La proposition de Bruxelles de réautoriser provisoirement le Roundup essuie un nouvel échec

La Commission européenne n’a pas pu faire accepter, lundi 6 juin, aux Etats membres une réautorisation, même pour une durée provisoire, du glyphosate en Europe, ce pesticide controversé, principe actif du Roundup de Monsanto.

Après avoir proposé sans succès, ces derniers mois, sa réhomologation pour quinze ans, puis pour neuf ans, Bruxelles avait fini par se rabattre sur une autorisation de seulement dix-huit mois, le temps pour l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA – European Chemicals Agency), chargée de la réglementation européenne sur les substances de synthèse, de rendre une nouvelle expertise.

Las ! La majorité qualifiée requise n’a pas été atteinte par les Etats membres, réunis lundi matin en comité technique. La France, l’Allemagne, l’Italie, la Grèce, l’Autriche, le Portugal et le Luxembourg se sont abstenus, Malte a voté contre. Les vingt autres pays, représentant 52% de la population de l’Union, ont voté favorablement. Un peu moins que les 55 % requis nécessaire. Ces atermoiements arrivent alors qu’une décision ferme devient urgente : le glyphosate ne sera plus autorisé en Europe le 30 juin. La Commission a annoncé que la question serait à l’ordre du jour de la prochaine réunion des commissaires et qu’un ultime comité d’appel serait réuni autour du 20 juin.

Quelle que soit son issue, l’affaire montre une défiance grandissante des Etats membres envers le processus d’expertise européen, incarné en l’occurrence par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA – European Food Safety Authority). Certains pays, comme la France, préfèrent s’aligner sur d’autres expertises.

Avis contradictoires

Le glyphosate empoisonne l’exécutif européen depuis mars 2015, lorsqu’il a été classé « cancérogène probable » pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l’agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) chargée d’inventorier et de classer les agents cancérogènes.

La publication d’un avis opposé, six mois plus tard, par l’EFSA a lancé une âpre controverse scientifique. Celle-ci a vite été récupérée par les organisations environnementalistes qui ont profité de la dispute d’experts pour exiger le retrait du produit. L’affaire est, depuis, au centre d’une attention médiatique considérable, partout en Europe.

Chaque rebondissement de la saga complique toujours plus le tableau. A la mi-mai, un troisième groupe d’experts – le Joint Meeting on Pesticide Residues (JMPR), un comité conjoint de l’OMS et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) – a rendu un avis selon lequel le produit ne présentait pas de risque cancérogène « aux niveaux attendus d’exposition par voie alimentaire ».

Mais cet avis ne disait rien de l’exposition des travailleurs agricoles ou des populations riveraines, exposées par d’autres voies que la chaîne alimentaire…

En outre, pour compliquer encore l’affaire, le JMPR a été épinglé par des organisations non gouvernementales pour des conflits d’intérêts touchant le groupe d’experts. Son président et son coprésident sont en effet consultants pour l’International Life Science Institute (ILSI), une organisation de lobby scientifique partiellement financée par des sociétés agrochimiques commercialisant… du glyphosate.

Clé de voûte du modèle agricole dominant

Le glyphosate a un statut particulier. Inventé voilà une quarantaine d’années par l’une des sociétés les plus impopulaires de la planète, Monsanto, il est aujourd’hui l’une des clés de voûte du modèle agricole dominant. Tombé dans le domaine public au début des années 2000, il est le produit phytosanitaire le plus utilisé au monde, avec environ 800 000 tonnes épandues chaque année.

Son usage a été tiré vers le haut ces deux dernières décennies par l’adoption des cultures génétiquement modifiées, de type « Roundup Ready » (soja, maïs, etc.), qui le tolèrent, facilitant ainsi son utilisation à plus grande échelle.

Même dans les pays n’ayant pas opté pour les cultures transgéniques, comme la France, son utilisation est particulièrement intense. Dans l’Hexagone, il s’en épand environ 8 000 tonnes par an en moyenne. Avec son principal produit de dégradation, l’AMPA (acide aminométhylphosphonique), il est le pesticide le plus fréquemment retrouvé dans l’environnement et la première cause de déclassement des points de captage d’eau potable.

Toutefois, selon les industriels qui le commercialisent, le glyphosate est aujourd’hui l’herbicide total dont le profil toxicologique et écotoxicologique est le moins problématique.

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