Artistes animaliers

Jacques RIME, dans la foulée d’Hainard et au delà !

Jacques Rime, 68 ans, né dans la ville moyenâgeuse de Gruyères (canton de Fribourg), est le 6ème enfant de huit. Un père forestier bûcheron, « merveilleux, respectueux des fourmis, des arbres, des feuilles mortes. Quand il rentrait à la maison, on entendait son pas dans l’escalier, il arrivait dans la cuisine avec ses odeurs de la forêt ; On adorait mettre notre nez dans ses habits, ça sentait la forêt, la mousse ».

Il voulait faire une école d’art - «je dessinais depuis tout petit, mes grands frères dessinaient, je les copiais » - mais ce ne fut pas possible, alors il fit un apprentissage de sellier-tapissier et exerça comme tapissier, d’abord à plein temps puis à mi-temps. Tout en se formant au dessin et à la peinture en autodidacte.

En 1976, il rencontre Robert Hainard et sa femme Germaine lors d’une émission de la télévision Suisse Romande à laquelle il participe ; émotion, coup de foudre. Resté seul avec lui un moment, Jacques jugea ses œuvres proches de celles de la préhistoire (fresques de la grotte Chauvet en particulier). Hainard en fut ravi. Ils se revirent. Pour échanger, pour accueillir avis et critiques. Une complicité « de renard » s’établit entre eux, comme avec son grand père qu’il n’a pas connu.

Ils observent et dessinent ensemble les cerfs, les loutres et les grues cendrées en France, les ours en Slovénie, les renards, les blaireaux, puis, enfin, après des années de patience, le lynx en Gruyères.

Et sa vie, depuis, est consacrée au dessin et à la peinture, la lithographie.

Jacques RIME a réalisé plusieurs œuvres monumentales.

Conduit par des amis naturalistes et biologistes, il a voyagé en Afrique, en Inde, Pologne, Finlande, Islande, Norvège, Alaska et Spitsberg pour dessiner les lions, les tigres, bisons, ours, bœufs musqués, renards polaires et ours blancs.

Passionné du lynx depuis l’enfance, il consacre à ce félin des nuits de veille sous la lune et a eu la chance de l’observer à plusieurs reprises.

Rencontre un soir de décembre

Entretien avec...

Quels maîtres à penser, quelles références ? Trois personnes ont compté énormément dans ma vie : mon père, bien sûr, ce merveilleux forestier ; Robert Hainard  et Dersou Ouzala, ce magnifique chasseur sibérien – « ce patron à nous deux, si simple et si pur » m’avait dédicacé Robert en m’offrant ce livre d’Arseniev, qui dit du soleil « c’est l’homme principal » ; une leçon de vie extraordinaire. Ces trois bonshommes sont toujours dans ma pensée, dans ma vie.

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Si vous étiez un animal sauvage ? Je n’en ai pas envie, ma vie d’homme me suffit. Je n’ai jamais pensé à cela. Je trouve que ma condition d’être humain est extraordinaire et suffisante. C’est merveilleux. Robert Hainard parlait du « miracle d’être ». C’est formidable d’être là, un tout petit moment. Je ne sais pas si on pourra le dire mais peut-être : j’y étais, dans cette folie incommensurable de la vie.

Je crois en Dieu, pas dans les religions – ce sont des affaires d’hommes -, je crois à une intelligence amoureuse et incommensurable, universelle et infinie qui est autour de tout.

Une belle rencontre ? Le lynx dont je vous parlerai plus tard à travers mon travail et sa rencontre partagée avec Robert Hainard.

Mais aussi ce matin, en prenant mon petit déjeuner avec ma femme, Sylvie, avec qui je partage tout. Un Pic épeiche sur l’arbre en face qui cassait une noisette qu’il avait coincé dans une écorce.

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Le pic épeiche de Robert Hainard

J’ai rencontré des ours en Alaska, une femelle et des jeunes.

Mais on aimerait aussi consacrer du temps ici, autour de la maison, au blaireau, aux montagnes de Gruyères.

Un lieu de nature préféré ? Il y a plein de petits endroits autour de chez moi, un ou deux coins, où j’aime retourner avec ma femme Sylvie.

Un lieu mythique ? Une rencontre que je ne verrai jamais : une panthère noire au clair de lune ! Souvent je l’imagine, l’effet de la lune sur son pelage !

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Un lieu ? Là où habitait Dersou Ouzala en Sibérie, où il y a des tigres. Mais c’est un rêve, je n’y arriverai jamais, mais ce n’est pas grave. Un peintre peut faire ce qu’il y a dans sa tête. Un jour je ferai peut être une panthère noire sous la lune.

Une œuvre qui résume votre parcours ? Une de mes lithographies de lynx. Liée à mon père. En 1961, j’ai découvert un portrait de lynx dans un fascicule sur la faune sauvage qu’il avait rapporté. A la fin de l’ouvrage, il y avait un portrait et un mot « se peut-il que le lynx ait définitivement disparu de nos bois ? ». Cette phrase m’a fait rêver. Cet animal est fascinant, avec ses pinceaux sur les oreilles, ses grands favoris. Depuis l’âge de 10 ans j’ai collectionné toutes les illustrations sur le lynx. J’ai passé des années à le chercher. J’avais envie de le voir dans la nature et j’avais envie que Robert Hainard soit là, qui n’en avait jamais vu.

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Et en 1988, on les a vus pendant trois nuits, trois lynx. Tous les esprits des bois se sont unis. On a passé trois nuits avec Jean-Philippe Grillet, Nicolas Crispini, et Robert Hainard. Une femelle, son jeune et un mâle.

Quelques années plus tard, j’en ai revu un, un soir il est apparu juste en dessous de moi, il m’a regardé, ça m’a semblé une éternité, il était paisible, on s’est regardés, mon cœur battait. Puis il a gonflé ses favoris et est parti avec une élégance et une majesté incroyables que je ne pourrai jamais dessiner.

C’est cette lithographie que j’ai réalisée. Elle était exposée à Montier.

Votre technique? Les jumelles, un outil magnifique, indispensable. Les sacs de couchage, et bien sûr, le thé !

Pour mon travail, dans la nature, une ou deux planchettes avec une mine de plomb 2B, une petite boîte d’aquarelle avec un petit carnet ponctuellement. A la maison, l’atelier avec aquarelles, peinture acrylique, crayons au carbone, l’attirail typique du peintre.

Je privilégie l’affût ; on s’installe dans un coin, on ne fait plus de bruit, on attend. On peut s’abandonner à tout ce qui passe, les nuages, un merle, des feuilles… Robert Hainard disait que pour faire notre métier il « faut être un paresseux accompli ».

Un animal disparu revient, lequel ? Certainement le mammouth ; j’hésite entre lui et l’ours des cavernes. Mais imaginer des mammouths sous la lune, dans un pré givré, les entendre marcher, souffler, ça me ferait quelque chose.

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Une initiative ? Une urgence? Créer le plus grand nombre possible de grandes réserves naturelles où on n’intervient plus, laisser la nature se débrouiller comme elle le fait depuis toujours sans nos théories, nos doctorats, nos masters ; elle sait tellement plus que nous.

Dans l’actualité, la disparition du lynx dans les Vosges m’inquiète et me touche énormément. C’est triste. Tant de gens s’y sont consacrés et tout à coup on n’a plus de nouvelles. Tant d’efforts faits pour les réintroduire. C’est très mauvais signe pour l’homme, pour l’esprit de l’homme. Il faudrait se mobiliser. Il y aura beaucoup de choses à changer pour qu’il revienne. Ma crainte est qu’on surestime les populations. L’espèce est fragile même si l’animal est fort.

Une association qui mérite d’être soutenue ? Je ne fais pas partie d’une association ; mais j’ai une admiration pour Greenpeace, ils sont courageux, frondeurs, ils se battent. Des fous merveilleux !

Un message à laisser ? Je n’ai pas la prétention de laisser un message.

Mais si devais dire un mot, la joie, le privilège et le miracle d’exister un moment et de voir l’écorce des arbres, les nuages, un lièvre qui s’arrête, ou un renard, une flore. Le merveilleux et l’infini sont sur le seuil de notre porte. Il faut profiter à fond de tout. L’humanité a été faite pour s’émerveiller même si elle prend le chemin contraire.

Tout doit être sacré dans la nature, la feuille comme le lynx!

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Parrain de l'édition 2014 du festival de Montier-en-Der

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