, Jaguar, Bouthan

Pages personnelles