L’Antarctique, un isolement biologique menacé

A l’abri des espèces invasives, l’Antarctique pourrait bien ne pas le demeurer longtemps, selon une étude publiée lundi 16 juillet dans Nature Climate Change. Selon ces travaux, l’isolement du sixième continent tiendrait moins aux courants qui l’enserrent qu’à son climat froid, voué à se réchauffer.

Séparé des autres terres émergées par des courants marins circumpolaires, l’Antarctique est le continent au taux d’endémisme (taux d’espèces ne se retrouvant nulle part ailleurs) le plus élevé, aussi bien à terre qu’en mer. Or cette barrière ne serait pas si étanche, révèlent Ceridwen Fraser, de l’Australian National University à Acton, et ses collègues.

DES ALGUES BRUNES ÉCHOUÉES

En 2017, les chercheurs ont découvert, sur les côtes de l’île du Roi-George (à 120 km de la péninsule antarctique), des algues brunes de l’espèce Durvillea antarctica, échouées après un long voyage en mer. Selon leurs analyses génétiques, certaines proviendraient des îles Kerguelen, d’autres de Géorgie du Sud (sud de l’océan Atlantique), par le simple mouvement des vagues.

Selon les calculs des chercheurs, ces algues auraient pu dériver pendant environ deux ans en mer avant d’échouer sur les côtes antarctiques. L’une d’entre elles portaient même des bernacles de l’espèce Lepas australis, petits crustacés capables de survivre plusieurs générations sur de tels radeaux improvisés.

UN ISOLEMENT DÛ AU CLIMAT, PAS AUX COURANTS

L’absence d’espèces invasives en Antarctique ne s’explique pas par l’absence de transport, dont leur étude montre qu’il existe, mais par les conditions inhospitalières du continent. «Les conditions extrêmes qui règnent sur les côtes antarctiques, comme les températures froides, le peu de terres libres de glace, et le frottement par la glace et les icebergs, empêche actuellement l’établissement d’espèces provenant de milieux tempérés», expliquent les chercheurs.

Avec le réchauffement en cours, ces espèces qui parviennent, pour l’instant sans s’y ancrer, sur les côtes antarctiques, pourraient bien un jour s’y implanter pour de bon. «Au cours des prochaines décennies, de nombreuses espèces non natives de l’Antarctique parviendront à s’y implanter», rompant de fait l’isolement antarctique, concluent les chercheurs. En 2017, d’autres travaux avaient mis en évidence l’arrivée de microplastiques sur les côtes antarctiques.

Romain Loury/Le Journal de l’Environnement