Les plans de vol des petits oiseaux pour leurs traversées du désert

Comment les migrateurs de petite taille surmontent-ils, saison après saison, l’obstacle du Sahara et des sables arabiques ? Une vaste étude met en lumière la diversité de leurs stratégies.

Les traversées du désert peuvent prendre de multiples chemins : tentation de Venise ou retraite à l’ombre de clochers, elles sont souvent l’occasion de couver des espoirs de retour florissant. Chez les oiseaux aussi, elles passent par des stratégies diverses destinées à gérer au mieux des ressources comptées, pour passer l’obstacle. Une vaste étude publiée dans Scientific Reports le 27 décembre 2019 met en lumière les manières très variées des petits migrateurs pour traverser le Sahara et les sables de la péninsule arabique.

Le Français Frédéric Jiguet, professeur au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, a coordonné une équipe de 43 chercheurs de différents laboratoires européens ayant suivi 130 individus d’une dizaine d’espèces (rossignol, ortolan, fauvettes diverses, pipits, tariers et gobemouches). « Grâce à des photomètres géolocalisateurs qui pèsent 0,36 gramme pour les plus petits, on peut désormais appareiller des oiseaux d’une dizaine de grammes sans entraver leur migration », indique le chercheur. En mai, il avait ainsi, avec un collectif de chercheurs, publié une étude sur le bruant ortolan montrant que la chasse pèserait pour moitié dans la baisse de 30 % de la population de ces migrateurs en France depuis début 2000.

Des comportements adaptés aux saisons

La façon dont les petits migrateurs survolent les déserts fait l’objet de débats scientifiques. Contrairement aux gros oiseaux, comme certains aigles qui peuvent se priver de nourriture pendant trois semaines et profiter des courants thermiques pour s’élever et planer au-dessus des dunes, les petits migrent à tire-d’aile, grâce à un vol actif très énergivore. Des radars placés dans le désert semblaient indiquer que ces migrateurs minuscules se posaient avant le lever du jour, tandis que d’autres mesures donnaient des résultats contradictoires, entre du vol non-stop, des étapes essentiellement nocturnes, et un prolongement dans la matinée.

« J’avais constaté que, chez les ortolans, c’était assez variable », note Frédéric Jiguet, qui a donc voulu avoir une vision plus globale du phénomène en s’associant à d’autres ornithologues européens, dont il salue le gros travail de terrain pour recapturer les animaux : « Sur dix capteurs posés, on en récupère entre un et cinq. » Le résultat ? Tout un spectre de comportements, parfois variables au sein d’une même espèce et en fonction de la saison. Les ortolans volent ainsi la nuit et un peu en matinée. Le rossignol se pose systématiquement pendant la journée. Quant au pouillot siffleur, particulièrement aérodynamique, il est adepte du non-stop, en automne comme au printemps.

« Nous avons compté plus de trajets continus au printemps qu’en automne, précise Frédéric Jiguet. Peut-être en raison de vents plus favorables et d’une volonté de revenir plus vite sur les lieux de reproduction. » Ceux qui poursuivent leur vol après le lever du jour sont-ils en quête d’ombre et de lieux de ravitaillement plus favorables à leur escale technique ? « Ce qui est fascinant quand on décortique ces données, c’est qu’on se sent quasiment avec l’oiseau en train de voler ou de chercher un lieu pour se poser », s’enthousiasme le chercheur….

Suite dans Le Monde du 7 janvier

 

 

 

 

photo : Lors de sa traversée du Sahara, le bruant ortolan vole de nuit et en début de matinée, à faible altitude. PIERRE DALOUS / WIKIMEDIAS COMMONS