Les mystères de l’orientation animale

Comment les oiseaux, mais aussi certains mammifères et même de simples vers retrouvent-ils leur chemin ? La question intéresse désormais de nombreuses disciplines, de la biologie à la physique.

« Nous sommes dans le noir », « nous ne pouvons expliquer notre résultat », « quelque chose cloche dans nos modèles », « le mécanisme reste inconnu »…Rarement, lors d’une réunion scientifique, l’ignorance des spécialistes s’étale aussi crûment et souvent. Et encore, il ne s’agit pas d’éclaircir les grands mystères de la science, sur l’origine de l’Univers, de la vie ou de l’humanité. Non, les questions posées au cours de cette conférence internationale, qui s’est tenue dans le Surrey, en banlieue londonienne, sont beaucoup plus triviales. Comment les pigeons voyageurs retrouvent-ils leur volière après des voyages de plusieurs centaines de kilomètres ? Comment les rouges-gorges, fauvettes et autres passereaux migrateurs reviennent-ils du Sud africain vers le Nord européen pour nicher dans les mêmes buissons ? Comment d’autres animaux voyageurs, saumons, tortues ou anguilles ne se perdent-ils pas et retournent-ils à leur lieu de naissance ?

« C’est distrayant de ne pas savoir ! »

Depuis que les Egyptiens, il y a au moins 4 000 ans, ont utilisé Columba livia pour acheminer des messages, le constat demeure : ces performances restent inexpliquées.

La ritournelle a donc tourné à nouveau à la 10conférence sur l’orientation animale organisée par le Royal Institute of Navigation qui s’est tenue, du 10 au 12 avril, à Royal Holloway University of London (Royaume-Uni). Mais l’esprit n’était pas à la déprime chez la centaine de participants, représentant la fine fleur de la discipline. Au contraire.

« C’est un domaine en pleine croissance. Les questionnements sont sans fin », résume Miriam Liedvogel, de l’Institut Max-Planck de biologie évolutionnaire (Allemagne), coorganisatrice de cette réunion qui se tient tous les trois ans depuis 1989. « C’est fascinant ! », dit encore, l’œil pétillant, Wolfgang Wiltschko, pionnier et vétéran, à plus de 80 ans, de ce sujet et qui n’a raté aucun de ces rendez-vous. « C’est distrayant de ne pas savoir ! », confirme un autre ancien, Charles Walcott, de l’université Cornell (New York).

Inspection d’une fauvette pour en déterminer l’âge, à l’Observatoire d’oiseaux de Sandwich Bay, dans le comté du Kent (Royaume-Uni).
Inspection d’une fauvette pour en déterminer l’âge, à l’Observatoire d’oiseaux de Sandwich Bay, dans le comté du Kent (Royaume-Uni). DAN KITWOOD / GETTY IMAGES / AFP

Il faut dire que les sous-questions s’enchaînent comme des poupées russes, chacune ayant en soi de l’intérêt. Quels instruments pour se repérer, « carte », « sextant », « boussole » ? Quels signaux utilisés ? Quel(s) organe(s) les détecte(nt) ? Qu’en fait le cerveau ? Dans cet organe, quelles molécules et/ou quels gènes sont impliqués ? S’agit-il d’une capacité innée ou apprise ?….

Suite dans Le Monde daté jeudi 2 mai

David Larousserie (Londres, envoyé spécial)