Les cultures de cacao dévorent la forêt tropicale

La consommation de chocolat dans les pays développés entraîne une destruction massive de biodiversité, y compris dans des zones protégées.

Papillote ? Truffe ? Bûche au chocolat ? Le cacao est l’une des stars des fêtes de fin d’année. Mais, dévêtu de son emballage scintillant, il présente une face bien moins brillante, franchement sombre même chez certains pays producteurs. En Afrique, qui fournit près des trois quarts des marchés mondiaux, il a pour prix la dévastation massive des paysages dans l’ouest du continent. Au Brésil, le ministère du travail a rendu public en novembre, avec l’Organisation internationale du travail, une enquête concluant à la « présence significative » de labeur forcé et d’enfants à la tâche dans les plantations de cacaoyers.

Pour sa part, Mighty Earth a publié, début décembre, un rapport sur l’impact de l’extension de la « cacaoculture » en Côte d’Ivoire, où elle s’immisce jusqu’au cœur de parcs nationaux et de réserves naturelles a priori protégées. L’ONG américaine estime que 30 % des récoltes en proviennent, en toute illégalité. De leur côté, des experts du développement durable de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) reviennent d’une mission au Ghana voisin, où le modèle agricole n’est guère plus vertueux.

Même si le cacao n’est pas le seul responsable, dans ces deux pays qui en sont les plus gros exportateurs du monde, les couverts forestiers ont été réduits de « 90 % depuis l’indépendance », selon Mighty Earth ; « de 80 % depuis les années 1980 », selon l’Iddri. La forêt du pays s’est recroquevillée, confirment les recensements officiels ivoiriens, passant de 16 millions d’hectares en 1900, à 3,4 millions d’hectares en 2015.

« L’élimination de leur habitat par l’industrie du cacao a repoussé les éléphants dans de maigres couloirs de forêts, facilitant le travail des braconniers pour les pister et les abattre, rapporte Mighty Earth. Les hippopotames nains, les écureuils volants, les pangolins, les léopards, les crocodiles, et bien d’autres espèces de la Côte d’Ivoire sont également menacés. » Il ne reste plus qu’entre 200 et 400 éléphants sur une population qui à l’origine en comptait des dizaines de milliers.

Pour les gourmands européens, la question de la consommation responsable se pose, car les Vingt-Huit achètent plus de la moitié de la production de la planète. Ainsi, chaque année 300 000 tonnes de fèves entrent dans le port d’Anvers, la Belgique étant en retour un important exportateur de chocolat. Loin derrière le soja et l’huile de palme, le cacao constitue la troisième cause de déforestation importée imputable à l’Union européenne. Et sa production – 4,7 millions de tonnes en 2016-2017 –, ne cesse d’augmenter, pour répondre à un appétit général qui s’aiguise, y compris en Asie….

Voir Le Monde 22 décembre

 

 

photo : Fabrication de chocolat bio dans une usine à Manara (Pérou), en janvier 2017. GUADALUPE PARDO / REUTERS