Mal connue, la biodiversité française reste menacée

L’Observatoire national de la biodiversité (ONB) dresse un état inquiétant de la biodiversité française, tant en Outre-mer qu’en métropole.

C’est un trésor mal connu, dont la richesse se réduit comme peau de chagrin. La France métropolitaine et des Outre-mer abrite un nombre incroyable d’espèces d’animaux et de végétaux. Sans compter les écosystèmes remarquables. Comme en témoigne une étude publiée fin décembre par le Commissariat général au développement durable, les scientifiques recensent 19.424 espèces endémiques sur les territoires tricolores (à 80% Outre-mer). Et plus de 80% des écosystèmes européens sont présents en métropole.

132 HABITATS D’INTÉRÊT COMMUNAUTAIRE

Malgré la protection de la loi et un intérêt grandissant du public pour cette problématique, la biodiversité reste menacée. Et ce à tous les niveaux. Notre pays, rappelle le document rédigé par l’ONB, compte 132 habitats d’intérêt communautaire (prairies de fauche, marais, falaises, grottes, dunes, chênaies), dont seuls 22% sont dans un état jugé favorable. Les régions les plus préservées étant les Pyrénées et les Alpes, faiblement peuplées. Ce qui explique que 42% des espaces remarquables des régions montagneuses sont dans un bon état, contre 7% de ceux de la côte Atlantique.

LA PRESSION PARTOUT

Les pressions anthropiques se font sentir partout. Développement de l’agriculture intensive, des infrastructures et de l’urbanisation grignotent les grandes prairies «toujours enherbées». Importants pour la flore, la faune (notamment les insectes), voire pour le stockage du carbone, ces espaces ont perdu 8% de leur surface entre 2000 et 2010.

Les eaux terrestres ne se portent guère mieux. En 2010, la directive-cadre sur l’eau fixait à 64% le pourcentage des eaux de surface qui devaient être de bonne qualité écologique en 2015. Cette année-là, seules 44% des eaux françaises étaient considérés en bon ou très bon état.

10% DES RÉCIFS CORALLIENS

Dans d’autres eaux, la France abrite 10% des récifs coralliens de la planète, sur environ 55.000 kilomètres carrés. Un tiers d’entre eux sont en diminution et 10% progressent. Le gros du lot (60%) restent stable. Ce recensement ne prend néanmoins pas en cause les dégâts occasionnés par les cyclones de 2017.

Retour sur terre, avec la proportion d’espèces menacées. En l’état actuel des connaissances, 26% des espèces présentent un risque de disparition et 8% sont «quasi menacées». Problème, rappellent les chercheurs, seules 5.073 espèces ont fait l’objet d’une évaluation, soit moins de 3% des espèces connues en France. Et le problème ne fait que croître: en moyenne, les scientifiques découvrent deux espèces chaque jour. «Le déficit de connaissance concerne en particulier de nombreux invertébrés, champignons et espèces marines, et d’une manière générale les espèces présentes dans les Outre-mer», précisent les auteurs.

SPÉCIALISTES VS GÉNÉRALISTES

Et l’alarme doit être sonnée pour certains groupes d’espèces. A commencer par les oiseaux «spécialistes». Inféodés à un habitat particulier, ces oiseaux sont les premières victimes de la disparition ou de la dégradation de leur biotope, comme les espèces des milieux agricoles (-33% entre 1898 et 2017) ou celles nichant dans les milieux bâtis (-30% durant la même période). Les oiseaux forestiers se maintiennent. Et les «généralistes» se développent remarquablement: +19%.

Même diversité chez les chauves-souris. Ces petits mammifères volants sont souvent victimes de la destruction de leur habitat, de la pollution lumineuse, de la diminution de leur nourriture et du développement des éoliennes. Certaines espèces, comme la Pipistrelle pygmée (+15% entre 2006 et 2016) s’adaptent; d’autres, comme la Noctule commune (-51%), reculent fortement.

66.000 HECTARES BÉTONNÉS PAR AN

Ces grandes tendances ne semblent pas prêtes de s’inverser. Les Français consomment en effet de plus en plus de territoires naturels. Entre 2006 et 2015, 66.000 hectares, en moyenne, ont été artificialisés. Un chiffre qui progresse, toujours en moyenne, de 1,4% par an: un rythme trois fois supérieur à celui de l’accroissement de la population française.

En régression, les espaces agricoles subissent une pollution toujours plus forte. La vente de produits phytosanitaires a augmenté de 12% en 2014-2016 par rapport à la période de référence 2009-2011.

LA MÉTROPOLE N’EST PAS À L’ABRI

Il y a aussi les effets indirects des activités anthropiques, comme l’introduction (volontaire ou non) d’espèces envahissantes, qui entrent en compétition avec les espèces indigènes. Ce phénomène est particulièrement inquiétant dans les Outre-mer, où 60% des espèces les plus envahissantes de la planète sont d’ores et déjà actives, souvent sur de petits territoires insulaires. Le frelon asiatique l’a montré: la métropole n’est pas à l’abri. Six nouvelles espèces exotiques envahissantes s’installent dans chaque département en moyenne tous les 10 ans depuis 1979.

En bouleversant le climat, l’homme a aussi adouci la rigueur de l’hiver. Chaque décennie, nos hivers métropolitains perdent environ 2,5 jours de gel. Ce qui favorise les ravageurs sensibles au froid et accélère les cycles végétatifs, comme ceux de la vigne.

Finalement, faisons-nous assez d’efforts pour protéger ce trésor national et universel qu’est la biodiversité? On peut en douter. Votée en 2010, la loi Grenelle II impose de protéger, en 2019, 2% du territoire. L’an passé, 1,37% de la métropole et des départements et collectivités ultra-marins étaient ainsi protégés: un taux à peu près constant depuis 2015.

DES OCÉANS PRÉSERVÉS?

Sur le papier, la situation est meilleure dans les océans. En 2018, 1,6 million de km2 d’eaux marines françaises étaient classées en aires marines protégées (AMP), dotées d’un document de gestion validé. L’objectif 11 d’Aïchi est donc atteint. Du moins en théorie. «Si la rédaction d’un tel document est effectivement une condition sine qua non pour la bonne gestion d’une AMP, le simple fait qu’il existe ne garantit pas pour autant la bonne mise en œuvre des mesures préconisées, et donc l’efficacité de l’aire protégée», rappelle l’ONB.

Etonnamment, l’indicateur budgétaire est l’un des rares à être au vert. Entre 2000 et 2015, la France a presque doublé ses dépenses en faveur de la protection de la biodiversité (2,1 milliards d’euros, en 2015). Les trois quarts de ce budget sont affectés à la gestion des espaces et des espèces. Seul 0,6% est dédié à la recherche.

Le Journal de l’Environnement /par Valéry Laramée de Tannenberg / 9 janvier

 

photo : La tortue luth, une espèce rare, visible essentiellement en Guyane. VLDT

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