Coronavirus : « La disparition du monde sauvage facilite les épidémies »

Rencontre avec Serge Morand, chercheur CNRS-Cirad. Ecologue de la santé et parasitologiste de terrain, il conduit de nombreuses missions notamment en Asie du Sud-Est.

Il est l’auteur de « La prochaine peste » (Fayard), 2016.

Marianne : Depuis le début du coronavirus, beaucoup de personnes insistent sur le fait que les épidémies ont toujours existé. De la grippe espagnole à la peste en passant par le sida ou le SRAS, depuis un siècle, le nombre d’épidémies a-t-il plutôt tendance à baisser ou à augmenter?

Serge Morand : Depuis le début du siècle, le nombre de personnes touchées par une maladie infectieuse diminue. L’incidence des maladies infectieuses baisse grâce à nos systèmes de santé performants. La chute commence avant l’apparition des vaccins et des antibiotiques. Elle est surtout due à la santé publique et à l’hygiène. Par contre, le nombre d’épidémies augmente. Nous sommes passés de moins d’une dizaine à plus d’une centaine. Nous en avons les preuves. Aux Etats-Unis, le nombre de personnes infectées a par exemple baissé de 95% entre 1900 et 1980. Et pourtant, au niveau mondial, le nombre d’épidémies a été multiplié par plus de 10 entre 1940 et aujourd’hui.

Pourquoi le nombre d’épidémies augmente-t-il ? Certes, les pathogènes sont détectés plus facilement mais ces progrès techniques n’en sont pas la raison principale. C’est à cause de la perte de biodiversité. Une maladie infectieuse se transmet, dans la plupart des cas, d’un animal sauvage à un animal domestique (y compris ceux d ‘élevage) puis à l’être humain.L’animal domestique est un pont.Dans le cas du coranavirus, il y a 95% de chances que la cause de l’épidémie soit une chauve-souris et non un pangolin ni un rongeur. « Le pont » vers l’être humain n’a pas encore été identifié comme par exemple celui de la civette avec le Sras.

Le monde sauvage se fait envahir par l’animal domestique ou par des vecteurs qui apprécient les humains comme les moustiques, transporteurs de la dengue, de zika ou chikungunya. Les liens s’intensifient entre le monde sauvage et le monde domestique. D’autres chercheurs ont montré que cette destruction de l’habitat du monde sauvage augmente le risque infectieux. Ils estiment qu’environ 20% du risque de paludisme dans les lieux de forte déforestation est dû au commerce international des produits d’exportation impliqués dans la déforestation, tels que le bois, le tabac, le cacao, le café ou le coton.

Dans vos travaux, vous démontrez que plus il y a de biodiversité, plus il y a de maladies infectieuses mais qu’elles ont peu de risques de devenir des épidémies. Par contre, plus cette biodiversité est en danger, plus le risque d’épidémies grimpe. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?

Plus la biodiversité est forte, plus il y a de microbes circulant à faible bruit, c’est-à-dire que ces derniers se transmettent mal. Mais lorsque la biodiversité chute souvent à cause de la réduction de l’habitat sauvage, nous favorisons les contacts et la transmission.

Quel est le rôle des animaux domestiques dans la hausse des épidémies? L’explosion du nombre d’animaux domestiques et notamment d’élevage -un maillon essentiel pour transmettre ces épidémies- explique aussi cette augmentation. En biomasse, les vaches pèsent plus que les êtres humain. Pour élever et nourrir ces animaux, nous avons besoin de terres qui empiètent sur le monde sauvage : 70% des terres agricoles sont consacrées à l’élevage et aux cultures pour produire des protéines animales. Ces animaux sont en plus à l’origine de plus de 22 milliards de tonnes d’excréments par an. Ces déjections peuvent propager des maladies notamment en contaminant l’eau et les sols.

 

 

 

 

 

 

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