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Terre Sauvage n°423, avril 2024

Je fais un rêve...

Cela ne vous a bien évidemment pas échappé, le début de l’année 2024 a été marqué en France par les barrages et les revendications des agriculteurs. L’agriculture est au cœur de nos vies, même si un grand nombre d’entre nous ne s’en aperçoit que de temps en temps : lors de vacances « à la campagne » ou pendant le salon de l’Agriculture à Paris. Rendez- vous incontournable d’une agriculture quand même un peu fantasmée, parfois loin de la réalité des champs.

Débattre sur l’agriculture en France, c’est un peu comme parler de la composition de l’équipe nationale de football la veille d’un match. Tout le monde a son avis. Notre imaginaire collectif est encore très lié au monde rural et paysan. Un imaginaire bien bousculé ces dernières semaines, où l’on a – enfin ? – compris que la réalité est plus compliquée que ce que nous pensions ou faisions sembler de penser. L’agriculture souffre, les agricul- teurs souffrent.

LE LIEN ENTRE L’AGRICULTURE ET LA NATURE est fort, vital même. Nous le savons. Sans terre, sans eau, sans arbres, sans fleurs, sans insectes, l’agriculture, celle des paysans, n’existe pas. Qu’elle soit durable, bio ou paysanne, l’agriculture a un coût. Et malheureusement nous ne sommes pas toujours prêts à l’assumer individuellement, collectivement. Nous voulons bien manger certes, mais surtout pas cher ! Avaler du poulet en fermant les yeux sur sa provenance et ses conditions d’élevage. Faire l’impasse sur les fraises en hiver peut-être, mais pourquoi se priver de tomates ? Comme souvent, nous attendons que l’État ou même « l’Europe » fassent les choix pour nous, simples consommateurs. Et certains choix ont été faits. Fini les « contraintes » environnementales, au placard le plan Écophyto, au pas les agents de l’Office français de la biodiversité qui passent sous l’autorité des préfets... L’agriculture va mal, alors mettons de côté nos engagements écologiques, c’est tellement plus simple. Mais ce n’est pas en opposant la nature à l’agriculture que nous répondrons au mal-être des paysans. La nature doit elle aussi faire entendre ses souf- frances. Je fais le rêve de voir les renards, les cerfs, les sangliers, les loups, les oiseaux, les abeilles, les libellules, les grenouilles se mobiliser et venir bloquer nos routes et nos autoroutes, nos trains et nos avions, et pourquoi pas même envisager le siège de Paris ! Et là aussi, nous ne pourrions pas répondre à leur souffrance en envoyant des CRS... Olivier Thévenet, Rédacteur en chef

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