Tribune. 60 % à 70 % du monde sauvage a disparu au cours des quarante dernières années. Selon les scientifiques, il pourrait s’agir de la sixième grande extinction d’espèces. Nous, les humains, en sommes la cause. Et c’est notre génération qui a la plus lourde responsabilité : d’auteur de la tragédie et de sauver ce qui peut encore l’être.

En outre, le 29 octobre, jour où la France entrait dans son second confinement, l’ONU publiait un rapport établissant clairement un lien entre l’émergence accrue de nouveaux virus comme le Covid-19 et les atteintes à la nature et aux espèces animales. Protéger la planète et la nature, c’est donc aussi protéger notre santé.

Ouvrons-nous suffisamment les yeux ? La prise de conscience est timide mais elle grandit, notamment chez les jeunes. Nous devons modifier notre rapport à la planète et au monde vivant dont nous sommes partie intégrante, faute de quoi, in fine, c’est notre propre espèce que nous mettrons en danger.

De quel « droit » détruisons-nous notre environnement au nom d’un développement économique à court terme, aveugle et irresponsable ? La question de l’écologie était la première préoccupation lors des dernières élections. Dans les urnes et dans la rue, les Français montrent leur impatience, et certains avec excès.

Crime d’« écocide »

Dans le même temps, des vents contraires soufflent. Des groupes se mobilisent pour revenir sur les timides avancées. Les arguments sont toujours les mêmes : la préservation de l’économie, de la productivité, de l’emploi… ou des traditions.

L’ÉCOLOGIE DOIT « EMBARQUER » TOUT LE MONDE ET NE PEUT SE SATISFAIRE DES VIEUX CLIVAGES

Nous refusons de croire que le choix est à faire entre écologie et économie car quand l’équation est ainsi posée, le résultat est presque toujours le même : l’économie gagne, l’écologie perd – même et surtout quand l’économie s’enfonce. Nous n’avons donc d’autre choix que la conciliation entre économie et écologie. Mais cela implique un autre modèle économique.

Les progrès attendus ne se feront ni par incantations ni par des mesures radicales dont l’échec nous ferait revenir à la case départ. Notre conception de l’action est de mettre le réalisme au service de notre ambition. C’est pourquoi nous nous situons au centre du paysage politique, tant il est vrai que l’écologie doit « embarquer » tout le monde et ne peut se satisfaire des vieux clivages.

La raison d’être de notre réseau est d’encourager le gouvernement à ne freiner en rien son action et encore moins à reculer. Nous porterons des propositions pour aller encore plus loin.

Nous soutenons la création d’un crime d’« écocide » car il est temps de pénaliser les actes de destruction d’un écosystème ou d’une espèce. Reconnaissons dans notre droit la criminalité environnementale qui est une criminalité organisée équivalente au trafic de drogue ou au trafic d’armes.

Au niveau international, la France a pris l’engagement de protéger 30 % de son territoire, marin et terrestre, dont 10 % en protection forte. Nos terres australes concentrent une grande partie de nos aires protégées, mais nous peinons à pousser une telle protection sur nos côtes en métropole. Or préserver 30 % d’une aire marine, même en zone de pêche, c’est recréer les conditions favorables pour que les poissons que nous pêchons se reproduisent. C’est aussi épargner les cétacés, et notamment les dauphins, qui s’échouent par milliers sur nos côtes.

Sortir de l’incantatoire

Et nous devons aller encore plus loin :

  • Supprimons les subventions publiques (et privées demain) qui contribuent à porter atteinte à la biodiversité animale et végétale.
  • Pour chacune de la centaine d’espèces en danger critique d’extinction en France, adoptons un plan d’action qui fasse sortir toutes ces espèces de la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) d’ici dix ans – y compris l’ours, car comment faire la leçon aux pays africains qui peinent à protéger leurs grands singes, éléphants ou lions si nous n’arrivons pas, chez nous, à faire survivre nos derniers grands prédateurs ?
  • Sortons de l’incantatoire sur la réduction des pesticides (en 2008, le premier plan éco-phyto annonçait – 50 % d’usage des pesticides d’ici à 2018. Résultat : + 25 % entre 2011 et 2018 !). Sachons avancer de manière dépassionnée vers la sortie des pesticides. Le modèle agricole français et européen, c’est la qualité, pas la quantité. Nous avons les moyens (la PAC) et l’envie (l’opinion publique) de produire et de consommer à terme 100 % bio. Les agriculteurs et les éleveurs y trouveront leur compte et les consommateurs encore davantage.
  • Stoppons enfin l’artificialisation des sols. Les communes souffrent toutes du même mal : un enlaidissement de leur périphérie avec un étalement de zones pavillonnaires, commerciales et industrielles. Construire en zone périurbaine est moins coûteux que réhabiliter des zones déjà urbanisées. Le gouvernement se donne pour objectif d’interdire, à terme, de tels choix urbanistiques. Faisons-le sans tarder.

Progresser sur le bien-être animal

Considérer le monde vivant, c’est aussi progresser sur le bien-être animal. Certaines pratiques heurtent, à juste titre, de plus en plus de Français. L’argument des « traditions » ne suffit plus à les accepter. Réjouissons-nous de la fin des animaux sauvages dans les cirques. Cesser les corridas avec blessures et mises à mort, les chasses les plus cruelles telles que celle à la glu, les chasses d’espèces d’oiseaux migrateurs menacées, sont des décisions demandées par une large majorité des Français, et exigées, pour plusieurs d’entre elles, par l’Union européenne depuis des années.

Dans ce combat pour la biodiversité et le vivant, ne nous y trompons pas : notre conviction est qu’il ne faut pas laisser monter la colère d’une opinion publique qui ne tolère plus les atteintes les plus choquantes aux espèces, aux habitats naturels et aux animaux. Des compromis de société doivent être trouvés, pas à pas. Nous voulons bâtir un chemin vers le respect du vivant.

C’est ce à quoi nous voulons travailler en créant un mouvement politique transpartisan, composé de ceux qui veulent prendre le parti de la nature et du vivant.

Source : Le Monde / 9 décembre 2020