Australie : «Notre écosystème s’effondre»

Après quatre mois d’incendies dévastateurs, la Nouvelle-Galles du Sud et l’Etat du Victoria se préparent à un week-end dramatique, avec des températures extrêmes.

Le salut est venu de la mer. Jeudi, deux bâtiments de l’armée australienne ont été réquisitionnés pour évacuer une partie des 4 000 personnes prises au piège de feux incontrôlables. Depuis plusieurs jours, ces familles massées en ultime recours sur la plage de Mallacoota, dans l’Etat du Victoria, attendaient, les pieds dans l’eau, qu’on leur vienne en aide. Après les gigantesques incendies qui ont ravagé mi-décembre les Montagnes bleues, en Nouvelle-Galles du Sud, décimant 70 % d’espaces classés au patrimoine mondial, le cauchemar se poursuit dans le pays-continent alors que l’été ne fait que commencer. Déjà 5,5 millions d’hectares sont partis en fumée, un bilan provisoire auquel il faut ajouter 20 morts et des dizaines de disparus dans l’Etat du Victoria, où l’état de catastrophe vient d’être déclaré dans plusieurs régions.

Ordre a été donné à plus de 100 000 personnes d’évacuer dans trois Etats, selon les autorités. «Il y a encore une fenêtre pour partir, a déclaré la Première ministre de Nouvelle-Galles du Sud, Gladys Berejiklian. Si vous n’avez pas besoin d’être dans la zone, partez ! La fenêtre va se refermer.»

«Menace»

Selon une estimation de l’Université de Sydney, 480 millions de mammifères, dont environ un tiers de la population de koalas, ont aussi été victimes des brasiers depuis septembre. Les images de centaines de kangourous fuyant les flammes font frémir les habitants. Pour Arnagretta Hunter, professeure à l’Université nationale australienne, c’est du jamais-vu et ça n’est pas fini : «On annonce 42 °C à Canberra samedi, une chaleur assortie de vents violents qui font peser une menace sérieuse sur la capitale fédérale. Je connais des familles qui ont déjà évacué la ville. Nous sommes tous en état d’alerte.» La cardiologue, membre de l’association Doctors for Environment Australia (DEA), pointe aussi la qualité de l’air dégradée par les fumées. Canberra a été la ville la plus polluée au monde durant plusieurs jours, alors qu’aucun feu n’y était déclaré.

En Nouvelle-Galles du Sud, où plus de 130 foyers sont encore actifs, on est sur le pied de guerre en prévision de ce week-end de tous les dangers. Toute une partie de la côte sud-est du pays a été déclarée «zone d’évacuation», jetant des milliers de personnes sur les routes. D’après Andrew MacDonald, un Melbournais qui passait ses vacances à Pambula, dans le sud de l’Etat, la densité des cendres ne permet pas de voir à 100 mètres, les magasins et stations-service sont pris d’assaut : «Les gens se jetaient sur l’eau, mais les rayons étaient presque tous vides. L’approvisionnement risque encore de se compliquer à cause des routes coupées.» Il a profité de deux jours de répit climatique pour fuir la région. Il a mis treize heures et demie au lieu des six heures et demie habituelles pour rejoindre Melbourne, roulant au pas sur des centaines de kilomètres. «Nous n’avons pas été les seuls à suivre les recommandations diffusées à la télé. Etonnamment, les gens se sont bien conduits : il n’y a pas eu de scènes de panique. Je crois que les automobilistes ont compris que nous devons être solidaires et prendre soin les uns des autres.» Il considère que les leçons du «Black Saturday», journée noire de février 2009 pendant laquelle les incendies ont dévasté le Victoria, causant 173 victimes, ont été apprises : «Aujourd’hui, nous sommes prêts à fuir pour rester en vie. L’injonction passée « rester et protéger [sa maison] », c’est fini.»

«Magnitude»

Luca Saunders, 14 ans, membre de «School Strike 4 Climate», le mouvement des jeunes mobilisés contre le changement climatique, vit à Blackheath, une ville touristique des Montagnes bleues. Contactée par téléphone, elle explique que le feu a dévasté toute la végétation alentour, n’épargnant que les habitations. Dans sa courte vie, l’adolescente a déjà évacué deux fois sa maison. Ce samedi, elle repartira avec sa petite sœur trouver un refuge à 30 kilomètres de chez elle, ses parents les rejoindront plus tard. «C’est terrifiant d’observer ce qui se passe, mais je crois que les gens sont de plus en plus sensibilisés aux risques liés au réchauffement.» Comme beaucoup, elle porte un masque contre les fumées….

Suite dans Libé du 4 janvier