LOI BIODIVERSITÉ : les organisations environnementales françaises refusent un projet sans ambition

Du pétrole sur les côtes espagnoles à la suite du naufrage du © Raúl GARCÍA / WWF » border= »0″ align= »left » hspace= »4″ vspace= »2″ />Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages vient d’être adopté en 2ème lecture par les sénateurs après trois jours de discussion. Mais le cœur n’y est plus. Le minimum acceptable tel qu’issu de la deuxième lecture par l’Assemblée nationale a disparu, en raison d’une action intense des lobbies économiques et de la chasse.

 
De nombreuses suppressions entérinées ou ajoutées

La liste est longue, trop longue. Les sénateurs ont affaibli ou supprimé plusieurs principes généraux adoptés à l’Assemblée : non régression du droit de l’environnement, absence de perte nette de biodiversité dans le cadre de la compensation ou encore reconnaissance des paysages nocturnes.

Ils ont supprimé également les zones prioritaires pour la biodiversité, les espaces de continuités écologiques, la taxe additionnelle sur l’huile de palme, l’interdiction du dragage des fonds marins lorsqu’il est susceptible de toucher les récifs coralliens, l’encadrement de la publicité dans les parcs naturels régionaux ou encore l’obligation de transmission par les exploitants du registre phytosanitaire, ce qui aurait permis une meilleure information sur l’utilisation des pesticides.

De même, dans le domaine de l’eau, ils ont supprimé la compétence des agences de l’eau sur la biodiversité terrestre ainsi que la réforme de la gouvernance des comités de bassin, pourtant demandée par la Cour des Comptes, qui rééquilibrait la place des usagers non professionnels en leur sein, ceux-ci payant 87% des redevances de l’eau. Nos organisations ne peuvent que déplorer tous ces reculs, et bien d’autres.

 

De la reconquête à la régression de la biodiversité
 
Non seulement le lobby de la chasse a réussi à tenir l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et donc la police de la chasse en dehors de la future Agence française pour la biodiversité, mais il obtient une direction unique pour les polices de l’eau et de la chasse. La « barque » de l’AFB continue à être chargée avec de nouvelles missions, dont certaines ambigües, comme l’évaluation des dommages agricoles causées par les espèces protégées.

Pourtant, on refuse encore de lui octroyer les moyens nécessaires, via une ressource affectée, pour les mener à bien. Nous regrettons aussi les reculs sur le régime d’accès et de partage des avantages liés à l’exploitation des ressources génétiques. Ce nouveau régime ne s’appliquera pas aux nouvelles utilisations de collections existantes et le plafond des rétributions que les entreprises devront verser pour avoir accès aux ressources génétiques a été abaissé, passant de 5% du chiffre d’affaires mondial hors taxes à 1%.

Enfin, toutes les activités humaines deviennent autorisées dans les réserves naturelles, charge aux gestionnaires de démontrer qu’elles ne sont pas compatibles avec les objectifs de protection, ce qui est inacceptable, tout comme les dérogations prévues pour certains propriétaires concernant la compensation pour défrichement.
 

De trop rares acquis à souligner en cette deuxième lecture
 
Deux acquis principaux sont à retenir. Le premier concerne l’adoption du préjudice écologique où les travaux parlementaires ont permis un bel aboutissement, avec le regret toutefois que l’action en justice ait été restreinte à une liste délimitée de personnes. Le second porte sur l’adoption définitive de la non brevetabilité des gènes natifs et la sécurisation des conditions d’échanges des semences paysannes.

Par ailleurs, la disposition visant la protection des allées d’arbres a été restaurée et le gouvernement a fait adopter son amendement mettant en conformité la compensation par l’offre avec les directives européennes, même si sur ce sujet, nous déplorons la disposition exigeant que les mesures compensatoires d’un projet public ne doivent pas, par leur dimensionnement, remettre en cause ledit projet.

 
Néonicotinoïdes : les Sénateurs refusent une date butoir pour l’interdiction
 
A défaut d’une interdiction complète des insecticides néonicotinoïdes d’ici 2018 comme le souhaitaient les députés, les sénateurs proposent une interdiction progressive après avis de l’ANSES et en cas d’alternatives possibles à ces substances.

Cependant, l’interdiction complète d’ici 2020 portée par le gouvernement a été rejetée. Nos organisations qui défendent une interdiction totale dès que possible, dénoncent ce manque de courage politique au vu de la nocivité de ses molécules, des risques qu’elles constituent pour les écosystèmes et la santé,  ceci alors que des alternatives à leur emploi existent aujourd’hui.
 

Nos organisations en appellent à la majorité gouvernementale pour sauver le projet de loi
 
La commission mixte paritaire se réunit a priori le 25 mai prochain. Nous appelons les parlementaires à prendre toute leur responsabilité pour défendre en premier lieu l’intérêt général et pour aboutir à un texte ambitieux permettant une réelle reconquête de la biodiversité. La biodiversité constitue l’avenir de l’humanité. La liste des amendements gouvernementaux, portés par  Barbara Pompili et Ségolène Royal au nom du gouvernement laisse encore un espoir pour une loi digne de ce nom, à savoir capable de renforcer la protection de la biodiversité pour freiner son érosion sur le territoire national.

A un an seulement des échéances présidentielles, nos organisations en appellent à la majorité gouvernementale et au président de la République lui-même pour rehausser l’ambition de ce texte.