Biodiversité : les Etats sur la route de Kunming

Dans le cadre des négociations autour de la COP15 de la convention onusienne sur la diversité biologique(CDB), qui se tiendra en octobre à Kunming, plusieurs pays ont précisé leur position, le 4 février, au ministère français des affaires étrangères.

Après la règle du jeu, les premiers coups de la partie. A huit mois de la quinzième conférence des parties de la CDB, qui se tiendra en octobre à Kunming (Chine), plusieurs Etats esquissent leur position par rapport à la première mouture de la feuille de route publiée le 13 janvier par le secrétariat exécutif. Un «zero draft» destiné à encadrer la stratégie mondiale pour la biodiversité post-2020, qui contient déjà 20 objectifs pour 2030 et 2050, et en particulier la protection d’au moins 30% de surfaces terrestres et marines en 2030. Porté par la France, le fameux 30/30 voit émerger une coalition autour de lui. Il est ainsi soutenu par le Canada, qui voudrait toutefois le compléter par un objectif intermédiaire de 25% d’aires protégées en 2025 pour accélérer leur mise en place, selon son ambassadrice en France Isabelle Hudon.

PREMIÈRES COALITIONS

Même adhésion de la Norvège. Principal bailleur de fonds de la protection de la forêt amazonienne, Oslo souhaite aussi qu’une coalition mondiale contre la déforestation soit actée à Kunming et soit dotée de moyens de financement, selon son ambassadrice en France Oda Helen Sletnes, reçue le 4 février au ministère français des affaires étrangères.

2ème exportateur mondial de produits alimentaires, les Pays-Bas estiment que la restauration de la biodiversité repose aussi sur la transition agricole. «Une transition qui doit absolument être accélérée cette année, notamment dans le cadre des négociations autour de la nouvelle politique agricole commune européenne», affirme Pieter de Gooijer, ambassadeur des Pays-Bas en France.

De son côté, le Costa Rica vante les mérites d’une forte couverture boisée. Celle-ci couvre aujourd’hui 53% de son territoire contre 20% dans les années 1980. Le pays vise 70% en 2030 pour accroître les corridors écologiques.

MYSTÈRE CHINOIS

Plus flou, le ministre de l’ambassade de Chine en France Zhao Bin a déclaré que «la position de Pékin serait dévoilée en octobre à Kunming par le président Xi Jinping». Il a aussi rappelé que la COP15 tirera le bilan des objectifs d’Aïchi fixés pour 2020, alors que 18% seulement du territoire de l’empire du milieu fait aujourd’hui l’objet d’une protection. Il faut souligner que l’accord qui sera trouvé en octobre ne devrait pas être un traité au plan juridique mais seulement une annexe de décision de COP, estiment les experts de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).

DES INDICATEURS ET DES MOYENS DE SURVEILLANCE

«Il faut tirer les conclusions de l’échec des objectifs d’Aïchi», note Annie Larigauderie, secrétaire exécutive de l’IPBES. «Si seuls 4 sur 20 ont été respectés, c’est surtout parce qu’ils étaient trop flous. Il faut à Kunming que la communauté internationale s’entende sur des objectifs ambitieux, concrets et quantifiés. Mais il faut aussi un système ambitieux d’observation de la biodiversité au niveau international, basé sur des indicateurs harmonisés et doté de moyens de surveillance conséquents sur le terrain et au niveau satellitaire», estime-t-elle. L’échec du plan d’action 2020 tient en effet «à l’absence de modalités de mise en œuvre et de mécanismes de responsabilité», estime Aleksandar Rankovic, en charge du dossier à l’Iddri.

ESCALES À ROME ET MARSEILLE

Prochaines étapes: les débats entre Etats se poursuivront du 24 au 29 février à Rome, lors de la deuxième session de travail pré-COP. En mai, deux organes importants rendront leur avis sur les objectifs post-2020: la commission scientifique, technique et technologique de la CDB (SBSTTA) et la commission de mise en œuvre (SBI). Surtout, le congrès de l’UICN, en juin à Marseille, apparaît comme la principale étape sur la route de Kunming, avec de nombreuses déclarations étatiques attendues dans la cité phocéenne.

Journal de l’environnement/ Stéphanie Senet /7 février 2020