Le commerce très lucratif de l’ivoire de mammouth laineux

Le commerce de cette matière a quadruplé entre 2004 et 2015, tiré par la Chine, où se concentre l’essentiel de la demande. Des chasseurs les exhument de la glace.

Il y a une vie après l’âge de glace. La preuve avec la réapparition des mammouths laineux dans le nord de la Iakoutie, en Sibérie, dix mille ans après leur disparition de la surface de la terre. Des chasseurs les exhument de leur sarcophage de glace pour s’emparer de leurs défenses. L’ivoire de mammouth, transformé en figurines, jeux d’échecs ou coffrets, a donné naissance à un commerce qui a quadruplé entre 2004 et 2015. Il se vend à prix d’or, entre 350 et 1 750 euros le kg en Chine, où se concentre l’essentiel de la demande. La moindre défense, qui pèse en moyenne 60 kg, peut rapporter gros.

« Ici, il n’y a pas de travail, pas d’usines, que de la glace. Alors pourquoi ne pas profiter de ce commerce ? », explique Valery Plotnikov, paléontologue à l’Académie des sciences de Iakoutie. Le sous-sol de la région est riche en espèces disparues il y a des milliers d’années et conservées au frais. « Il arrive aux chasseurs d’ivoire de découvrir des spécimens rares, comme un lionceau des cavernes vieux de vingt mille ans », se félicite M. Plotnikov.

Cette activité attire aussi les touristes, qui sont prêts à payer des fortunes pour se rendre en hélicoptère sur les sites de fouille. Mais la chasse ressemble à un jeu de hasard qui nuit à l’environnement : il faut creuser des tunnels dans la glace à l’aide de puissants jets d’eau, ce qui fragilise encore un peu plus le permafrost. Le mammouth laineux doit sa résurrection au réchauffement climatique et à la fin de l’URSS. Autrement dit à la fonte de la glace et à la recherche du profit.

Obstacle juridique

Certains pays, éloignés de la Sibérie, souhaiteraient interdire ce commerce, qui atteignait 31 tonnes en 2013, selon les derniers chiffres connus. Ils craignent que des trafiquants fassent passer l’ivoire d’éléphant d’Afrique, dont le commerce est interdit, pour de l’ivoire de mammouth laineux. Les deux se ressemblent à s’y méprendre. Seule la présence ou non d’un minéral phosphaté, la vivianite, permet de les distinguer….

Le Monde/5 septembre

 

 

photo : Valery Plotnikov, paléontologue à l’Académie des sciences de Iakoutie (Sibérie orientale), dans son laboratoire, en novembre 2018. MLADEN ANTONOV / AFP