Les réalisateurs

JOFFRION Laurent

Un des grands chocs du festival de Ménigoute 2019 : "Ours, simplement sauvage" (2019, France TV/Studio) de Laurent Joffrion et Vincent Munier.

"Ce film propose une immersion dans les décors vertigineux de la Cordillère Cantabrique, au Nord de l’Espagne, au plus près de l’ours des falaises. Dans le sillage de cette figure animale, le spectateur découvre des milieux naturels aux vibrations primitives, où faune et flore sont les témoins d’une nature préservée."

Et première rencontre avec le réalisateur Laurent Joffrion.

Nous avons souhaité nous revoir pour en savoir davantage sur ce passionné de nature qui a su capter au creux de la Cordillère Cantabrique ces instants de sauvagerie qui ont marqué les esprits et les coeurs de ceux qui ont eu la chance de voir ses images.

Et nous avons découvert un homme curieux, voyageur, et plein de projets dont Nature365 né d'une collaboration avec le grand photographe Jim Brandenburg, et qui a fréquenté les plus grands naturalistes.

Rencontre!

©VincentMunier

INTERVIEW

Votre parcours en quelques mots?

Je suis né en 1977, à Cholet. J’ai grandi en périphérie de la ville, dans le bocage, entre les rives de la Moine et les prairies bordées de haies d’une ferme laitière. J’ai récemment découvert que ce terrain de jeu de mon enfance était devenu un lotissement d’envergure…

De nombreux territoires ont connu le même sort et je repense avec nostalgie à mes premières observations. Sur ces quelques hectares, l’emprise de l’Homme et l’appauvrissement de la biodiversité sont flagrants.

Personne, dans ma famille, n’avait de fibre naturaliste particulière. C’est donc plutôt dans les livres et les revues que j’ai découvert la richesse de notre planète. Je suis aussi un enfant de la télé. Les expéditions de la Calypso ou celles d’Ushuaïa Nature ont bel et bien bercé mon imagination. J’allais ensuite exploré le bocage autour de chez moi…

Mais c’est en allant faire des études en Australie que ma vision a évolué. Je suis parti pour rompre avec ce que je connaissais et découvrir l’ailleurs. L’environnement extérieur et ce petit moi à l’intérieur. Je n’ai pas été déçu. J’ai entrepris une formation sur les outils numériques et les nouveaux médias et je profitais de mon temps libre pour plonger sur la grande barrière de corail, m’aventurer dans le bush ou dans les forêts du Queensland. C’est là que j’ai pu appréhender les notions de grands espaces et de biodiversité. C’était si différent, si omniprésent, si intriguant, que je n’ai plus jamais regardé mon environnement comme avant. Où que je sois.

©VincentMunier

Quand je suis rentré, j’ai travaillé pour une société de production multimédia. Nous y avons développé une collection de CD-ROM éducatifs sur la faune sauvage européenne. Les oiseaux des parcs et des jardins, les mammifères sauvages d’Europe, les amphibiens et reptiles de France… Mon rôle consistait à agréger des contenus pour ensuite les mettre en forme dans un outil interactif. C’est au cours de cette période que j’ai rencontré des dessinateurs, comme Jean Chevalier, des audio-naturalistes, comme Jean Roché ou Fernand Deroussen et des photographes, comme Louis-Marie Préau, Jean-François Hellio et Nicolas Van Ingen ou Vincent Munier, par exemple. Des chercheurs et des naturalistes avertis nous ont aussi beaucoup aidé à rédiger, corriger ou valider les textes informatifs. J’ai mis un pied dans le réseau des artistes et des auteurs naturalistes français, j’ai parallèlement découvert le tissu associatif et ce petit monde a contribué à m’ouvrir les yeux sur les enjeux environnementaux de nos sociétés. Je suis très reconnaissant envers toutes ces personnes qui m’ont inspiré (et qui continuent de le faire).

©VincentMunier

Est ensuite venu le moment de me recentrer sur les outils audiovisuels, qui semblaient mieux répondre à mes aspirations. En 2005, j’ai réalisé un premier film, près de chez moi, sur la richesse écologique des Basses Vallées Angevines - "De l'eau dans les vallées" - et la synergie des acteurs locaux cherchant à mieux les préserver. Le processus de conception m’a beaucoup plu. La nécessité d’assumer ses intentions et de les partager, aussi. En enchaînant les projets avec différentes sociétés de production, en France et à l’étranger, je suis devenu réalisateur. La relation qui unit l’homme à son environnement est la clé de voute des histoires que j’aime retranscrire. L’importance de la biodiversité et l’engagement pour la conservation de la nature sont des sujets de prédilection, que le contexte soit urbain, rural et agricole ou de nature sauvage.

©VincentMunier

Et actuellement, des projets? Plus récemment, en marge de ce travail documentaire, j’ai aussi créé une structure de développement, FollowFocus (www.followfocus.fr), qui me permet d’explorer des formes narratives différentes, notamment sur les nouveaux médias. Nature 365 (www.nature365.tv) en est un bon exemple. Il s’agit d’un programme en ligne offrant une petite minute de nature, tous les jours, du 1er janvier au 31 décembre. Initié en 2015 avec le photographe et cinéaste américain Jim Brandenburg, ce projet a évolué et est désormais ouvert à différents contributeurs, qui m’envoient des images et des sons captés à proximité de chez eux, avec une réelle exigence d’authenticité. La promesse est simple et sincère : ouvrir une petite fenêtre sur le monde sauvage, sans didactisme mais avec une approche résolument poétique.

Quels sont vos maîtres à penser, vos références ? Plutôt que des maîtres à penser, j’évoquerais des gens croisés en chemin qui m’ont inspiré. Plus haut, j’ai mentionné Vincent Munier. Nous avions 20 ans quand nous nous sommes rencontrés et je ne suis pas sûr qu’à l’époque il envisageait vraiment de vivre un jour de sa passion. J’ai participé à la conception et aux publications de son premier site internet ; j’ai eu le plaisir d’écrire un livre sur les Vosges avec lui et son père, Michel ("Clair de Brume", aux éditions Hesse) ;

nous avons effectué plusieurs voyages ensemble, collaboré à différents projets au fil des années ; je l’ai vu devenir célèbre (en tous cas reconnu) sans se détourner de ses convictions. Comme beaucoup, je suis sensible à l’esthétisme et à la poésie de ses images. Mais au-delà de son travail, je crois que c’est son rapport à la nature qui me fascine le plus. Sa façon d’en faire profondément partie, de la ressentir intensément et d’en partager l’essentiel.

Je pourrais également évoquer Jim Brandenburg. Sa dévotion pour le monde sauvage et son besoin de le mettre en images sont assez incroyables. Et comme Vincent, il revient toujours à ses racines, en l’occurence les prairies du midwest où il est né et les forêts boréales du Minnesota où il vit aujourd’hui et a construit l’essentiel de son oeuvre. A son travail photographique et audiovisuel immersif se sont associés des réflexions et des propos inspirants et des points de vue philosophiques.
©Jim Brandenburg

Votre / vos lieux de nature préféré ? Avec le temps, j’aime de plus en plus contempler mon petit jardin. Au moment où j’écris ces lignes, une quinzaine de chardonnerets attendent que la sittelle ait quitté la mangeoire… J’ai eu la chance de découvrir des milieux extraordinaires, des forêts de Sumatra aux hauts plateaux du Tibet, de la toundra norvégienne aux monts Cantabriques, mais ces petites visions de proximité, ça me suffit.

Dans tous les cas, c’est souvent en marchant dans les pas de quelqu’un que j’ai le mieux apprécié le contexte dans lequel je me trouvais. C’est peut-être une déformation professionnelle car je pense qu’en tant que réalisateur, il faut trouver le bon compromis entre l’affirmation de ses intentions et l’effacement au profit de son sujet ou de ses protagonistes. Savoir se mettre en retrait pour valoriser l’essentiel. Alors il y a des endroits où j’aurais toujours plaisir à retourner, en accompagnant les gens qui les connaissent bien. Observer les Vosges avec Vincent Munier, découvrir la Brenne avec Jean-François Hellio ou naviguer sur les lacs du Minnesota avec Jim Brandenburg… Ce sont des expériences précieuses.

                                     Etang Ricot,réserve deChérine (Brenne) ©jbdumond2020

La ou les plus belles rencontres / émotions de rencontre de vie / faune sauvage ? Un boeuf musqué dans le grand blanc de l’hiver norvégien ? Les yeux d’un loup dans une clairière du Minnesota ? L’observation privilégiée d’un ours brun en Ariège ? La silhouette chantante d’un Grand Tétras dans une tourbière des Vosges ? La surprise d’un requin sur un massif corallien ? Une troupe de kiangs dans son nuage de poussière au Tibet ? Les petits chardonnerets de mon jardin ? Je serais incapable de choisir un instant parmi d’autres…

Une oeuvre en particulier qui symboliserait votre cheminement? C’est compliqué… Une photographie, un film, un tableau, une sculpture, une pièce musicale ? Mes influences sont très éclectiques et j’aimerais qu’elles le reste. Après, si je devais emmener un seul livre sur une île déserte, je choisirais sûrement "l’homme qui plantait des arbres", de Jean Giono. Opiniâtreté, éloge de la patience, écologie, humanisme… Je ne me lancerais pas dans l’analyse critique de cette nouvelle ; je sais juste qu’elle me touche profondément.

Un animal disparu revient, lequel ? Le tigre à dents de sabre. Vu le rapport culturel de nos sociétés avec les prédateurs sauvages, je me demande comment nous appréhenderions le retour en force d’un tel animal… Peut-être que nous pourrions gagner en humilité ?

CONCOURS

FILMOGRAPHIE

OSO – SIMPLEMENT SAUVAGE

(2019 – 52min) (France TV)

Grand prix / Festival du Film Aventure et Découverte de Val d’Isère (France)

IMAGES OF HOME

(2018 – 20min) (Bell Museum of Natural History – Minneapolis)

MONSIEUR SACHA

(2016 – 26min) (Disney Channel)

UN MATIN SUR TERRE

(2015 – 90min) (ARTE)

SCANDINAVIE, L’APPEL DU NORD

(2014 – 52min) (France TV)

Best picture at the International Gold Panda Festival of Sichuan (China)

ABYSSINIE, L’APPEL DU LOUP

(2012 – 52min) (France TV)

Best photography / Gémeaux awards (Canada)

Grand prix / Festival du Film Aventure et Découverte de Val d’Isère (France)

Best picture / Namur Film Festival (Belgium)

Prix du jury / Festival du Film d’Aventure de La Rochelle (France)

LES AVENTURES DE TINTIN

(2010 – adaptation documentaire – 43min) (ARTE)

CARNET DE VOYAGES

Au Japon (2008 – 26 et 52min) (ARTE)

Au Cambodge (2007 – 26 et 52min) (ARTE)

En Arménie (2006 – 26 et 52min) (ARTE)

LE CHANT DES PLAINES

(2006 – 26min) (CNRS – Ushuaïa TV)

DES PARCS ET DES HOMMES

(2005 – 5x52min) (TF1 – Ushuaïa TV)

DE L’EAU DANS LES VALLÉES

(2004 – 26min) (France 3)

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