Les jachères, territoires essentiels pour la préservation de nombreuses espèces en sursis vont être sacrifiées malgré l’engagement de l’exécutif à préserver la biodiversité.
La douche froide n’a pas tardé. Lundi dernier, au Muséum National d’Histoire Naturelle, Élisabeth Borne, accompagnée de ses deux Ministres de la transition écologique et énergétique, invitait cinq associations de protection de la nature (LPO, WWF, FNE, FNH et HetB) pour marquer l’engagement et la détermination du nouveau gouvernement à l’égard de la biodiversité. Une telle réunion, quelques heures après le premier conseil des ministres, relevait du jamais vu. Une première dans l’histoire de la République. Au programme du tête-à-tête, il a été martelé que le dialogue, la consultation et l’échange deviendraient désormais la méthode de gouvernance. Ravies de la perspective, les associations de protection de la nature n’imaginaient pas que, dans le même temps, et le jour même, le Ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire et la Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, signaient un arrêté contre-nature.
Alors que le broyage ou le fauchage des jachères est légitimement interdit du 1ermai au 15 juillet, afin d’épargner la reproduction de nombreux oiseaux et l’épanouissement des nombreux insectes mellifères qui occupent l’espace, l’arrêté déroge à ce principe en autorisant le broyage et le fauchage des « surfaces d’intérêts écologiques jachères ». C’est l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, qui est à la base de cette décision, affirme l’arrêté en précisant qu’il convient d’accroitre le potentiel de protection agricole de l’Union Européenne. Que dit la Commission Européenne ? Elle ne recommande absolument pas de faire haro sur les jachères, mais elle en donne la possibilité. Nuance ! La France est-elle en pénurie de céréales ? Pas du tout. Elle exporte même, tous les ans, plus de 45 % de sa production en Afrique du Nord et jusqu’en Chine. Dès lors, s’agit-il de solidarité ou de business ? La Commission Européenne affirme elle-même que la stabilité de l’approvisionnement alimentaire de l’Union Européenne n’est pas menacée. Par ailleurs, l’effacement des jachères serait-il vraiment profitable ? Sûrement pas, elles ne représentent que 300 000 hectares, soit un peu plus de 1 % de la surface agricole utile (26,7 millions d’hectares) et presque 2 % de la surface en arable. On a oublié que l’Europe avait inscrit dans son « Green Deal », l’objectif de réduire de 20 % l’usage des engrais et de 50 % des pesticides d’ici 2030, en visant un accroissement sensible des surfaces à l’accueil de la biodiversité… L’arrêté « jachère » ne va pas dans ce sens. La science témoigne clairement du rôle essentiel des jachères : amélioration de la qualité des eaux, lutte contre l’érosion, restauration des sols, protection intégrée des cultures, séquestration du carbone et bien sûr, accueil de la faune sauvage. L’Alouette des champs, la Perdrix grise ou encore l’Œdicnème criard, trois espèces en très mauvais état de conservation survivent notamment grâce aux jachères. Les recensements réalisés dans les zones en question ont montré que la densité de lièvres, Tariers pâtres et autres Fauvettes grisettes y étaient 5 fois plus importantes que dans les zones agricoles gérées intensivement. Ces dernières génèrent du reste le plus fort déclin des populations d’oiseaux, soit – 29, 5 % depuis 1989 en France et – 17 % depuis 2000 dans l’Union Européenne…. suite sur Charlie Hebdo : ICI