A Voi, au Kenya, des habitants manifestent contre les éléphants

Le développement de l’agriculture et des infrastructures complique la cohabitation avec les pachydermes, dont la population s’est accrue.

Le jour de Noël, la parcelle de maïs de Cecilia Mshambwa a été entièrement détruite par des éléphants. Les pachydermes, friands de cette céréale, ont anéanti des mois de travail. En colère, cette habitante de la région de Voi, dans le sud-est du Kenya, s’est donc jointe trois jours plus tard à une manifestation, avec plusieurs centaines de voisins. « Nous étions déjà là en 2017 pour protester contre ces éléphants. On nous fait des promesses qui ne sont jamais tenues », s’est-elle indignée le 29 décembre 2018 auprès de l’agence de presse kényane, KNA, qui a rapporté son histoire.

Les manifestants ont investi la route de Mombasa, bloquant le trafic sur cet axe majeur qui relie le plus grand port du pays à la capitale, Nairobi. Selon Godwin Kilele, un élu présent, ce ne sont pas moins de 400 animaux qui terrorisent les habitants de son district de Sagalla. Avec d’autres, il a lancé un « ultimatum » au Kenya Wildlife Service (KWS), chargé de protéger la faune… et les citoyens menacés par elle. « Nous leur donnons sept jours pour éloigner les éléphants », a-t-il averti. Sans quoi ? L’élu ne l’a pas précisé. Mais, dans les zones rurales, on sait que parfois des villageois excédés règlent le « problème » eux-mêmes, par exemple à l’aide de fruits empoisonnés…

« Situation tragique »

Car, s’ils font l’émerveillement des touristes, les pachydermes représentent surtout pour eux une immense menace, physique et économique. Dans la région de Voi, située entre les parcs nationaux de Tsavo Ouest et Tsavo Est, partiellement clôturés afin de permettre à la faune de s’y déplacer, la colère est récurrente mais elle a explosé ces derniers mois.

« En 2018, les pluies disparates ont poussé les éléphants dans cette zone, au sud de Voi. Mais sur place, il y a des gens et des exploitations. De plus, ils ont été confrontés à des clôtures installées le long de la nouvelle ligne de train » qui passe entre les deux parcs, explique Frank Pope, directeur exécutif de l’ONG Save the Elephants,notant que ces clôtures ont pu bloquer leurs déplacements. « Tous ces facteurs ont créé une situation tragique, où les vies des paysans comme celles des éléphants sont en danger. »

Les conflits se sont multipliés. Le 10 décembre, un éléphant égaré a semé la panique dans la ville de Voi. Pourchassé par des motos-taxis, il a fait le tour du stade municipal avant de foncer vers le commissariat de police, effrayant les fonctionnaires. Récemment, un troupeau a détruit une maison près de Sagalla, tuant une femme et ses trois enfants, a également rapporté le quotidien Daily Nation.

Le 5 janvier, une semaine après la manifestation, KWS ne semble pas avoir trouvé la solution. « Nous répondons au problème en déployant du personnel et en ayant recours à des avions afin d’éloigner les éléphants des habitations », commente le porte-parole de l’organisation, Paul Gathitu, dans un mail laconique. Il précise que tuer des éléphants constitue pour KWS un « ultime recours »

Suite de l’article de Marion Douet dansLeMonde du5 janvier

 

photo : Un troupeau d’éléphants dans le Parc national de Tsavo Ouest, près de Voi (Kenya), en février 2017. TONY KARUMBA / AFP