Artistes animaliers

Julie SALMON

Au commencement il y a l'émotion, née d'une rencontre au détour d'un chemin, d'une scène qu'il m'a été donnée de voir.
J'ai besoin de ce contact visuel qui me fait témoin. Puis vient le trait, jeté sur la toile, le papier ou le cuivre, nourri des croquis de terrain qui donnent le mouvement et des photos qui remettent en mémoire le détail presque oublié.
Après cela l'animal ou le modèle devient prétexte : la peinture prend toute la place, le geste me conduit sans le souci de plaire ou de « faire joli ». La vie est liquide : 80% d'eau constitue les êtres vivants.
La vie s'écoule en filets rapides ou ruissellements hésitants venus de la plume d'aigle dont je me sers pour tracer. Mes animaux surgissent des hasards heureux ou non de cet écoulement. L'encaustique, technique ancestrale revisitée, utilisée en couches multiples brûlées dans la toile ou le papier permet les transparences et l'émergence d'ailleurs que chacun pourra s'approprier.
Lorsque je passe par la gravure, j'essaie de toucher à l'essentiel : la lumière, l'ombre, le mouvement.
A l'instar de mes mentors : Gilles Aillaud, François Pompon, Géricault, j'ai eu la chance d'accéder à l'intime de ce qui vit et je témoigne. Mon ambition est d'être passeur d'émotions.
Médecin anesthésiste pendant toute une vie, j'ai rejoint le trait par le biais de l'illustration médicale que j'ai pratiquée en parallèle de mon exercice professionnel. 
Je lutte pour me libérer de son carcan, mais l'anatomie me taraude. La justesse d'une position, d'un mouvement, sans laquelle il m'est impossible d'avancer, repose sur l'infrastructure invisible. En fait je vois et dessine des écorchés, que j'habille.
De peau, de poils ou de plumes.

Julie Salmon

 

Entretien avec...

Pourquoi l'animal sauvage ?

Au commencement pas forcément sauvage : l’animal domestique ou du moins habitué à l’homme, nous permet d’accéder à son « vocabulaire et à son monde sensible : bruits odeurs, chorégraphie.

Son comportement quotidien, même s’il est quelque peu biaisé par notre présence, nous est livré sur un plateau pour peu qu’on sache écouter, humer, regarder.

Un maître à penser ? 

Gilles Aillaud, sans hésiter. Je ne l’ai pas personnellement connu hélas, mais j’admirais son trait qui allait à l’essentiel. Chef de file de la Figuration Narrative, il disait être là pour témoigner, rien d’autre.

Une œuvre marquante ? 

Le cheval écorché de Rosa Bonheur, car l’anatomie (comparée) est la base de tout.

Et bien sûr tous les chevaux de Géricault.

Si j'étais un animal sauvage ? 

Être lionne, avec ou sans petits, me conviendrait parfaitement.

A défaut une mère hyène, chef de meute bien sûr.

Une belle émotion ou rencontre avec la faune ? 

Ce mois de janvier, nous avons suivi pendant quinze jours les lions et lionnes de Marariantha : les alliances qui se font et défont selon les besoins du moment. Des groupes de trois, quatre, puis vingt et un.

On tue un buffle, on se le partage puis on se quitte à nouveau en passant la rivière Mara, pour retrouver une sœur ou une tante et ses petits et tout recommence.

Un animal disparu qui reviendrait ?

Le dodo, pourquoi pas, lourd oiseau si désarmé. 

Un animal fantastique qui existerait ?

Un dragon qui allaite ses petits : mammifère improbable qui existe dans ma tête et qui ne demande qu’à sortir.

L'oeuvre à laquelle vous tenez particulièrement ? 

«  access denied », une mère zèbre de Grévy, s’interposant entre les prédateurs et son petit. Une de mes premières grandes toiles qui exprimait tout le courage de cette « zèbresse » et son efficacité.

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Spot préféré ?

Ha ! Ha ! : le « mating spot » …

C’était devenu un jeu de mots . Le guide nous demandait ce qu’on voulait voir ce matin là et invariablement, tant que cette activité a duré, nous voulions revoir nos couples de lions en train de chanter leur chanson d’amour. « we want to go to the mating spot, tafadhali » (alors qu’on vivait au Melting Pot Bush Camp )

Un lieu mythique ?  

Botswana

Et la technique ?

La technique est un moyen pour rendre au mieux le ressenti.

Les techniques sont multiples et susceptibles d’évoluer.

En peinture je me fais plaisir actuellement en utilisant une peinture très liquide pour tracer à la plume (d’aigle) mes sujets sur la toile (encre, huile ou encaustique soluble à l’eau) et j’obtiens mes transparences avec une encaustique que je fabrique ( à base de copal, cire et thérébentine) et que je brûle en multicouches dans la toile ou le papier.

La gravure, toutes techniques confondues, oblige à accéder à l’essentiel : ombre, lumière, mouvement. L’empreinte finale apparaît à l’envers et impose une mise à distance salutaire.

Des urgences ? 

Oui, mais en allant au fond du problème : qui et pourquoi pollue, déforeste et braconne ? Il faut se préoccuper du problème humain qui soustend l’économie mondiale.

On ne peut pas aller en Afrique (ou en Alaska ou en Amérique Latine) en se focalisant sur la faune. Les gens existent au même titre que les lions, éléphants et ours blancs et leur survie (à tous) doit être coordonnée.

Nous n’avons pas le droit d’aller là et leur faire la leçon : « tu ne pollueras point… »

Ce serait inefficace et indécent.

Des conseils ? 

Pour les débutants « protecteurs » ou dessinateurs de faune sauvage ?

Je ne peux m’occuper que de ce que je connais vraiment : le dessin en situation de safari.

- s’asseoir et attendre que le calme revienne après notre arrivée

- laisser aller la main sur le papier avec une technique simple (crayon, stylo, plume)

- terminer le dessin de mémoire, car ils bougent

- choisir d’abord d es éléphants ou des lions qui gardent la pose plus longtemps.

- s’exercer avant de partir sur modèle vivant (humain) en croquis rapides de 5 minutes, pour s’obliger à saisir l’essentiel. L’anatomie et les « raccourcis » sont superposables chez l’animal et l’homme. Pour ma part je ne fais aucune différence. 

Une association à mettre en avant ?

C’est difficile de choisir, il y en a tant.

Choisissez en fonction de vos convictions et lisez bien leurs propositions

Pour conclure ?

L’artiste a un rôle a jouer dans la sensibilisation de public.

Par définition il est un être hypersensible et il doit rendre accessible aux autres l’émotion qu’il a vécu lors de scènes exceptionnelles au contact de la nature.

Pour cela il utilise LA technique, mais également ses tripes : il se met à nu, il se met en danger, mais cela fait partie du jeu.

Ma seule ambition est d’être passeur d’émotions, sinon le témoignage ne vaut pas plus que du voyeurisme.

Distinctions & Parutions

2019 Médaille d’or de Peinture Salon d’Art Animalier d’Auteuil
2016 Prix des Beaux Arts de la Société Centrale Canine Salon d’Art Animalier d’Auteuil
2016 Médaille d’argent, section gravure, SNBA, Caroussel du Louvre,
2014 Médaille de bronze en gravure, de la Société des Artistes Français, au Salon Art en Capital
2013 Médaille d’or de Peinture Salon d’Art Animalier d’Auteuil
2013 Prix Taylor en gravure à Art en Capital (Grand Palais)

Expositions

2019 Salon d'Art Animalier Hippodrome d'Auteuil Paris FRANCE
2018 Regards Croisés - Ciarus Strasbourg FRANCE
2017 LOUPS -Musée François Pompon Saulieu FRANCE
2015 « ours brun »,, Musée François Pompon, Saulieu
2014 « entre terre et poussières », CINE de Bussierre, Strsabourg,
2013 Art en Capital - GRAND PALAIS - section gravure Paris FRANCE
2013 START Strasbourg FRANCE 

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