Tanzanie : les éléphants de Selous pourraient disparaitre d'ici 2022

Elephant d'Afrique mâle (Loxodonta africana) dans la Réserve de gibier de Selous, Tanzanie. Selous a perdu environ 90% de ses éléphants au cours des dernières années à cause du braconnage.<br />© GaryRobertsphotography / Alamy Stock Photo

En moins de 40 ans, la réserve de Selous, l’une des plus anciennes réserves d’Afrique classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, a perdu près de 90% de sa population d’éléphants. Si aucune mesure n’est prise rapidement pour mettre fin au braconnage industriel et autres menaces exercées sur Selous, ses éléphants pourraient disparaitre d’ici 2022.

Selous, qui était dans les années 1970 l’un des principaux refuges pour les éléphants en Afrique, ne compte plus que 15 000 éléphants sur les 110 000 qui parcouraient les savanes, les zones humides et les forêts de son territoire.
 
C’est le constat alarmant que le WWF dresse aujourd’hui dans une nouvelle analyse appelant à une action mondiale et collective pour mettre un terme d’ici 2018 au braconnage industriel qui décime les éléphants de Selous et dont l’accélération inquiétante a entrainé le classement du site sur la Liste du Patrimoine mondial en péril en 2014. Entre 2010 et 2013, en moyenne six éléphants ont été abattus chaque jour dans la réserve.
 
Cette analyse met également en exergue l’impact direct du braconnage sur le potentiel touristique du site, et à travers lui de la Tanzanie, qui repose sur les grandes populations d’espèces sauvages qu’il abrite et sur ses écosystèmes naturels. Les secteurs des voyages et du tourisme à Selous représentent 6 millions de dollars par an et permettent à plus de 1,2 million de personnes de subvenir à leurs besoins.
 
Malheureusement, la menace exercée sur Selous n’est pas uniquement liée au braconnage. L’Unesco a exprimé ses inquiétudes concernant les activités industrielles telles que l’exploitation minière, l’exploration pétrolière et gazière ou la construction de barrages qui pourraient également porter atteinte au bon état de Selous.
 
Le Comité du Patrimoine mondial qui aura lieu les 12 et 13 juillet 2016 à Istanbul pourrait faire évoluer le classement de Selous au Patrimoine mondial. Pour qu’il soit retiré de la Liste du Patrimoine mondial en péril, le WWF appelle à plus d’efforts en matière de lutte contre le braconnage, à une évaluation des impacts des activités industrielles, à une orientation des investissements vers des infrastructures touristiques durables et à une répartition équitable des bénéfices avec les communautés locales.
 
« Selous est le seul site du Sud de la Tanzanie à avoir été classé au Patrimoine mondial et l’une des dernières grandes régions sauvages de l’Afrique. Sa valeur pour le pays et pour le reste du monde tient surtout aux espèces sauvages qu’il abrite et à ses écosystèmes préservés. Parvenir à un objectif « zéro braconnage » des éléphants est la première étape que Selous doit franchir pour exploiter son potentiel de développement soutenable. Ensemble, nous devons nous assurer que ce trésor naturel soit protégé de tout préjudice. »
Amani Ngusaru, directeur général du WWF Tanzanie
 
« En avril dernier, le WWF a tiré une première fois la sonnette d’alarme en indiquant que la moitié des sites du Patrimoine mondial sont menacés par des activités extractives, par la construction d’infrastructures ou encore par l’exploitation forestière illégale. La réserve de Selous, qui fait partie de ces sites en danger, incarne aujourd’hui notre mobilisation pour préserver notre patrimoine commun. Gagnons la bataille de Selous pour gagner la bataille de la planète. »
Pascal Canfin, directeur général du WWF France

Approvisionnement soja : les entreprises européennes manquent de transparence selon le scorecard 2016 du WWF

Plantation de soja dans la région de Parana au Brésil<br />© Michel Gunther / WWFAcheteuses et consommatrices de soja, les entreprises européennes du secteur de l’élevage et de la production laitière font le minimum en matière de  lutte contre la déforestation et de protection des savannes d’Amérique du Sud.

A quelques jours de la 11ème assemblée générale de latable ronde sur le soja responsable (RTRS) qui se tiendra au Brésil, le WWF présente les résultats de l’édition 2016 de son scorecard soja.

Le scorecard soja du WWF a évalué 133 leaders européens de la distribution, de l’agroalimentaire, de la production agricole et de la transformation. Ces entreprises sont basées en Belgique, au Danemark, en Finlande, en France, aux Pays-Bas, en Pologne, en Suède, en Suisse et au Royaume-Uni.  

Les critères de ce classement intègrent le niveau de transparence quant à leur utilisation du soja, l’approvisionnement en soja responsable et les efforts mis en œuvre en faveur de chaînes d’approvisionnement « Zéro déforestation ».

Seules 16 entreprises ont été identifiées comme les plus engagées dans une transformation du marché vers des pratiques durables. « Le WWF se réjouit de voir au premier rang de ce classement, des entreprises prenant au sérieux le sujet du soja responsable et s’engageant dans de réelles initiatives pour avancer vers des modes de productions du soja plus soutenables, notamment  dans le secteur de la distribution et de l’industrie laitière. », explique Sandra Mulder, en charge du programme de Transformation des Marchés au WWF Pays-Bas, « Mais il est clair que de nombreuses entreprises s’appuient sur le fait que les consommateurs n’ont pas conscience des impacts du soja sur l’environnement pour ne rien changer à leurs pratiques. Sur 133 sociétés approchées, 69, soit près de la moitié, ont ainsi choisi de ne pas répondre à l’appel de transparence du WWF pour cette édition ».

« La plupart des Européens ne savent pas qu’ils mangent, en moyenne, 61 kg de soja par an, principalement indirectement à travers la viande et les produits laitiers qu’ils consomment.  Ils ne réalisent pas non plus les impacts que cela induit sur les écosystèmes en Amérique du Sud. Il est d’ailleurs très difficile pour eux d’obtenir la preuve que le soja qu’ils consomment  ne provoque pas de déforestation » ajoute-t-elle.

Si le WWF salue les entreprises qui s’engagent réellement sur le sujet du soja responsable et les félicite pour leur classement dans ce nouveau scorecard soja, « nous déplorons cependant qu’autant d’entreprises du secteur ne reconnaissent pas leur responsabilité quant à leur utilisation de soja et les impacts dévastateurs que la culture non responsable du soja peut avoir sur les espèces et les communautés au sein d’écosystèmes précieux et vulnérables tels que l’Amazonie, le Cerrado, la Forêt Atlantique ou le Grand Chaco » précise toutefois Arnaud Gauffier, Responsable Agriculture et Alimentation du WWF France.

Au cours des dernières décennies, le soja a connu la plus grande expansion du secteur agricole. Or, sa culture met en danger l’habitat de nombreuses espèces menacées dans le Cerrado comme le jaguar, le loup à crinière et  le fourmilier géant. Selon une récente étude réalisée par Agrosatélite, 2,9 millions d’hectares ont été convertis dans la région du Cerrado entre 2000 et 2014, en vue d’accroître le volume annuel des récoltes, notamment de soja.

Plus de la moitié du soja brésilien provient de cette région  et, sur la même période, sa production y a connu une progression de 108%.

Il faut savoir que le Cerrado abrite 5% de la biodiversité mondiale et constitue une importante réserve eau pour le Brésil. « La région dispose encore de 15 millions d’hectares à l’état sauvage mais cette surface peut encore être menacée par de nouvelles conversions pour la culture du soja »  précise Edegar de Oliveira Rosa, directeur du programme Agriculture et Environnement au WWF Brésil.

« Le WWF espère que ce scorecard soja aidera les entreprises européennes à prendre conscience du rôle qu’elles peuvent jouer pour stopper la conversion d’écosystèmes à haute valeur écologique comme le Cerrado, et les incitera à prendre des engagements zéro déforestation et zéro conversion dans leurs chaines d’approvisionnement ».

La principale cause de l’expansion du soja demeure la consommation de viande. Au niveau mondial, près de 75% du soja est utilisé pour l’alimentation animale. En Europe, cette proportion est encore plus grande, elle est estimée à 93%.  

Le WWF appelle toutes les entreprises intégrées à quelque niveau de la filière soja :

  • à plus de transparence en ce qui concerne leur réelle utilisation du soja
  • à s’approvisionner en soja responsable, certifié RTRS ou Pro Terra
  • à s’engager dans la lutte contre la déforestation et la conversion des terres

« Les grandes championnes françaises ont un rôle à jouer pour réduire les pressions exercées sur les écosystèmes. Certaines d’entre elles ont d’ores et déjà pris leur responsabilité et s’engagent dans des  initiatives soja que nous saluons. Mais il faut, à présent que l’ensemble du secteur se joigne à la transformation du marché vers des pratiques plus soutenables. Nous appelons ainsi toutes les entreprises à prendre la mesure de la situation et à agir le plus rapidement possible » conclut Pascal Canfin, directeur général du WWF France.   

 

A partir d'aujourd'hui, la France vit à crédit sur les autres pays pour assurer sa consommation de poisson

Consommation de poisson en kg par personne et par an<br />© WWFLa France consomme bien plus de produits de la mer qu’elle ne peut en pêcher dans ses propres eaux métropolitaines. Aujourd’hui, lundi 30 mai est le jour à partir duquel la France reporte les impacts de sa consommation en produits de la mer sur les autres pays, notamment sur les pays les plus vulnérables, puisque ses ressources halieutiques ne lui suffisent plus.
               
Affichant une moyenne de 35kg par personne et par an (Source FAO), la France est le 5e pays européen consommant le plus de poisson, soit 1 fois et demi la moyenne européenne, juste derrière la Finlande (36 kilos), l’Espagne (42Kilos), la Lituanie (43Kilos) et le Portugal (57 Kilos).
À eux seuls ces 5 pays représentent 1/3 de la consommation de poissons de l’Union européenne. En raison de cette forte consommation, près de la moitié du poisson consommé dans ces pays de l’UE provient des eaux étrangères.
 
Il y a maintenant 7 ans que l’organisation New Economics Foundation (NEF) calcule les niveaux de «dépendance en produits de la mer» de l’Union européenne et de chacun de ses États membres (27 exactement, en excluant la Croatie par manque de données).
 
Les pays qui produisent autant ou plus qu’ils ne consomment sont considérés comme autonomes (Danemark, Finlande, Estonie et Ireland), ceux qui consomment plus qu’ils ne produisent sont considérés comme dépendants en poisson : ils sont tributaires des poissons provenant d’autres parties du monde afin de maintenir leur niveau de consommation. En tête de ces pays les plus dépendants en poisson : l’Autriche (19 janvier), la Slovénie (5 février), la Roumanie (22 février), la Belgique (23 février), la Lituanie (3 mars), l’Italie(3 avril), le Portugal (20 avril), l’Allemagne (2 mai), l’Espagne (10 Mai), Malte (24 mai), la République Tchèque (26 mai), la Pologne (26 mai) et, en 13eme position : la France. Le Fish Dependence Day de l’UE a été calculé quant à lui au 13 juillet.
 
« En moins de 6 mois, la France a déjà consommé l’équivalent de l’ensemble des ressources halieutiques qu’elle pouvait pêcher et élever dans ses eaux nationales métropolitaines. Actuellement la moitié des produits de la mer que nous consommons en France  provient des pays en voie de développement. Par conséquent, les institutions, l’industrie et les consommateurs ont une grande responsabilité sur la durabilité des ressources et les conditions de vie des communautés de ces pays qui dépendent de la pêche.  Ne reportons pas l’impact de notre consommation sur les plus vulnérables ! » appelle Isabelle Autissier, présidente du WWF France.
 
Au cours des trois dernières décennies, le Fish Dependence Day européen a inexorablement avancé. En effet, Aniol Esteban, directeur des programmes NEF indique qu’il y a trente ans, l’Europe pouvait se nourrir de poissons de ses propres eaux jusqu’en septembre voire jusqu’en octobre. Aujourd’hui, le Fish Dependence Day survient le  13 juillet au niveau européen. «La baisse de productivité de la pêche de la région a contraint les flottes européennes à pêcher dans des eaux plus lointaines et plus profondes. Les importations de poisson en provenance d’autres pays ont augmenté, affectant la durabilité des stocks mondiaux de poissons, et induisant également des impacts sociaux et économiques sur les pays qui ont beaucoup plus besoin de ces ressources que l’UE» explique-t-il.
 
Il y a cependant des raisons d’être optimiste. La consommation de poisson en Europe n’a pas augmenté autant qu’attendu depuis quelques années et certains stocks de poissons de l’Union européenne ont cessé de s’effondrer, notamment grâce aux mesures de redressement de certains stocks prises dans le cadre de la politique commune des pêches.
 
« Cela prouve que lorsque le problème est réellement pris en compte et que des actions de préservation des ressources halieutiques sont mises en place, cela porte ses fruits. En 2015, les indicateurs alertent sur une aggravation de la situation. Selon la Commission européenne, 48 % des stocks de poissons évalués en Atlantique Nord Est sont actuellement surexploités, un chiffre qui s’élève à 93 % en Méditerranée.
 
Aussi est-il important de rester vigilants et mobilisés, en luttant contre la surexploitation de nombreuses espèces et contre la pêche illégale dévastant également une partie de nos océans et imposant des conditions sanitaires et sociales déplorables » ajoute Pascal Canfin, directeur général du WWF France.
 
Les consommateurs ont également leur mot à dire. Afin de les alerter sur leur rôle, le WWF a lancé en 2015, le programme Fish Forward, sensibilisant les citoyens européens à l’impact de leur consommation sur les pays du Sud et recommandant notamment  l’achat responsable de produits de la mer en favorisant par exemple les produits certifiés MSC ou ASC