L’architecture moderne responsable de la mort de millions d’oiseaux migrateurs

Entretien sur le site Atlantico avec Madline Reynaud, directrice de l’aspas : l’Association pour la Protection des Animaux Sauvages, à l’origine d’une campagne contre la collision des oiseaux.

Atlantico : De nombreux oiseaux meurent après avoir heurté une vitre (lire ici en anglais). A-t-on un chiffre précis du nombre d’oiseaux décédés par an ?

Madline Reynaud : Justement non, et c’est là le problème. Il est impossible de donner des chiffres car lorsqu’un oiseau se heurte à une vitre soit il meurt sous le coup, tombe au sol et le plus souvent est attrapé par un prédateur pour être mangé, soit il est blessé, ne va pas mourir sur le coup, mais décèdera d’hémorragie interne plus tard – et lorsqu’un animal est en souffrance il se cache, il est donc très difficile voire impossible dans les deux cas de retrouver les corps de ces animaux. On ne peut donc pas chiffrer les dégâts liés aux collisions Tous les types d’oiseaux sont concernés : passereaux, moineaux, mésanges, rouge-gorge… Mais aussi tous les oiseaux migrateurs qui tapent dans ces vitres lorsqu’ils sont dans les couloirs de migrations.

Le plus souvent les bâtiments restent allumés la nuit et cela attire les oiseaux, qui percutent les baies vitrées.

L’architecture moderne est-elle responsable de cette hécatombe ?

L’architecture moderne n’arrange pas le problème parce qu’avec les nouveaux types de construction très vitrées, très transparentes, cela amplifie le phénomène. Par contre, le problème majeur reste l’urbanisation dans les campagnes au milieu d’espaces verts où la population des volatiles est très importante et variée.

Pourquoi les oiseaux sont-ils attirés par les vitres et les lumières ?

Il y a deux problématiques : la transparence et la réflexion. Lorsque la fenêtre à un effet miroir, l’oiseau va voir les arbres, le ciel, il voit ce qui est reflété par la vitre et pas la vitre en elle-même. Donc il pense que c’est un espace normal, et percute (la vitre, ndlr). Le problème de la transparence, c’est que l’oiseau ne voit pas le verre. C’est le cas des abribus tout en verre, qui sont placés dans des endroits où il y a des arbres : les oiseaux sont attirés par la verdure et ne voient pas qu’ils vont tout droit à l’impact. Cependant il y a pleins d’astuces pour éviter cela. Notre association a réalisé un dépliant pour expliquer au grand public et aux professionnels ce problème des collisions. Pour pallier cela, les particuliers peuvent préférer certains types de verre à d’autres. Il existe par exemple un verre qui comprend dans le double vitrage une sorte de petite toile d’araignée visible uniquement par les oiseaux.

Pourquoi les oiseaux migrateurs sont-ils plus touchés ?

Les oiseaux migrateurs suivent des courants migratoires, ils ont un seul but, aller à leur point d’arrivé. La migration fatigue beaucoup les oiseaux, qui suivent leur groupe, leur couloir, ils sont donc moins vigilants que les autres oiseaux.

Quels dangers de voir ces oiseaux continuer de mourir à cause d’installations humaines ?

C’est surtout que ce sont des morts que l’on peut éviter de façon assez simple, avec un autocollant sur la vitre par exemple. C’est une question d’équilibre, on ne parle pas de disparation d’espèces, mais on doit être sensibilisé à cette mortalité des oiseaux causée par nos bâtiments modernes.