Personnalités à découvrir, Les scientifiques

François LASSERRE

François Lasserre est entomologiste, auteur, conférencier et professeur de protection de la nature.

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Il est également impliqué dans des associations :

- vice-président de l'Office pour les insectes et leur environnement (Opie)

- administrateur du groupe Traces (médiation scientifique) et du Graine IdF (réseau d'éducation à l'environnement)

- membre du directoire Esen de FNE et des Journalistes-écrivains pour la nature et l'écologie (JNE).

il est auteur de nombreux ouvrages sur les insectes et la nature, notamment :

- Infox nature, l’intégrale (Delachaux & Niestlé, 2020)

- Sauvons les insectes ! (Rustica éditions, 2020)

- Les insectes en bord de chemin (Delachaux & Niestlé, 2019)

Au secours une bestiole ! Manuel antistress face aux bêtes qui nous embêtent (Delachaux et Niestlé, 2012)
- Comme vache qui pisse, et autres expressions animales (Delachaux et Niestlé, 2011)
- Petit atlas des papillons (Delachaux et Niestlé, 2007)
- Jeux d’insectes (Opie, 2003)

Nous l'avons rencontré en février 2015 et revu en 2020

photo Matthieu Leroux

Votre parcours en quelques étapes ? Aller voir ailleurs a toujours été une grande motivation. Avec mon grand-père d’abord, loin des bruits de la ville, au bord de l’eau et au milieu des habitants du dehors. Plus tard, j’ai accompagné des primatologues et des entomologistes dans la forêt gabonaise, tout en essayant de protéger une espèce de singe endémique, pas facile ! De retour, le monde associatif de l’éducation à l’environnement s’est logiquement installé dans ma vie, salarié ou bénévole. Ses éthiques et ses acteurs m’apportent chaque jour beaucoup. Une grande parenthèse en entreprise, très instructive, et me voilà aujourd'hui auteur, conférencier et enseignant, entre autres.  

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Quels sont vos maîtres à penser, vos références culturelles ? En vrac, ils sont si nombreux, j’apprécie surtout ceux qui m’empêchent de penser en rond, toujours pour aller voir ailleurs, car la vérité est nulle part.

Humanisme, basique et classique : Racines d’Alex Haley, Si c’est un homme de Primo Levi, Claude Lévi-Strauss, Martin Luther King, François-Xavier Verschave pour mes années en Afrique.

« Humanisme animal » : Peter Singer, Élisabeth de Fontenay, Tom Regan, Jean-Claude Ameisen, Sue Donaldson et Will Kymlicka…

Sciences, il y en a tant, si possible les plus disruptifs : Philippe Descola, Pierre-Henri Gouyon, Guillaume Lecointre, Hubert Reeves (pour sa capacité à vulgariser l’astronomie), Jacques Tassin (pour son humanisme), le collectif Cortecs (pour leur promotion de la pensée critique)…

Education et pédagogie, au moins pour envisager les apports d’autres philosophies éducatives : Alexander Sutherland Neill, Ivan Illich, Paulo Freire, Jean-Pierre Lepri, François Terrasson…

Philosophie récente : Michel Serres, Michel Onfray (lorsqu’il est constructif), Albert Jacquard, les Larrère, Dominique Lestel, Virginie Maris, Baptiste Morizot, Philippe Huneman, Julien Debord, Nayla Farouki…

Les femmes qui parlent de « nature » : Valérie Chansigaud, Vinciane Despret, Anne-Caroline Prévot, Virginie Maris, Geneviève Carbone…

Pourquoi l’animal sauvage ? Malheureusement pour sa pureté et sa rareté. Malheureusement car j’ai ensuite réalisé que la pureté était philosophique, qu’elle n’existe pas, et qu’un animal domestique a autant de « valeur ». Nos espèces compagnes ont participé à nos cultures, nous nous sommes construits grâce à elles. Mais c’est vrai qu’une rencontre avec une bête un peu plus vierge de l’homme, ou presque, est comme un secret que l’on partage d’abord avec soi-même, comme un trésor trouvé.

Si vous en étiez un ? Un oiseau ou un insecte pour voler. Sinon, j’apprécie le grand singe que je suis, notamment lorsque nous sommes en quête d’améliorations et d’apaisement.

©Bios

La ou les plus belles rencontres avec la faune sauvage ?Quasiment indescriptible ici, ma rencontre avec une famille de gorilles de plaine, au cœur du Gabon, reniflé par le dos argenté, avec les jeunes qui s’approchaient doucement tout en frappant leur poitrine, tout en jetant un œil au patriarche pour savoir jusqu’où ils pouvaient s’approcher de moi.

Plus rare, tant ils sont farouches au Gabon, j’ai passé plus de 15 minutes avec une troupe de chimpanzés, qui ne m’ont pas repéré. J’ai passé 10 minutes à essayer d’ouvrir la housse de mon objectif 400mm, mais le bruit les inquiétait. La photo est dans ma tête, je me suis rattrapé en photographiant un cercopithèque moustac dans la fourche d’un arbre, j’aime cette photo particulièrement du coup.

Cependant, mes heures passées en compagnie d’une famille de blaireaux en Savoie pendant deux mois ne sont pas en reste, loin de là !

Votre lieu sauvage préféré ? Plus aucun lieu n’est vraiment « sauvage », même l’Amazonie ! Alors pourquoi pas le Cantal qui semble parfois hors du temps, ses paysages ronds et sensuels, ses prairies en altitude regorgent parfois de tant d’insectes qu’on a du mal à y croire. La Baie de Somme a une ambiance particulière, le Lac du Bourget aussi. Les randos en montagne, où que l’on aille, sont quand même des moments précieux de rencontre avec l’espace et le vivant.

Mais rien n’a vraiment égalé mes deux ans au cœur de la forêt tropicale africaine, si bruyante, si vivante. En forêt, peu importe où, je me sens bien, à l’abri, au calme, protégé ?

Un lieu mythique où vous rêvez d’aller ?La migration des oiseaux au-dessus du Bosphore, il paraît qu’il faudrait le voir une fois ?  Les hauts plateaux d’Ethiopie pour y rencontrer les primates géladas ? Voir un loup à crinière courir en Argentine ? Partout ! Mais j’ai eu la chance de beaucoup voyager, alors faire du kayak au milieu des phoques en Baie de Somme ou croiser une araignée Érèse coccinelle à Fontainebleau peut suffire.  

Une ou des œuvres (vôtre ou d’un autre) qui vous semblent illustrer le mieux votre parcours ? Le douanier Rousseau que mon grand-père admirait a beaucoup marqué mon imaginaire d’enfance. Un jour je suis tombé nez à nez avec l’original de La Bohémienne endormie (1,30 x 2 m), un choc. Et pourtant ce peintre de « jungles » n’est jamais allé plus loin que le Jardin des plantes pour s’inspirer.

Tout livre plutôt philosophique autour de nos rapports ou de l’idée de « nature » me passionne, tant il révèle l’Histoire naturelle que nous fantasmons, que nous façonnons, si subjective et culturelle.

Récemment, j’ai essayé d’apporter dans mon livre « Sauvons les insectes ! » (2020) des propositions inédites pour aller plus loin dans nos rapports au monde vivant.

Mais toute œuvre humaniste (Lévi-Strauss, Luther King, Haley…) ou musicale (Gil Scott-Heron, Herbie Hancock, Fela…), nous apprend à aimer l’autre, et avec lui tous les autres.

Et j’aime beaucoup les apports disruptifs de Vinciane Despret, par exemple.

Quel matériel utilisez-vous dans votre activité ? Pour les photos je n’utilise quasiment plus que mon smartphone ou un compact expert Canon, car j’ai trop porté de réflex. Ca m’arrange car je ne prends plus que des paysages ou des insectes çà et là. Sinon des loupes, des boîtes et des filets, les outils classiques de l’entomo de base. Seulement mon approche de moins en moins intrusive avec le vivant, m’oblige à ne plus utiliser de filets et à proposer une approche « insectes & sens », avec des trucs et astuces pour les voir et les ressentir sans les toucher et les ennuyer !

Et vos techniques de rencontre avec l’animal sauvage ? Si l’on est contemplatif et patient d’origine, toute approche se tente.

Un conseil à un débutant dans votre activité ? Suivre ses envies profondes, et aller échanger avec des personnes ressources, souvent très disponibles, cela aide à mieux comprendre et affiner ses envies.  

Un animal disparu revient, lequel ? Même fantastique. Pour le plaisir, voir voler la libellule Meganeura de 70 cm (- 300 millions d'années), ou nager un grand pingouin en Bretagne ? Surtout, par curiosité, rencontrer un homme de Florès ou un néanderthalien, papoter autour de leur vision de la vie et des visions magiques qu’ils avaient sur le monde, avant la science.

Une initiative prise ou à prendre en faveur de la faune sauvage?Toute initiative qui replace l’homme dans le buisson de la vie, et non en haut de cet arbre hiérarchique qui n’existe pas.

Une association qui vous tient à cœur ?L’Opie (Office pour les insectes et leur environnement), Traces et le Graine IdF (réseau d’éducation à l’environnement). Je suis administrateur des trois, qui allient protection, éducation et médiation scientifique. L’Opie met en place des actions de protection globales et cohérentes, et s’ouvre à l’éducation depuis 1969. Le Graine et Traces sont des laboratoires d’idées pour partager et échanger des idées qui émanciperont les citoyen.nes.

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Une urgence pour la faune sauvage, pour la vie sauvage ? Inclure tous les êtres vivants dans le droit, leur accorder la place qu’ils devraient avoir depuis bien longtemps. Ensuite, quoi que l’on fasse, prendre en compte leurs besoins, en fonction des nôtres, évidemment. En tout cas avoir ce souci des autres, humains ou non-humains, de façon encore plus prononcée.

Vous disparaissez ce soir, qu’aimeriez-vous laisser comme dernier message ?C’est quoi la « nature » ? La réponse n’existant pas, il me semble plus apaisant de sortir de tout dogme, quel qu’il soit.

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