Photographes animaliers

Frank MULLIEZ

Montier en Der, novembre 2018, Objectif Nature expose l'un des photographes qui accompagne ses voyages de nature : de larges photographies, noir et blanc, des visages de félins, des attitudes impressionnantes qui mettent le regard au coeur de la vie sauvage.

Mais qui donc capte ces regards? Nous cherchons... nous trouvons : Frank Mulliez, un grand gaillard de 48 ans, taillé dans le roc, un bourlingueur qui n'a pas froid aux yeux qu'il a promenés un peu partout sur la planète, à pied, en avion, en hélico (qu'il pilote).

Plus une vingtaine d'ouvrages à son actif, aux thèmes divers dont son dernier "Africa",  consacré à la faune africaine.

Intrigant n'est ce pas? Nous avons voulu en savoir davantage : Rencontre!

Entretien avec...

Votre Parcours en quelques mots ?  A l’âge de 12 ans mon père me pose cette question surprenante « quel est ton grand rêve, quel est le truc que tu va faire et avec lequel tu va tous nous épater ? ». Je venais de lire le livre de Philippe de Dieuleveut « J’ai du ciel bleu dans mon passeport »dans lequel il disait que le truc le plus génial qu’il avait fait, c’était

 d’apprendre à piloter un hélicoptère. J’ai donc répondu à mon père que je voulais être pilote d’hélicoptère et survoler la planète avec une caméra. Réponse à nouveau surprenante de mon père qui au lieu de me dire un truc comme « Passe ton bac d’abord » me lance un ferme « ça c’est un grand rêve ! J’espère que tu ne feras aucune concession avec ce rêve ! »

Pour mes 18 ans fit venir un hélicoptère devant la maison, le pointa du doigt et dit « C’est ça ou une école de commerce ». Je crois que j’étais dans l’hélico avant la fin de sa phrase. Mon pilote n’était autre que Michel Anglade, le plus grand pilote hélico du monde et meilleur ami de Philippe de Dieuleveut.

C’est ce même Michel Anglade qui 22 ans plus tard me poussera à faire mon premier livre de photographie aérienne « La Corse en plein vol ». Je n’y croyais pas, Michel si et il fait partie des rares messieurs à qui je n’ose pas dire non. Le livre fera best seller.

Bientôt 48 ans! Mais comme tous les aventuriers passionnés, je ne compte pas le temps qui passe mais celui qu’il me reste, et il me reste environ 7 000 jours pour être un homme dans l’action. Pas question d’en gâcher un seul ! 

Quels sont vos maîtres à penser, vos références culturelles ? Ils sont nombreux. Je crois que l’on ne peut créer sans être curieux. Les plus inspirant pour moi sont ceux qui ont fait envers et contre tout et tous. Ceux qui ont cette incroyable capacité à suivre leur instinct.

Mark Twain

J’en cite deux. Mark Twain (1835-1910, écrivain, essayiste et humoriste américain) : « Si vous réussissez tout ce que vous tentez…c’est que vous ne tentez pas assez fort » et Pierre Georges Latecoere (1883-1943 , entrepreneur français, emblématique des débuts de l'aviation commerciale française de l'entre-deux guerres en particulier de la poste aérienne - source wikipedia), qui présentant son projet à ses administrateurs, leur dit « Messieurs, j’ai refait tous les calculs, notre idée est irréalisable. Il ne nous reste qu’une chose à faire…la réaliser »

Pour ce qui est des mes inspirations, elles sont multiples et variées .  Dans le sens du cadre d’un réalisateur, dans la manière de traiter les noirs chez Salgado, dans la personnalité singulière et reconnaissable de travail de Peter Beard ou encore dans les clichés épurés et presque « sereins » de Nick Brandt. 

Pourquoi l’animal sauvage, ou la nature sauvage Enfant différent, les médecins m’ont diagnostiqué une forme d’autisme. J’en présentais effectivement plusieurs caractéristiques et n’acceptant le contact physique qu’avec mon saint Bernard. Ils conseillèrent à mes parents de me mettre en contact avec plus d’animaux. Mon père avait un magasin de bricolage dans lequel il fit mettre une cage avec mon chien, deux chimpanzés, un Kangourou et un perroquet.

J’y ai également passé beaucoup de temps. Mes amis à plumes et à poils m’ont sociabilisé me permettant ensuite de finalement aller à l’école. Je considère donc qu’ils m’ont  offert une vie. Non seulement je ne peux aujourd’hui faire une différence entre eux et nous mais j’ai également l’impression d’avoir une dette. C’est pourquoi je mets mon travail au service de la préservation.

Si vous étiez un animal sauvage, lequel ? Vous voulez dire « si vous étiez un homme ! » (cf question précédente). En fait j’ai souvent l’impression d’être un animal perdu dans un corps d’homme. Surement un félin!

La ou les deux plus belles rencontres de vie/faune sauvage ? Dans les montagnes des Virunga. Quelques jours avant d’arpenter les flancs des volcans j’avais rêvé qu’un dos argenté venait à mon contact.

Nous avons fait trois sorties. Les trois fois le dos argenté (3 individus différents) est venu à mon contact. L’un deux s’est assis à côté de moi et à posé sa main sur mon genou. Les pisteurs me criaient de loin de ne pas le regarder dans les yeux. Alors j’ai plongé mon regard dans le sien. En une fraction de seconde la frontière entre humanité et animalité  est devenue extrêmement floue. J’en avais la conviction viscérale depuis longtemps mais là, le moment m’en offrait la certitude évidente.

Votre lieu de nature préféré ?  Face à la mer. Je m’y sens en sécurité.  Au dessus des nuages. Je m’y sens privilégié et hors du temps. Et n’importe quelle savane Africaine.

 

Je suis dans mon élément. Mes sens se régalent. J’aime les bruits, les odeurs, les couleurs, le fait que le territoire est à tout le monde et à personne. Curieusement ses danger sont  « acceptables » et même normaux alors que j’ai peur de tout en ville.

Le lieu mythique où vous rêvez d’aller ? Regarder la terre depuis l’espace. Et j’ai depuis toujours la certitude que je vais le faire.

L’œuvre qui vous semble illustrer le mieux votre parcours ? Je ne sais pas si cela peut se comparer à mon parcours mais j’aime énormément le film « la légende du pianiste sur l’océan », histoire d’un gamin qui nait et grandit sur un transatlantique. Différent et doué d’un talent prodigieux pour le piano, il crée sa musique en observant les passagers qui montent et descendent du bateau, seul univers qu’il connaît. Pourtant il parle et décrit le monde extérieur comme personne. Personnage d’une rare complexité, naïf mais brillant, gentil mais aussi puissant, le monde espère le voir descendre à terre. Le fera t-il ? Est ce bien important, Pour qui ?

J’ai aussi un respect immense pour Thor Heyerdahl et l’aventure du Kon Tiki. Pour qu’un éditeur accepte de publier sa thèse sur la provenance des peuple de Polynésie, il prend au mot l’éditeur qui lui demande une preuve que cela est possible et se laisse dériver pendant 101 jours sur un radeau assemblé sans clou ni vis. Le bonhomme ne savait même pas nager !

Quel matériel utilisez-vous dans votre travail de photographe ? J’utilise du matériel Canon. En animalier j’ai toujours deux boitiers. Un équipé d’un 70-200 et l’autre d’un 200-400 avec multiplicateur intégré 1,4. Cela me donne une plage de 70 à 560.

Mais j’ai coutume de dire que le matériel n’est pas le plus important. La photo c’est surtout être là au bon endroit, au bon moment et avoir le bon reflexe (l’aptitude pas le boitier !)

Et quelles techniques de rencontre avec l’animal sauvage ? Avant tout j’étudie tout ce que je trouve sur mon sujet avant de partir. Pour les gorilles de montagne j’ai lu les travaux de Diane Fossey et George Schaller. Parcouru les photos de Bob Campbell. Nous avons regardé en boucle des reportages de National geographic. Une fois sur le terrain j’essaie toujours d’établir le contact avec les yeux. Chez les félins, cligner doucement des yeux signifie « je baisse ma garde/sommes nous en confiance ? »

Un conseil au débutant dans votre activité ? Ne pas croire que la photo, c’est saisir des choses dans un cadre. La photo c’est saisir un instant !

Curieusement, ne pas s’inspirer du travail des autres quand on commence. Sinon on risque éternellement d’essayer de reproduire ce que d’autres font très bien sans stimuler sa propre imagination. Pendant des années je refusais de regarder le travail de mes confrères photographes. Je cherchais l’inspiration partout ailleurs. Maintenant que j’ai plus de maturité dans mon travail j’observe plus volontiers le travail des autres.

Un animal disparu revient, lequel ?  Un animal fantastique…Peu importe à quoi il ressemble mais il est suffisamment puissant individuellement et en collectif pour apprendre l’humilité et les respect du vivant et au sens large à l’homme. On a dit fantastique…ça rime avec utopique !

Une initiative prise ou à prendre en faveur de la faune sauvage ? Convaincre Mark Zuckerberg parton de Facebook ou Google d’utiliser les drones de haute altitude qu’ils s’apprêtent à lancer pour faire de la surveillance. Ces drones ont pour but de connecter le monde entier. Je pense qu’on doit pouvoir aisément leur faire faire ce que font les drones militaire aujourd’hui.

Par exemple surveiller H24 de façon automatique des rhinocéros et détecter une présence humaine non autorisée à une distance suffisante pour avoir le temps d’intervenir.

Ils gagneraient à donner cette image positive à leurs drones. Il faut qu’on soit nombreux à propager l’idée afin qu’elle arrive à leur oreille et qu’ils se l’approprient.

Une association qui vous tient à cœur ? J’aime bien les sea shepperds. Ils ont le courage de mettre leur vie en jeu pour la cause.

Sinon j’aime filer un coup de mains aux petites associations qui oeuvrent dans l’ombre sans frais de structure à ce que j’appelle le « ré-équilibrage en local avec un impact positif sur les espèces en danger »

Chaque fois que je vends une photo en tirage limité, j’envoie 25% du fruit de la vente à une de ces associations. En ce moment, jesoutiens MELINDIKA en Zambie.(https://www.facebook.com/Melindika/)

et NON NOBIS (http://www.non-nobis.org) en Guinée.

Une urgence pour la faune sauvage ? Sanctuariser des zones pour stopper la pression humaine sur certains territoires afin que les espèces présentes puissent y vivre et s’y développer normalement. Créer dans la mesure du possible des corridors entre ses zones afin de pouvoir régénérer le sang.

En conclusion, vous disparaissez ce soir, qu’aimeriez-vous dire, laisser comme dernier message ?

« Sur le vaisseau terre il n’y a pas de passager. Que des membres d’équipage » Nous devons tous faire notre part».

 

Distinctions & Parutions

Expositions

Festival de photo de nature, Montier en Der 2018

et

participation à de nombreuses manifestations artistiques

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