Un laser français développé avec la Nasa étudie la plus importante migration animale du monde… et son impact sur le climat

Développé par le Cnes et la Nasa, le satellite Calipso étudie depuis 2006 les nuages et les aérosols pour mieux comprendre l’évolution du climat. Depuis plusieurs années, il détecte la migration verticale des petits animaux marins, qui récupèrent chaque nuit le carbone à la surface des océans et l’emportent dans les profondeurs.

Chaque nuit, d’innombrables petites créatures marines remontent des profondeurs de l’océan pour se nourrir près de la surface. Qu’il s’agisse de krills, ces crevettes minuscules, ou encore de calamars, tous participent quotidiennement à ce que la communauté scientifique considère comme la plus vaste migration animale de la planète. Un phénomène récemment observé pour la première fois à l’échelle mondiale grâce à un laser français.

spatiales françaises et américaines (Cnes et Nasa), a été lancé en 2006. Ses instruments permettent d’étudier les impacts radiatifs des nuages et des aérosols, afin de mieux comprendre l’évolution climatique. Une fonction initiale bien éloignée de l’observation de la faune aquatique. La migration a d’ailleurs été aperçue par hasard.

Un laser pour détecter les animaux

« Le laser (de Calipso, ndlr) est suffisamment sensible pour fournir depuis l’espace des mesures océaniques scientifiquement utiles », déclare dans un communiqué Chris Hostetler, scientifique au Langley Research Center de la NASA à Hampton (Virginie) et coauteur de la première étude sur le sujet, publiée fin novembre. Bien qu’il ait été conçu pour mesurer les nuages et les aérosols, le laser peut sonder les 20 premiers mètres de la surface de l’océan. Si un animal migrateur atteint cette zone, il est automatiquement détecté par le système.

Précisément, l’étude se penche sur un phénomène connu sous le nom de « migration verticale » (en anglais Diel Vertical migration, ou DVM), ce déplacement quotidien des créatures marines, qui remontent des grands fonds marins la nuit pour se nourrir du phytoplancton accumulé vers la surface, avant de retourner dans les profondeurs juste avant le lever du soleil.

Le carbone est piégé dans les profondeurs

Cette migration verticale est extrêmement utile pour le climat. Pendant la journée, le phytoplancton océanique photosynthétise et, ce faisant, absorbe d’importantes quantités de dioxyde de carbone. Ingéré par les organismes marins, tout ce gaz part ensuite au fond des océans, avant d’être déféqué. Il est ainsi piégé dans les profondeurs, ce qui l’empêche de remonter dans l’atmosphère. « Grâce au laser, nous avons observé les migrations de ces animaux partout dans le monde, tous les seize jours pendant dix ans », explique dans le même communiqué Mike Behrenfeld, responsable de l’étude et professeur à l’Oregon State University à Corvallis (Oregon).

En se concentrant sur les régions océaniques tropicales et subtropicales, les chercheurs ont constaté que les animaux qui effectuent la migration verticale sont plus nombreux dans les eaux foncées. Celles-ci sont généralement plus riches en nutriments et réduisent la vision des prédateurs, nettement plus avantagés en eau claires.

Durant la période étudiée (2008-2017), les données de Calipso ont également révélé une augmentation de la biomasse animale effectuant la migration verticale dans les eaux subtropicales des océans Pacifique Nord, Pacifique Sud, Atlantique Sud et Indien Sud. Dans les régions tropicales et dans l’Atlantique Nord, la biomasse a diminué. Des modifications probablement liées au changement climatique : la quantité de phytoplancton diminue dans l’Atlantique Nord, alors qu’elle augmente dans le Sud.

Un processus important pour le cycle du carbone terrestre

Ce phénomène migratoire est reconnu comme un mécanisme important du cycle du carbone de la Terre. Grâce à ces nouvelles données, les scientifiques du climat ont pu ajouter les animaux pratiquant la migration verticale à la liste des éléments clés des modèles de prévision climatique. Grâce aux nouvelles données de Calipso, qui permettent de savoir où se trouvent les migrateurs, et comment leur population évolue, les chercheurs vont pouvoir quantifier l’impact de la migration sur l’ensemble du cycle carbonique.

Les données devraient également se révéler utiles pour la pêche. Les migrateurs constituent une source importante de nourriture pour les poissons que nous mangeons. Plus la population des uns est importante, plus celle des autres risque de l’être. Les observations recueillies pourront mieux orienter les pécheurs, afin d’éviter de vider des zones déjà sous-peuplées.

Source L’Usine Nouvelle