Récits

Marcher à Kerguelen

Pendant vingt-cinq jours, dans la pluie, le vent et le froid, en l’absence de tout sentier, François Garde et ses compagnons ont réalisé la traversée intégrale de Kerguelen à pied en autonomie totale. Une aventure unique, tant sont rares les expéditions menées sur cette île déserte du sud de l’océan Indien aux confins des quarantièmes rugissants, une des plus inaccessibles du globe.
Cette marche au milieu de paysages sublimes et inviolés, à laquelle l’auteur avait longtemps rêvé, l’a confronté quotidiennement à ses propres limites. Mais le poids du sac, les difficultés du terrain et du climat, les contraintes de l’itinérance, l’impossibilité de faire demi-tour n’empêchent pas l'esprit de vagabonder. Au fil des étapes, dans les traversées de rivières, au long des plages de sable noir, lors des bivouacs ou au passage des cols, le pas du marcheur entre en résonance avec le silence et le mystère de cette île et interroge le sens même de cette aventure.

L'auteur : François Garde est l'auteur de quatre livres aux Editions Gallimard : Ce qu'il advint du sauvage blanc, récompensé par plusieurs prix littéraires dont le Goncourt du premier roman, Pour trois couronnes, La baleine dans tous ses états et L'effroi.
Ce qu'en dit Le Monde du 15 février

François Garde marche là où la faune ne craint pas l’homme

L’écrivain a traversé à pied la plus grande des îles Kerguelen, cette lointaine terre française. Vivifiant.

Pour la dernière fois, François Garde va aux TAAF… ces Terres australes et antarctiques fran­çaises, cailloux battus des vents, au nombre desquels figure l’archipel des Kerguelen. Les îles de la Désolation (l’autre nom de l’archipel) sont familières de longue date à ce romancier. Elles lui ont inspiré notamment une magni­fique robinsonnade, Ce qu’il advint du sauvage blanc (Gallimard, Goncourt du premier roman 2012). François Garde fut entre 2000 et 2004 administrateur supérieur des TAAF… Autrement dit « vice-roi des albatros », « connétable des brumes », ironise-t-il.

Ce bout du monde n’a cessé de travailler la mémoire de l’écrivain, ancré de nouveau dans l’hémisphère Nord… Il lui fallait en découdre une bonne fois avec les Kerguelen, prendre à bras-le-corps la « grande île » qu’il n’avait fait qu’effleurer. Traverser de part en part ses hauts plateaux basaltiques et ses bourrasques. Franchir les torrents, boire aux cascades. Une épreuve initiatique auto-imposée, au cœur de l’ombrageuse nature où toute intrusion humaine se doit d’être discrète.

Pernicieuse humidité des Quarantièmes dits « rugissants »

Le projet a pris forme grâce à la complicité de trois amis, capables eux aussi de porter un sac de 30 kg sur le dos pendant des journées entières et d’endurer pire que le froid : la pernicieuse humidité des Quarantièmes dits « rugissants », qui s’infiltre à travers bonnets et chaussettes jusqu’à corroder l’âme la plus aguerrie…

Là où tant de relations d’aventure roulent des mécaniques, François Garde reste modeste. Son récit ne comporte pas de sommet « vaincu », de grande première. Juste une traversée nord-sud de vingt-cinq jours, sur une distance de quelque 200 km. Un trek pour bons marcheurs, en terrain accidenté. La quête d’un succès discret, fondé sur la capacité à monter une tente par grand vent, gérer sa fatigue et ses limites au jour le jour, calculer les risques, porter une attention bienveillante aux autres membres de l’expédition. Economie des moyens, des mots prononcés, des pas, des énergies. Le défi qui est en jeu, les misères physiques grandes et petites, sont relatés sans emphase. Et c’est précisément cet usage retenu de la langue et du corps qui touche le lecteur. La forme est juste documentaire, ligne mélodique sobre, avec des moments de plénitude doublés d’un ostinato inquiet, ironique, grave parfois. Instants de bonheur indicible : percées du soleil, bain chaud dans un trou d’eau tiédie au contact des laves, descente vers les grèves parmi les barrissements des éléphants de mer en rut, les milliers de manchots, « cette faune qui ne connaît pas l’homme et ne le craint pas ».

Kerguelen, continent minuscule, offre un cadre enchanteur et… rebutant. L’effroi guette. Le sublime et le dérisoire cohabitent. L’angoisse métaphysique et la lancinante ampoule au talon. Rien à prouver, rien à démontrer, sauf à soi-même, parfois contre soi-même. Un parcours « modestement inutile » en prise directe sur les lieux.

Etape à la cabane Mortadelle

On rit, à l’occasion, des toponymes franchouillards épinglés sur cette nature sauvage par les rares explorateurs, glaciologues, naturalistes passés par là, désireux d’honorer, à mille milles de leur base de départ, un être aimé, un pan de terre natale, un commanditaire, une nostalgie culinaire : mont du Commandant, péninsule de la Société de géographie, baie d’Audierne, val Danièle, cabane Mortadelle…

Dans cette dernière, simple structure cubique de métal rouge dressée au milieu de nulle part, nos quatre compagnons de route, quelque peu exténués au terme de deux semaines de bivouac à la dure, découvrent un précieux stock de vivres, des éléments de confort inouïs : une table, des bancs, un radiateur à gaz en état de marche…

Marie-Hélène Fraïssé/Le Monde

Code EAN

9782070148851

Editeur

Date de parution

Tranche d'âge

2018-02-08

Nombre de pages

Collection

240

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