Les structures en France

Takh

Pendant les années 1980, Claudia Feh, éthologue équin, a étudié comment les chevaux de Camargue forment des groupes familiaux lorsqu'ils sont laissés en semi-liberté. Ses recherches sur les chevaux en semi-liberté l'ont amenée à l'étude du cheval de Przewalski – le dernier cheval sauvage – et à la création de l'Association Takh en 1990, soutenue par le WWF et la Tour du Valat.

Le cheval de Przewalski s'est éteint à l'état sauvage dans les années 1960, ne survivant que dans les zoos jusqu'aux années 1990. Son territoire d'origine est l'Asie centrale, où il a vécu pendant des centaines ou des milliers d'années sans avoir été domestiqué.

En 1993, Claudia Feh et son équipe ont amené 11 chevaux de Przewalski de divers zoos européens au Villaret dans le Parc National des Cévennes, dans le sud de la France. Les chevaux se sont vite adaptés aux conditions difficiles de ce site montagneux, et en 2004 et 2005, 22 chevaux ont été transportés dans une zone tampon du Parc national de Khar Us Nuur à l'ouest Mongolie. Cette population est maintenant en cours de réimplantation.

2014 fut marquée par un nombre record de poulains : 19 au total. Malheureusement, cette année fut aussi marquée par une mortalité inhabituelle en Mongolie, en partie à cause d'une épidémie d'anthrax : une bactérie trouvée dans la nature qui « éclate » de temps en temps en Mongolie et ailleurs.

Grâce à ses recherches en Camargue, dans les Cévennes en France et à Khar Us Nuur en Mongolie, l'Association TAKH a acquis une solide compréhension du comportement des chevaux. Cette connaissance a des répercussions profondes sur la dynamique des populations, ce qui le rend extrêmement utile dans la gestion de la population réintroduite.

 

Visite guidée avec Sébastien Grammont, juin 2015

 

La lumière du matin allonge encore les ombres lorsque nous pénétrons dans l’enclos (400Ha en deux enclos, « les chevaux passent 6 mois dans l’un, 6 mois dans l’autre ») avec Sébastien Grammont, notre guide du jour, le gardien des chevaux de Przewalski. Gardien, animateur, responsable, qu’importe, passionné avant tout. Forcément! Il est ici depuis le premier jour, en 1993, quand les chevaux sont arrivés, en provenance des zoos, « descendants des 15 individus fondateurs »; il a suivi et accompagné tout le projet, y compris le retour en Mongolie (2004 et 2005) et y vit sa vie- né à Madagascar, études rapides à Nancy, tombé dans le causse « qui m’a pris », 3 filles élevées.

DSC_1337Le troupeau majoritaire dans le matin naissant

DSC_1460 Le groupe des mâles célibataires sur la crête

Au sommet de la colline, au creux d'une combe sombre, la majorité du troupeau (une quarantaine de chevaux au total, « au delà la pression sur le milieu serait trop forte ») est là, calme, tandis que quelques individus pâturent sur la crête sud, « le groupe des mâles célibataires, expulsés généralement vers 2 ans et qui en attendront 3 ou 4 de plus avant de prétendre s’attacher une ou des femelles, consenties par les étalons dominants, et former un groupe. Parfois un mâle détrôné les rejoint».

DSC_1369 - copie La journée commence à l'abreuvoir

D’un coup le haut de la colline se vide, le troupeau principal est descendu vers l’abreuvoir, la journée commence. Vite rassasiés, ils remontent en file indienne, lentement, les groupes à peine séparés, un étalon parfois nerveux ramenant une femelle dans son groupe – « conduite à distance » -, et se dirigent vers la zone proche de la grille d’accès à l’enclos.

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Ils sont quatre étalons, chef de famille, à se partager le troupeau : Bruant (le plus âgé, né en 1998, famille créé en 2005), Altaï (repérable à un trou dans sa crinière, né en 2001, famille crée en 2006), Allegro (12 ans) et Aven, plus jeune.

DSC_1475 Altaï, à gauche et un jeune mâle

Quelques nuages, une pie grièche sur un buisson, un lièvre qui bondit, des azurés déjà à l’œuvre sur une pierre et là haut des vautours qui passent : la sauvagerie du causse, qui va bien aux chevaux. Ils y sont à leur place.

Car la force de ce programme, c’est de les avoir d’une certaine façon ré-ensauvagés, « de leur avoir donné 10 ans avant d’envisager leur lâcher en Mongolie, contrairement à certains autres programmes. Ainsi ils ont pu se réapproprier les comportements, les rituels de l’espèce que les zoos ne permettent pas. Cela s’est réalisé lorsque les jeunes mâles nés ici sont devenus à leur tour chef de famille. Auparavant, au début, on assistait à des comportements agressifs, aberrants - des infanticides -, des confrontations parfois violentes, avec des blessures graves».

DSC_1473 Allegro remet Aven en place!

Effectivement, l’un des étalons, Aven, s’approche un peu d’un autre groupe, immédiatement son chef, Allegro – qui possède le plus grand groupe - arrive, les oreilles couchées en arrière, effectue une « menace de tête » et renvoie Aven à son groupe, sans contact. Avant d’uriner sur une place de crottins (« cela peut être pour marquer une limite, pour effacer une autre odeur, celle d’un mâle ou d’une femelle »). « Selon les saisons les groupes sont plus ou moins proches, les animaux sont plus tolérants en hiver, davantage ensemble, économie d’énergie oblige » précise Sébastien.

DSC_1482Au centre, Sabrina, à gauche, Allegro

L’individu le plus âgé du troupeau est Sabrina (groupe d’Allegro), une femelle de 27 ans – « ce qui est rare, la durée moyenne de vie tourne plutôt autour de 20 ans qui se terminent par des problèmes de dentition, donc d’alimentation puis de dégradation de l’état général, maladies, parasitisme…). C’est la dernière représentante des zoos, la seule ici qui en a connu un !».

Nous nous écartons un peu – « il faut mieux contourner les animaux et ne pas traverser les groupes même si ils sont relativement habitués aux humains qui viennent les observer et les étudier – stagiaires, étudiants » - pour repérer certains individus. Nous évoquons le retour du loup dont quelques individus ont sévi sur le causse. Mais « ils auraient mieux à faire que de s’occuper des chevaux, avec les chevreuils notamment ». Les poulains de l’année ont encore leur bourre. Sébastien précise certains comportements : le sommeil des chevaux, la durée quotidienne du pâturage (70% du temps), le toilettage apparent ("toilettage ou geste d'apaisement") d’un jeune par sa mère, les chevaux qui se resserrent et dont les queues des uns chassent les insectes des autres, la

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mort hier d’un poulain dévoré en deux heures par les vautours, il désigne les juments encore pleines, évoque le projet de création d’une lavogne proche de la grille, les prochains départs de certains vers les vastes plaines de Mongolie, les autres programmes en cours ailleurs en Europe (Espagne) et en Asie….

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DSC_1459 Les groupes, relativement proches les uns des autres

Pendant ce temps un poulain se couche, Aven saillit Sangria, l’une de ses juments, Eglantine se roule dans la poussière, Altaï et son groupe s’approche sans réaction d’Allegro, un autre poulain, né il y a 8 jours, tète sa mère…, la vie des chevaux de Przewalski, le vivier des futures réintroductions additionnelles.

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Le soleil est monté, nous les laissons, impressionnés par le sentiment d’avoir partagé un moment rare avec une espèce sauvée de justesse, après plus de 20 ans de travail, par la volonté, la patience et l’exigence de quelques uns, Claudia Feh et son équipe, Luc Hoffmann, Sébastien..., et qui retrouve peu à peu son milieu d’origine.

Merci Sébastien !

DSC_1386Reportage et photos ©JBDumond

 

 

 

 

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