Règles d’observation

Ethique de la nature, éthique de la photographie

Etre photographe de nature, c’est se considérer comme un ambassadeur et un protecteur de la nature, c’est contribuer à mieux faire connaître l’environnement naturel pour chacun prenne conscience de la nécessité de sa protection. Comme le dit le site de Wild Touch, organisme qui œuvre pour la protection de la nature, fondé par le cinéaste Luc Jacquet, « on protège mieux ce que l’on aime ». On peut donc se demander comment élaborer une éthique de la photographie de la nature, une éthique qui soit compatible et qui s’insère dans le cadre plus global d’une éthique de la nature.

Plusieurs livres ont été écrits sur l’éthique de la nature depuis quelques années, je m’appuierais ici sur celui de Stéphane Ferret, paru en 2011 au Seuil, Deepwater horizon, éthique de la nature et philosophie de la crise écologique.

Stéphane Ferret distingue d’abord deux types d’éthique de la nature, une éthique qu’il appelle H, anthropocentrée, qui envisage l’homme comme unique fin et le reste de son environnement comme moyens, et une éthique non H, non anthropocentrée, qui envisage aussi que la protection de la nature est un but aussi honorable que de celui de considérer l’homme comme une fin en soi. Dans cette éthique non H, il faut encore différencier celle qui considère la nature comme seule fin uniquement envisageable, l’homme étant plus un gêneur qu’autre chose, voire un virus dont on ferait mieux de se débarrasser, et d’autres éthiques qui considèrent que la nature et les hommes ont des droits à être protéger et ont une dignité inaliénable, à des degrés divers.

Il n’entre pas dans notre propos de se pencher trop sur les raffinements de ces éthiques, mais plutôt de voir comment éthique de la photo et éthique de la nature peuvent aller de pair.

Une éthique de la photo est nécessairement un peu anthropocentrée, puisqu’elle est faite par des hommes et des femmes à destination d’autres hommes. Mais elle s’inscrit aussi dans le cadre, mesuré, d’une éthique non H, non anthropocentrée. Sur le forum Images et Nature par exemple il est expressément noté que les photos d’animaux doivent être faites sans dérangement notable de la faune, sans quoi les photos seraient retirées du forum. Et plusieurs concours photos de nature, comme celui de Montier en Der, font également figurer ces clauses de non-dérangement de la faune comme condition express de participation de la faune.

Dans les magazines de photo de nature, les rédacteurs ne manquent pas de rappeler, par exemple lors du brame du cerf, ou bien pour des photos d’animaux avec leurs petits, combien il est important de ne pas troubler ces moments cruciaux de la vie des bêtes, sous peine de perturber gravement leur existence, voire même de mettre leur vie en cause. Et pour ce qui est des plantes, de faire attention à ne pas trop écraser voire arracher certains spécimens sous le prétexte de rendre la photo plus « jolie ».

Une photo de nature, selon moi, doit aussi respecter le cadre naturel même dans ce qu’il peut avoir de « dérangeant » pour un photographe, il importe de voir au contraire pour l’auteur des photos de voir comment il peut s’accommoder de ses difficultés, ce qui en effet l’amener à revoir sa pratique et les conditions de son exercice. Il vaut mieux renoncer à faire une photo, même si cela serait « la photo du siècle », si cela implique de perturber l’équilibre faunistique ou végétal plus que de raison. Je dis plus que de raison, car il va de soi que le fait d’être là photographier, comme de se promener, implique une empreinte sur le cadre naturel, si minime soit-elle. Cependant, à nous, amoureux de la nature, de faire que cette empreinte soit la plus faible et mesurée possible. D’autre part, amener les gens à regarder enfin et à voir vraiment ce qui les entoure peut être le premier pas qui les amènera à prendre conscience de la beauté et de la fragilité de notre environnement, et peut être alors à s’engager à activement pour sa préservation.

Par conséquent, une éthique de la photographie peut être compatible avec une éthique de la nature, qui serait ni complètement H ni totalement non H, mais envisagerait l’homme et la nature comme faisant partie d’un écosystème plus global. Lla mise en valeur d’un individu ou d’une espèce particulière par le biais de la photo, pourrait amener à une prise de conscience et à s’engager pour une préservation de la biodiversité dans son entier, sans perdre non plus de vue les intérêts de l’humanité, tout aussi considérables. Pratiquer la photo de nature serait alors serait se considérer comme une partie d’un tout, où tous les éléments sont en interaction et doivent être respectés et protégés, à divers degrés. La photo de nature est donc avant tout, une pratique et un engagement éthique, au plein sens du terme.

par Lucile Longre

Source : Blog mediapart

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