Personnalités à découvrir, Les médiatiques

Marc MORTELMANS, créateur de podcasts, entre autres…

Marc avec Manon Tissidre la directrice du Réseau centres de soins faune sauvage 

 

Journaliste de presse écrite et de télévision, podcaster, auteur, conférencier, Marc a aussi travaillé comme prof de plongée en Mer Rouge, au Honduras, au Costa Rica et aux Galapagos, puis comme guide d'expéditions de montagne dans les Andes.

En 2020, ce naturaliste passionné crée les podcasts du Vivant 

Le premier,  Baleine sous Gravillon (BSG), est un podcast natif qui raconte le Vivant et nous reconnecte avec ce qui vit autour de nous.

Crédit photographique Fabrice Guérin

 

D'autres petits frères sont depuis venus rejoindre le vaisseau amiral :

Ces "4 MousqueTerres" sont complétés en octobre 2022 par la série Mécaniques du Vivant pour France Culture, collection de podcasts originaux pour mieux comprendre le rôle des espèces dans leurs milieux, leur stratégie de vie, les secrets de leur adaptation ou les dangers qui les menacent.

(Les quatre premières saisons traitent du loup, du requin, du corbeau et de l'abeille)

 

Marc est aussi conférencier, consultant en entreprise sur les questions de biodiversité et auteur. Son premier livre, En finir avec les idées fausses sur le Vivant est programmé au printemps 2024, aux Éditions de l'atelier. L'Origine des noms du monde vivant, sera lui publié fin 2024, chez Ulmer.

Dans les cartons, des chroniques à la télévision, un spectacle de standup, une BD sur la sexualité des animaux, un jeu de cartes et un documentaire ... entre autres.

Tout l'univers BaleinesousGravillon est ici 

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LA PAROLE EST A MARC

 

Chalutage dans les aires marines protégées, plan loup catastrophique selon les associations de préservation, retour du glyphosate : notre gouvernement enchaîne les décisions hostiles à l'environnement, et donne l'impression de céder sous le poids des lobbies financiers et politiques.

Est-ce inéluctable dans nos pays occidentaux ? L'écologie perdra toujours face à l'économie et l'électoralisme ?

Clairement ça use et ça effrite les meilleures volontés … Je t'avoue que quand j'ai commencé il y a 3 ans, quand j'ai créé Baleine sous gravillon, j'étais mû par un optimisme forcené, presque imbécile. Après 3 ans de bénévolat, et de confrontations aux dures réalités du quotidien, en effet, il y a beaucoup de raisons de désespérer. Et dans ces cas-là, je trouve toujours beaucoup de consolation dans cette magnifique punchline de Saint-Augustin : “Celui qui n'essaie pas ne se trompe qu'une fois”.

Donc, en ce qui me concerne, plus, je suis déçu, plus je prends de claques, plus ça me galvanise et plus j'ai envie de continuer. Mais il faut avoir le cœur bien accroché. Pour décrire ce qui se passe. C'est exactement la situation décrite dans le film, don’t look up. À peu près tout le monde sait et sent que nous allons dans le mur. Mais bizarrement, l'immense majorité d’entre nous continue à vouloir exploiter son petit pré carré, la planète, son prochain.

Au final, nous avons aussi la classe politique, les patrons et les soucis qu’on mérite. C’est d’abord à chacun de se demander ce qu’il peut faire au lieu de toujours blâmer les autres. Bouge ! agis ! montre l’exemple ! Ne perds pas patience ! Tiens bon ! Transmets ! Aide ! Partage ! au lieu de toujours râler ou te résigner ! C'est la fameuse phrase de Gandhi : “Sois le changement que tu veux voir advenir dans le monde !”

Crédit photographique Philippe Ricordel

 

L'image renvoyée par les mouvements et partis écologiques dessert-elle la cause ? Sandrine Rousseau et ses polémiques sur le barbecue, les manifestants radicaux de Sainte-Soline, l'affaire Nicolas Hulot...

Oui, clairement, en France, on a du mal avec l'écologie politique. Je n'ai même pas envie de rentrer dans les détails, mais ils ne sont pas bons. En tout cas, ils n'arrivent pas à fédérer et à se fédérer.

Pour ce qui est de la radicalisation des activistes. Je n'ai pas grand chose à dire. Que ce soit L214, Sea Shepherd, Extinction Rébellion, les Soulèvements de la Terre, et tous ceux qui ont choisi de se lever, je suis 200% avec eux. Je pense aussi à Thomas Braill et au collectif “la Voie est libre”, contre ce fameux autoroute inutile construit entre Toulouse et Castres l’A69, ce nombre rigolo mais honteux. Ce projet catastrophique a nécessité tant d'abattage d'arbres et de conversion de de terres fertiles, le tout pour faire payer 15 balles à des gens qui vont gagner 20 minutes pour aller se faire plumer plus loin plus vite. C’est l’archétype du projet honteux et inutile qui ne devrait plus voir le jour en France.

Mais les décideurs continuent à ne rien piger et à privilégier le fric et le clientèlisme sur le Vivant. Bref, non, non, moi je suis à 300% avec tous ces gens-là. Tu vois ils ont encore pris 100% en deux phrases (rires). Quant à Hulot, c'est du passé, tout le monde l'a déjà oublié. Il faut passer à autre chose.

Crédit photographique Jonathan Jagot

 

D'ailleurs l'écologie doit-elle encore être portée par un parti spécifique, ou ne devrait-elle pas être une composante obligatoire au sein de chaque parti politique ? Le ministre de l'écologie devrait-il être indépendant du parti politique au pouvoir ?

Dans les faits, tout le monde voit bien que tous les partis se sont emparés des questions écologiques.

Et au fond, c'est une bonne chose. Plus il y a de compétition, plus il y aura de réelles avancées in fine. Les programmes sont plus ou moins intelligents ou couillus. Des Insoumis au Rassemblement national. Pour les avoir étudiés au moment de la dernière présidentielle de 2022, le programme écolo des Insoumis est le plus intéressant à mon avis. En revanche, il faudrait que Mélenchon laisse la place, il a fait son temps.

Crédit photographique Fabrice Guérin

 

- Est-il difficile de mobiliser l'opinion publique sur la sixième extinction de masse, quand les migrants déferlent sur nos côtes, que les catastrophes climatiques se succèdent les unes aux autres et que les pesticides empoisonnent nos assiettes ?

Oui, ça c'est certain que le propre de l'être humain, c'est ni le rire, ni le feu, ni la parole, ni le fait d'aller sur la lune, ni les raffinements de l'érotisme … Non, le propre de l'être humain, c'est un égoïsme aveugle, un égo en béton, à toute épreuve. Moi j'ai déjà fort à faire avec la biodiversité. C'est dramatique ce qui se passe avec les migrants. C'est vrai que là encore, c'est un peu désespérant de constater le repli sur soi et l’indignité.

La bienveillance passe pour une forme de débilité aujourd’hui, un truc de bobos et de bolosses… Mais bon, je crois beaucoup aux vertus de l'exemplarité. C'est-à-dire d'éviter autant que possible le blabla, les gesticulations ou l’apathie, et de passer le plus possible à l'action.

J’ai une pensée pour tous les 8000 bénévoles du Réseau centres de soin faune sauvage, dont certains doivent mettre des couches l’été faute de pouvoir aller aux toilettes ! Tous ces bénévoles en France qui n’ont ni les moyens ni l'exposition des grosses assos efficaces mais tellement égoïstes. Bref voilà un moment donné, il faut juste y aller, faut juste agir.

Crédit photographique Uumajuq

 

 - Vous avez choisi de sensibiliser par le prisme peu spectaculaire voire ingrat de la connaissance, quand d'autres le font à travers de belles images ou des messages / actions chocs.

Oui, tu as tout à fait raison : sensibiliser par l’audio plutôt que par YouTube, par la connaissance détaillée plutôt que par les fun facts de circonstance, par des podcasts plutôt longs que courts, clairement, c'est pas le choix qui rapporte le plus en termes d’écoutes. Mais là encore, je pense qu'il faut jouer en première intention comme dirait mon idole Luis Figo;) : Rester droit et sincère. Je fais ce que je sais faire et surtout ce que j'aime faire, je fais ce que j'aimerais écouter.

Ce qui prévaut en la matière, c'est la phrase et le constat de Margaret Mead qui disait qu'il vaut mieux une minorité agissante et bien informée qu'une majorité molle du genou. Je fais ce que je peux, avec passion, pour les gens qui ont déjà la curiosité et la gentillesse de m'écouter.

Crédit photographique Nicolas Hénon

 

Dans ces conditions, comment garder intacte la motivation au fil des mois, quand le retour ou les résultats ne sont pas forcément flagrants ou immédiats ?

Est-ce l'audience / le nombre de vues qui donne du baume au coeur ?

Les audiences de Baleine sous Gravillon sont bonnes. Le navire amiral est fermement installé et reconnu aujourd’hui. Les retours sont plutôt sympas. J’ai plus de gens qui m’appellent pour y être invités que de créneaux disponibles. Les écoutes augmentent régulièrement. En 3 ans, on arrive à 2 millions d’écoutes. Les 3 petits frères de Baleine sous Gravillon, à savoir Combats (le frère jumeau “sur le front” de BSG), Nomen, qui raconte l'origine des noms du vivant et Petit Poisson deviendra Podcast (PPDP) qui lui raconte en gros tout ce qui vit dans l'eau, ces 3 là ont plus de mal, ils ont du mal à s'installer. Je pense qu'ils souffrent de l'ombre de leur grand frère. C’est dommage car ils sont aussi passionnants et surtout complémentaires de BSG.

Mais je me console avec Mécaniques du vivant, qui fait un carton sur France Culture. 2 millions d'écoutes en un an, en seulement 4 séries, soit 16 épisodes. C'est-à-dire autant que BSG en 3 ans et … 700 épisodes.

Effectivement y a de quoi être jaloux surtout que c'est le même mec qui raconte le même genre de pépites avec des invités tout aussi brillants. Bon, c'est juste une question d'exposition. Mais voilà, petit à petit Mécaniques nourrit baleine et nous rapporte des curieux et des écoutes. Et c'est très bien comme ça.


Crédit photographique Franck Canon

 

Les ados d'aujourd'hui se réjouissent de la disparition des moustiques, ou des abeilles qui piquent, sans connaître leur rôle dans l'écosystème, pensent encore que le loup est dangereux et inutile, et likent les photos où les requins se font lapider. Nous parlons ici de méconnaissance plus que de désintérêt

Eduquer, apprendre, connaître... L'éducation nationale fait-elle bien le job ?

Ne devrait-on pas leur parler de cascade trophique et super-prédateur plutôt que de division cellulaire ?

Je pense que les jeunes sont bien plus sensibilisés et actifs que les vieux dans l’ensemble. “ah si jeunesse savait, ah si vieillesse pouvait !”. Je ne suis pas sûr que les jeunes en connaissent moins.

En revanche, il est certain que nos programmes scolaires sont totalement inadaptés. On en fait largement pas assez. C'est évidemment difficile, il faudrait que les profs soient formés, mieux formés. Je pense qu’eux-mêmes ne savent pas toujours quoi raconter, ni comment. Alors c'est le plus beau métier du monde (c'est le métier de ma maman Christiane).

C’est pourquoi je vais autant que possible dans les lycées et collèges à la rencontre des jeunes. La dernière fois au lycée Jean Jaurès de Montreuil, j’ai dû être exfiltré par la porte de derrière : ils ne me laissaient pas partir. Je leur parlais des noms du Vivant et ça les a bien chauffés, j’étais très content.


Crédit photographique Franck Canon

 

Une association fédératrice (FNE) qui souffre d'un déficit de notoriété auprès du grand public, des petites structures de terrain efficaces mais qui s'épuisent au quotidien à trouver les ressources financières, des associations extraordinaires (Bloom, Pollinis) qui portent des combats peu médiatiques, des grosses structures plombées par les coûts de fonctionnement qui dépensent en com pour récolter des dons, peu de synergies entre les différents acteurs...

En face de nous des lobbies puissants, une fédération des chasseurs unie, des politiques qui caressent dans le sens du poil...

Comment fait-on ?

Oui, on fait tous le même constat. Les assos, qui se battent pourtant pour les mêmes choses, avancent en ordre très égoïste et très dispersé en France. C’est consternant ce chacun pour sa pomme. Je suis bien placé pour le constater !

Malheureusement, tous les gens que j’ai interviewé font le même constat et cassent du sucre sur le dos des uns et des autres. Beaucoup de jalousies, d’égos mal placés, d’égoïsmes, d’attention et de générosité du grand public à capter. La France des assos du Vivant est une somme de petits villages gaulois qui pédalent souvent chacun le nez dans leur propre guidon.

J'en ai moi-même fait l'amère expérience. Par exemple Bloom, je les ai souvent défendus et j’ai parlé d’eux dans la matinale de France Culture ou j’étais invité pour parler de mon podcast sur le loup. En plus de ça, j'ai pris beaucoup de temps, beaucoup d'heures (puisqu’il faut être comptable du temps offert apparemment) pour relayer leur combat dans mes posts sur LinkedIn, qui me prennent chacun entre 2 et 3 heures faut le savoir … Quand je les ai priés de relayer mes émissions sur les requins à France-Culture, ils ne m’ont même pas répondu. J'expliquais que la moitié des ailerons qu'on vendait sur les marchés asiatiques venaient de l’UE (surtout d’Espagne). C'était une Info intéressante et importante à relayer. Et ils n’ont rien fait ! Et là je suis pas du tout en train de régler mes comptes mais c'est juste un exemple pour dire qu’en France la grande spécialité des assos, c'est ça: prendre et recevoir oui, s’allier, partager et donner bof. C’est dommage, car comme le dit l’adage : seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.

Quand j'ai interviewé  Lamya Essemlali de Sea Shepherd, je lui ai demandé : “Qu'est-ce que tu regrettes le plus ? Ce qui te désespère le plus ?” Elle m'a répondu : l’égo ! Tout est dit.

Crédit photographique Alain Beaud'huin

 

Quel est le sujet qui a suscité le plus d'intérêt chez vos auditeurs ?

Le record d’écoute appartient à la série de Combats avec l'ancien patron de LPO, Yves Verilhac. Il est juste formidable, joue et parle franc jeu. C’est un puits de science et un des meilleurs “clients” que j’ai jamais eu. Je suis content que ce soit lui qui ait ce record. Notre relation avait justement commencé par une engueulade, quand je lui fais remarquer que la LPO n’avait pas du tout partagé nos émission sur les ravages des chats, où ils étaient massivement cités en plus. On s’est réconciliés pendant l’iTW, et à la fin il a même poussé la chansonnette : le Chasseur (les oies sauvages) de Michel Delpech.


Crédit photographique Alexandre & Chloé Bès

 

Un projet en gestation ?

Concernant les projets en gestation. Là, je pense qu'on part sur des sextuplés voire des décuplés. D’abord, je suis en train d'écrire 2 livres en ce moment. Le premier s'intitule 100 idées fausses sur le monde vivant, aux éditions de l'atelier, prévu au printemps 2024.

Et je planche sur ma grande passion : De L’Origine des noms du monde vivant, qui devrait sortir à l’automne 2024 chez Ulmer.

Par ailleurs la chaîne Natgeo wild (Disney) m’a commandé une série de podcasts sur des espèces stars : loup, renard, dauphin, ours, aigle …

Last but not least, avec l’asso BSG, on est en train de créer un jeu de cartes, en partenariat avec l'éducation nationale, pour justement sensibiliser sur le vivant. Je suis hyper fier de ça. C'est le président et rédac chef de l’asso BSG, Guillaume Lassalle, un jeune prof de SVT génial qui a lancé l’idée. Quand il m’a appelé, il m’a expliqué qu’il faisait des cartes pour récompenser ces meilleurs élèves avec des infos qu’il glanait dans les podcasts. Je lui ai proposé d’en faire profiter tous les élèves francophones du coup. Ce jeu pourrait sortir en même temps que mon premier livre sur les idées fausses sur le vivant (même éditeur).

Par ailleurs, je suis en pourparler avec des chaînes télé pour faire des chroniques sur le vivant, ce qui manque encore terriblement à la télé. Je peux pas encore en dire plus pour l'instant. Donc pour ma petite pomme personnelle, après 3 ans de sacrifices, de travail et d’absence de vie perso, je dirais que tout va mieux.

Et j'invite toutes celles et ceux qui ont des désirs de partenariat, de sponsoring, de formation, de confs, et des projets à saisir la main que je leur tends.

In fine, je rêve de trouver un gros sponsor pour que je puisse enfin commencer à salarier tous ceux qui font tenir l’asso, qui tiennent la baraque, notamment les rédacteurs des excellents articles de notre site web et les “nettoyeurs” des interviews, qui prémontent toutes les interviews.

Crédit photographique Philippe Grand

 

 

LE QUESTIONNAIRE "PLEINS POUVOIRS"

- Vous êtes invité(e) à une séance de spiritisme. Bien que sceptique, vous choisissez la personnalité "écologique" décédée avec qui discuter pendant quelques minutes. Laquelle ?

Ah j'imagine que ce n'est malheureusement pas un choix multiple !

En premier, je pense que je choisirais très peu originalement Darwin.

Et en second, plus originalement, je choisirais Victor Hugo. J’ai eu entre les mains certains des carnets et journaux intimes de cet énorme esprit. Il était très curieux et très intéressé par le Vivant. C’était de fait un bon naturaliste et écologue, comme la plupart des “polymathes” (des couteaux suisses de l’esprit) à la Aristote, Archimède, Averroès, De Vinci, Copernic, Bacon, Descartes, Goethe, von Humboldt et plus près de nous Jean-Henri Fabre (c’est Jean-Louis Étienne, pas mal dans son genre d’explorateur/médecin/ébeniste/polarpodiste qui m’a fait découvrir le dernier).

- Député(e), vous êtes seul dans l'assemblée Nationale déserte. Vous avez toute latitude pour abroger, amender ou créer une seule loi environnementale. Laquelle ?

Je poserais l'égalité entre tous les êtres vivants dans la constitution. Le même droit de vivre pour tous les enfants de la vie, du moustique au panda. Je ferai en sorte que plus personne ne puisse rire de l'expression que j’emploie souvent, très sérieusement : “nos frères et sœurs de vivant”.

Plus raisonnablement, plus réalistement, je ferais tout pour reconstruire, réorienter le développement de nos sociétés autour du respect du vivant, comme nous le (dé)montrent les peuples premiers. Ça veut dire en finir avec la doxa universellement enracinée du business as usual.

Les valeurs de cette société rêvée découleraient du respect de la vie et du vivant. Beaucoup de mes amis se reconnaissent dans les paroles de la célèbre chanson des Doors (Riders on the storm) : “In this world we were thrown.”/ On nous a jetés dans ce monde.

Mais ce n’est pas parce qu’on s’y sent jeté qu’il faut oublier de s’émerveiller devant la vie, lui sourire au moins une fois par jour. Pas comme un con devant son miroir, mais en donnant un peu de son énergie pour ce qui s’appelle “la force” dans Star Wars. Une main pour soi, une pour le bateau … de la vie !

Par exemple dans le domaine économique. Il paraît urgent de remplacer le mythe et le dogme du PIB, par celui du PBBB, du produit du bonheur et de la bienveillance bruts. Bref ce que raconte Timothée Parrique entre autres.

- Généticien(ne) fan de Jurassic Park, vous pouvez faire revenir à la vie une espèce disparue, ou inventer une espèce hybride fantastique. Laquelle ?

Elles sont géniales tes questions, merci!

En premier, je voudrais “voir” et serrer la paluche disons le pseudopode de LUCA (last universal common ancestor), notre grand père à tous, dans les tréfonds de l’océan primitif:).

Mais ensuite, j'aurais envie de faire revenir tous les grands mammifères de la préhistoire, de l’Âge de glace. Du tigre aux dents de sabre au mammouth en passant par le rhinocéros laineux et le mégacéros. Je serais heureux de voir à quoi ressemblait le lion, l'ours et la hyène des cavernes (le lion des cavernes par exemple n’avait pas de crinière !).

Prehistoric cave hyena digital illustration

Et surtout j’adorerais tapper la causette avec leurs voisins de palier : surtout Homo neandertalis, plus proche du vivant qu’ Homo sapiens apparemment … le tout autour d'un bon ragoût d'auroch et de racines variées …

- Grand Maître Bouddhiste, vous choisissez l'animal dans lequel vous vous réincarnez pour une nouvelle vie. Lequel ?

Encore une question magnifique … Et encore un choix cornélien !

J'hésiterais beaucoup entre l'eau ou l'air. Mon élément c'est clairement l'eau. Je suis un ancien prof/guide de plongée, totalement à la maison dans l’eau, où je me sens comme dans le ventre d’une matrice, d’une maman, en apesanteur.

Je crois que j'aurais beaucoup de plaisir à être réincarné en dauphin, en requin ou un quelconque poisson, pas trop benthique : une espèce qui nage tout le temps.

Mais du strict point de vue des sensations, je pense que j'adorerais être réincarné en oiseau. Que ce soit en Condor des Andes (mon totem au sein de l’équipe Baleine sous Gravillon) ou même en moineau friquet ça m’irait.

Le bon mix pour moi serait donc l’exocet, le poisson-volant !

Et je finirais ma vie dans l’estomac d’une grosse daurade coryphène ou le bec de cette chipie de frégate …

- Descendant(e) de Darwin, vous savez faire évoluer les espèces. Vous pouvez modifier ou ajouter une particularité à une espèce (requin sans dent ou serpent sans venin pour gagner en sympathie auprès des humains, gorille doté de parole pour faire part de sa peur de l'avenir...). Laquelle ?

Le requin a besoin de ses dents. Le serpent a besoin de son venin, qui lui coûte d’ailleurs très cher à fabriquer et qu’il utilise avec parcimonie. C’est pourquoi beaucoup de serpents mordent “à blanc”, à vide ! Par ailleurs, je doute que les animaux aient un quelconque besoin de paroles. Et je doute que le parole soit une bénédiction. Souviens-toi de la tour de Babel ou plus récemment du dernier sms foireux qui a occasionné une brouille avec ta femme ou ton pote ! Les êtres vivants, des arbres aux poissons en passant bien sûr par les oiseaux, ont toute une panoplie de communication qui ne passe pas que par le son. Ces “media” sont tout aussi subtils, voire plus efficaces que la parole. Moi par exemple je suis très sensible à l’odeur et à la voix des gens. La voix des gens me parle d’eux.

Mais si je pouvais ajouter une telle particularité, ce serait de faire en sorte que l'être humain soit comme les grands prédateurs. C'est-à-dire qu'il sache d’instinct ajuster le nombre de ses propres populations aux ressources disponibles. Je souhaite à l’homme d’arriver à la cheville - disons au coussinet - du loup par exemple. Qu’il régule d’instinct et naturellement sa propre espèce, au lieu de se bâfrer en permanence. On présente souvent l'homme comme l'espèce la plus intelligente sur terre et selon certains critères, il l'est bien sûr. Oui nous sommes allés sur la lune.

Mais collectivement, nous sommes dangereux, y compris pour nous-mêmes. Dans Matrix, l’agent Smith parle de l’homme comme le cancer de la Terre; Excellente métaphore écologiquement parlant, non ? En exterminant le vivant pour aller plus vite, plus loin, pour consommer plus d’inutile, et assouvir les caprices de l’égo tout puissant érigé en seule boussole, nous nous tirons une balle dans le pied.

Donc en effet, si j'avais la possibilité d'insérer ça dans la génétique, d’en faire une condition sine qua non de vie, oui je changerais cela.

- Milliardaire : quelle(s) association(s) de protection mettez-vous définitivement à l'abri du besoin ?

L’asso Baleine sous Gravillon bien sûr. Les gens qui écoutent nos podcasts gratuits, sans pub et dispos sur toutes les plateformes semblent toujours ignorer (malgré mes appels et rappels désespérés) que Baleine sous gravillon, ce truc rigolo qu’ils écoutent de temps en temps, est d'abord une association qui rassemble une vingtaine de bénévoles actifs et une soixantaine de membres. Ça fait trois ans que nous travaillons dans le dénuement, sans sponsors, sans pub, en étant très peu soutenus.

Pierre Rigaux récolte autour de 4000 euros par mois sur son Tipee et il le mérite. Nous récoltons autour de 30 euros sur Tipeee et 200 euros sur Helloasso … Malgré les très nombreuses écoutes, un pourcentage extrêmement infime de nos auditeurs comprend que nous ne pourrons continuer que grâce à leur soutien. De la même manière, aucun ne nous laisse des étoiles et surtout des avis sur apple podcast st spotify, ce qui nous permettrait d’être suggérés plus spontanément aux amateurs de vivant et de nature.

Ce geste gratuit prendrait 3 minutes pour les 5 podcast (BSG, Combats, Nomen, Petit Poisson deviendra Podcast ET Mécaniques du Vivant sur France Culture) mais presque personne ne le fait ! Après 3 ans de bénévolat et de misère, je relance un appel via cette interview, y compris à d’éventuels sponsors / partenaires.

- Pénurie mondiale de bois : l'Arche de Noë sera plus petite que prévue. Il n'y a de la place que pour 5 espèces que vous sauvez de la disparition. Lesquelles ?

Encore une question cornélienne!

Cela dit, il y a des basiques auxquels nous avons très peu réfléchi dans ce mythe de Noé. Tout ce qui vivait dans l'eau n'a pas eu besoin d'être embarqué ! Et c’est génial ! Quid de ce qui vole ? des insectes ? des amphibie(n)s ? Je me dis qu'en cas de catastrophe, s'il fallait repartir, la vie pourrait à nouveau réémerger des océans, ressortir de l'eau.

Cela dit, pour répondre à ta question, de manière poétique et sans réfléchir à la pérennité d’un tel écosystème, je garderais un chêne, un crapaud commun, une abeille, un ver de terre et un moineau.

L'arche s'échoue. C'est le point zéro pour tout repeupler : Galapagos, Pantanal, Ngorongoro, Spitzberg, un zoo ou ?

Je dirais l'Amazonie. Mais je pense que la vraie question, ce serait pas où mais quand ? Et dans ce cas, pour des raisons pratiques, je préférerais qu'elle s'échoue au carbonifère, vers - 350 millions d’années, à l’époque des fougères géantes (qui nous ont laissé le charbon) et des premiers insectes volants, ces “libellules” de 80 cm d’envergure !

À l'époque où tous les continents étaient rassemblés en un seul, la Pangée, au milieu d’un océan unique, la Panthalassa. Dans un tel contexte, les brassages et les peuplements se feraient plus facilement. Après tu me diras à raison que plus le milieu est hostile et les difficultés nombreuses, plus le Vivant se tortille et devient malin …

- Vous perdez à un jeu. Un gage au choix : libérer des ours d'une ferme à bile en Chine, enfumer une ruche dans le hall du siège de Bayer, porter un tee-shirt "Chasseurs assassins" lors d'une balade forestière en Sologne, distribuer un tract à l'entrée d'un cirque demandant à interdire les animaux lors des représentations ?

Je les prends tous ! Par ordre d'importance écosystémique. Je commencerais par l'enfumage de ruche chez Bayer et pourquoi pas à l’ONU tant qu’on y est. Au passage, je rêve qu’un conseil de sages préside l’ONU et décide des grandes inflexions pour sauver la planète. Imagine un tel conseil avec des Ernst Zürcher, Vandana Shiva et autres Jean Jouzel …

J'enchaînerais sur le tee-shirt “chasseurs assassins” en Sologne. Je continuerais sur le tractage à l'entrée du cirque. Et je finirais, bien que ce soit l'option la plus exotique, donc celle qui m’attire le plus, par libérer les ours d'une ferme à bile.

- Vous avez le choix pour vous reconvertir demain dans un métier lié à l'environnement : photographe animalier, scientifique environnemental, responsable d'association de protection, ou ?

J'ai la chance de faire un métier passion, qui me nourrit peu et mal, mais qui me remplit, me passionne.

Je connais beaucoup de photographes, d’artistes, de collègues, de scientifiques, de membres ou de responsables d'assos. J'admire beaucoup ce qu'ils font, mais je ne les envie pas. Chacun est bien dans son domaine.

Mais ce dans quoi je m'engagerai demain (futur non hypothétique), ce sera plutôt dans le concret. J'aimerais beaucoup travailler dans la conservation, j'en ai déjà parlé à quelques amis du sérail. J'aimerais aussi travailler pour et avec les décideurs. Économiques et politiques.

Nous sommes à l'aube de changements profonds, qu’ils soient décidés ou subis. Et plutôt que de se taper les uns sur les autres, j'ai déjà fait le choixde donner une partie de mon temps et de mon énergie et de mon savoir-faire à ceux qui sont aux manettes au sens large.

Je veux parler, travailler avec, conseiller tous ceux  qui peuvent et surtout qui veulent faire bouger “les plus gros paquebots”. Je suis d'ailleurs en pourparlers pour travailler avec un gros poisson dans ce sens. Je lance d’ailleurs un appel : je cherche de jeunes et talentueux remplaçants pour reprendre les émissions, quoi qu’il arrive, en 2024-2025.

 

- Hypnotiseur, vous pouvez forcer tous les acteurs d'un conflit à trouver un accord bon pour la faune : éleveurs / défenseurs des grands prédateurs, industrie phytosanitaire / apiculteurs, ou chasseurs / promeneurs ?

C'est vraiment définitivement une interview qui va me rendre fou ! Je les prendrais tous, évidemment, j'essaierais de tous les convaincre. Sincèrement, les 3 me paraissent tellement importants que je tirerais malheureusement à pile ou face. Ou à la courte paille.

Pour soutenir cette initiative (dont nous avons besoin, et qui a besoin d'un coup de pouce financier pour survivre), c'est ici 

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