La France déjà en dette écologique

Pour 2018, l’ONG environnementale WWF a adapté à la France son calcul «du jour du dépassement», ce moment symbolique où l’humanité aura consommé la totalité des ressources que la Terre peut produire en un an. Et il arrive ce samedi 5 mai, soit trois mois plus tôt que pour la planète dans son ensemble. «En 2018, si toute l’humanité consom- mait comme les Français, elle aurait exploité l’équivalent des capacités de régénération de 2,9 Terre, conclut le rapport. Un résultat bien au-dessus de la moyenne planétaire, qui évolue ces dernières années autour de 1,7 Terre.» Ce chiffre est obtenu en rapportant la consommation des Français à la biocapacité de la planète. Si on ne prend en compte que les ressources du territoire national, la France demanderait à l’heure actuelle 1,8 fois plus à la nature que ce que ses propres écosystèmes sont en mesure de lui fournir. Certes, d’autres pays sont plus «endettés» : les Etats-Unis et le Canada ont leur «jour du dépassement» les 14 et 17 mars. Les Pays-Bas le 3 avril et l’Allemagne le 1er mai. Régulièrement remis en question, le calcul, très complexe, est avant tout un symbole. «Le constat est clair : si la planète était une entreprise, elle serait en faillite, décrit le directeur général de WWF, Pascal Canfin. Le dérèglement climatique, la disparition du vivant, la destruction des forêts primaires, ou encore la transformation des océans en soupe de plastique [en] sont les signes.»

En France, les deux tiers de cette énorme empreinte écologique proviennent de la consommation d’énergie liée au logement, au trans- port et à l’alimentation. Le reste est généré par les activités de loisirs, les télécom- munications, les services financiers et d’assurances. En publiant ce rapport, l’ONG veut surtout interpeller le gouvernement sur l’insuffisance de ses actions. «Il est plus que temps de mettre en place une stratégie de désendettement écologique», balance Canfin.

Pour l’ONG, cela passe notamment par un soutien aux modes de consommation responsables, par une baisse de la consommation de viande, très émettrice de CO2 et dévastatrice pour la biodiversité, et par un appui à l’agriculture bio et l’agro- foresterie. Au rayon «trans- ports», WWF demande à ce que «le vélo soit érigé en système», combinant infrastructures de qualité et offres de services. En matière de climat, l’ONG appelle le gouvernement à «définir une trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre compatible avec l’objectif de l’accord de Paris de maintenir une augmentation de température nettement inférieure à 2°C». Ce que la France s’est engagée à faire en le signant.

AUDE MASSIOT/LIBERATION, 5 mai 2018