Photographes animaliers, Les réalisateurs

Mario CYR

Mario Cyr est originaire des Îles-de-la-Madeleine, situées au milieu du Golfe Saint-Laurent. C’est là que, dès l’âge de 17 ans, sa passion pour l’océan et la plongée est naturellement devenue une carrière. Le maître-plongeur se révèle être rapidement un des grands spécialistes mondiaux de la prise de vue et des explorations océaniques.

Il développe son créneau privilégié : la plongée sous les glaces dont il est devenu l'expert par excellence.

Depuis, l’organisation de nombreuses missions d’exploration ont fait de lui un grand aventurier des deux pôles et des océans, partant à la rencontre des animaux les plus admirés et énigmatiques de notre planète.

Mario Cyr a été pionnier en 1991 dans la prise de vue des morses et de l’ours polaire en milieu marin, dans les lieux les plus mythiques tels que Repulse Bay, sur le cercle polaire.

Son approche et sa grande connaissance du monde animalier lui ont permis de filmer des moments authentiques et inaltérés de la vie marine, venant appuyer les connaissances scientifiques de cet univers.

Mario Cyr est aujourd’hui une référence internationale au sein de l’industrie de la production cinématographique, du documentaire animalier et des expéditions océaniques et polaires.

Son expertise, sa passion et son talent dans ces domaines sont un vecteur important de transmission des connaissances sous-marines, sensibilisant ainsi son public aux enjeux de l'écologie.

A lire :

Le photographe Mario Cyr témoin d'un monde qui fond

Mario Cyr : 20 000 vues sous les mers

 

Entretien avec...

 

Nous avons eu le privilège de rencontrer Mario Cyr "à domicile", sur ses terres iliennes de la Madeleine, au Québec, à l'occasion de la naissance des blanchons sur la banquise. Evénement qu'il ne raterait pour rien au monde...

Spécialiste mondialement reconnu de la plongée en eaux froides, vous êtes aux premières loges pour constater les bouleversements que connaissent aujourd’hui les régions polaires

En effet je me considère comme un témoin « privilégié » de ce qui se passe en Arctique

J’y suis allé 42 fois depuis 1991, je peux donc parler en toute connaissance de cause et comparer la situation actuelle par rapport à un passé pas si lointain.

Justement, quelles sont selon vous les principales menaces auxquelles les mers arctiques doivent faire face ?

D’abord le réchauffement climatique, qui induit le réchauffement des eaux.  

En effet les océans absorbent l'excès de chaleur de l'atmosphère créé par les rejets de gaz à effet de serre. Le réchauffement de l'eau agit donc comme un signal confirmant la vitesse du changement climatique 

Et cette augmentation des températures est une mauvaise nouvelle pour de nombreuses d’espèces.  

Quand on sait qu’un seul dixième de degré fait dévier un banc de poissons, on comprend l’urgence quand les scientifiques évoquent à l’horizon 2050 une hausse de 0,5 degré…

La fonte des glaces et la disparition de la banquise ont des conséquences dramatiques. Celle-ci est en effet essentielle à la formation du zooplancton, indispensable à la chaîne alimentaire. Quand la banquise fond plus tôt, la prolifération des algues se fait plus tôt : une adaptation des espèces est donc nécessaire.

Mais la banquise sert aussi de support solide à de nombreuses espèces.

Les phoques, par exemple, n’auront plus dans quelques années assez de banquise stable pour donner naissance à leurs blanchons, notamment autour des îles de la Madeleine dont je suis natif.

On estime que la banquise aura disparu d’ici 40 ou 50 ans ? Quelles autres espèces sont impactées ?

Effectivement 80% de la glace d’été et 40% de la glace d’hiver ont disparu en quelques décennies, ce qui représente des millions de km2 de glace en moins. Et l’arctique Canadien se réchauffe 3 fois plus vite que partout ailleurs

Bien sûr nous ne pouvons pas ignorer la condition des ours polaires qui commencent déjà à souffrir de cette hausse des températures 

La glace se rebâtit 2 mois plus tard que d’habitude, ce qui concrètement oblige les ours à rester sur la terre ferme sans manger 2 mois de plus… Sachant qu’ils mangent 40 à 50 phoques par an.

Les morses sont également concernés : ils doivent nager beaucoup plus pour se nourrir, consommant plus d’énergie leur taux de graisse baisse donc plus rapidement.

J’ai évoqué tous ces problèmes dans mon dernier documentaire « Odyssée sous les glaces »

Assistez-vous à des changements de comportement, les espèces peuvent-elles s’adapter sur une échelle de temps aussi courte ?

Effectivement la morue de l’Atlantique par exemple, plus grosse que la morue Arctique, migre à raison de 25 à 30 km / an vers le Nord. Elle prendra sa place à moyen terme.

Les méduses se multiplient également dans ces eaux plus chaudes.

Dernier exemple avec les orques qui dorénavant peuvent s’aventurer là où auparavant ils étaient gênés par leur nageoire dorsale sous la glace.

Vous souhaitiez évoquer un autre problème ?

Oui, la surpêche et la pêche illégale

On estime qu’un poisson sur deux est pêché frauduleusement, échappant à tout système de quota et donc de contrôle des stocks mondiaux

J’ai ainsi personnellement vu, lors d’un tournage au Surinam, 2 containeurs chargés d’ailerons de requins destinés au marché Chinois

Vous animez plus de 150 conférences par an à travers le Québec depuis de nombreuses années. Sentez-vous un changement de mentalité dans votre public ?

Oui, je croise de moins en moins de climatosceptiques.

La sensibilisation s’est accélérée de manière exponentielle ces dernières années. Une réelle prise de conscience s’installe durablement face à un constat implacable et amer.

Je sens une volonté d’implication, d’action au quotidien, dans les gestes de tous les jours.

Autre signe positif, les enfants sont de plus en plus nombreux dans l’auditoire.

La sensibilisation et l’enseignement des plus jeunes sont plus que jamais indispensables pour préserver ce qui peut l’être encore.

Le curseur doit cependant être positionné finement.

  • D’un côté « l’éducation » ne doit pas passer par une visite dans les aquariums qui proposent des spectacles animaliers, car il est certain que le « show » est le fruit d’un dressage contraignant, qui n’a rien à voir avec le jeu ou la présupposée « complicité » avec le dresseur.

Preuve en est 8 dresseurs d’orques sont morts dans des bassins ces dernières années.

L’orque est en effet un des animaux les plus intelligents, doté d’une mémoire incroyable : ils se souviennent de ces moments où on les force par la menace, et se vengent quand le plat est froid…

  • D’un autre côté le projet d’aquarium virtuel en Finlande me semble particulièrement intéressant pour capter l’attention des enfants et éviter la captivité des animaux...

Cependant, même si nous devons adapter les formes de notre message à cette nouvelle génération avide d’immédiateté et de virtualité, rien ne vaut une vraie expérience en nature 

Vous avez choisi de sensibiliser par le beau, selon le postulat de Dostoïevski : « La beauté sauvera le Monde »

En effet, les belles images marquent les esprits et donnent envie d’agir afin de préserver.  

C’est mon choix, mais cela ne veut pas dire que les actions coup de poing des ONG engagées ou les reportages avec des images fortes sont inutiles.

En parlant d’image, quelle photo aimeriez-vous prendre actuellement ?

J’adorerais croiser le chemin d’un pizzly, hybride entre l’ours polaire et le grizzly.

Avec la fonte de la banquise, l'ours blanc est repoussé vers le sud du Canada et l'ours brun remonte d'avantage vers les forêts du nord. Ils sont donc amenés à partager leur territoire une partie de l'année, et à se croiser…

Le pizzly a conservé les meilleurs gènes des deux espèces : la couleur blanche pour s’acclimater aux rigueurs de l’hiver arctique, et les griffes plus longues pour mieux chasser. 

Autrefois chassés par les autochtones à cause de leur agressivité, les pizzlys sont aujourd’hui, grâce à un travail d’éducation que j’ai mené sur place, regardés d’un autre œil.  Ils pourraient en effet permettre dans un avenir proche de relancer la population d’ours polaires aujourd’hui menacée.

Crédit photographique Jodie Pongracz

Un double filtre opère entre l’animal et vous : le masque et le viseur de votre caméra.  Prenez-vous encore le temps de vous arrêter pour simplement admirer ?

Oui parfois je pose le matériel pour profiter du moment présent qui m’est offert.

J’aimerais pouvoir partager la force de l’émotion vécue, mais c’est un vœu pieu. A mon avis nous n’arrivons à retranscrire que 50 à 60% de ce que l’on ressent.

A ce propos, pouvez-vous partager une belle émotion au contact de la faune ?

Elles sont nombreuses, mais j’ai envie d’évoquer la nage aux côtés des baleines.

J’ai toujours été fasciné par leur capacité à évoluer avec douceur malgré leur taille imposante.

Souvent je me suis trouvé aux côtés d’une baleine en déplacement, subjugué par leur délicatesse par rapport au confetti que j’étais à leurs côtés.

Elles connaissent en permanence leur positionnement par rapport au plongeur, et adaptent leurs mouvements en conséquence.

Elles peuvent aussi émettre un grognement pour prévenir qu’elles sont sur le point de sonder 

Je suis également sensible à la vision pleine de tendresse des morses tenant leur petit entre les nageoires

Crédit photographique Paul Souders

Une association à mettre en avant ?

Le Gremm.

Les régionaux de l’étape, qui oeuvrent pour la préservation des mammifères marins dans le Saint-Laurent

Pour finir, avez-vous trouvé votre successeur ?

Malheureusement non, il faut être un peu fou pour aller se mettre à l’eau volontairement dans ces eaux glacées 

 

Distinctions & Parutions

Expositions

Conférences

Avec plus de 500 prestations à son actif, Mario Cyr visite les plus grandes salles du Québec afin d'offrir son Spectacle-Conférence Mario Cyr - Les yeux de la mer.

Sous la forme d'une expérience immersive dans les profondeurs polaires, celui que le Reader's Digest appelle l'homme des glaces, nous fait découvrir dans une scénographie unique ses plus récentes incursions dans ce monde spectaculaire.

Mario Cyr pourra compter sur les talents de Fabien Dupuis, à la mise en scène, et au studio de nouveaux médias spécialisé en scénographie et en création de contenu vidéo, Normal, qui orchestreront les images projetées sur de multiples écrans.

Grâce à la technologie et aux effets spéciaux sensoriels, le public sera invité à vivre avec émotion les divers voyages de celui que Michel Drucker qualifie de personnage hors normes.

EN LIEN AVEC LE SUJET

LIVRE (S) EN LIEN AVEC LE SUJET :

En rapport avec :

Photographie sous-marine, ours polaire

Pages personnelles