Photographes animaliers

Fabrice MILOCHAU

Après un virage professionnel vers l'age de 30 ans je décide de me tourner vers la nature et l’environnement : je deviens technicien généraliste de l’environnement, puis m’oriente très vite vers le journalisme en travaillant pour les magazines Science & Nature et Animaux Sauvages.

J'y acquiers la conviction que l’esthétique et la beauté des paysages œuvrent mieux que de longs discours pour la défense et le respect de la nature. Passionné de photographie depuis longtemps, je m’engage en 1998, sur les conseils de Gilles Martin, dans une carrière de photographe indépendant : La forêt sera mon premier grand sujet (fera la couverture de GEO sept. 99).

Dans la foulée, je sors plusieurs livres dédiés à la nature notamment la collection « Guide des Merveilles de la Nature » chez Arthaud. Au fil du temps je suis devenu un spécialiste de la photographie de paysage, auteur d’une quinzaine d’ouvrages sur le patrimoine naturel et collaborateur régulier du magazine GEO ; j'ai longtemps travaillé en binôme avec Frédérique Roger, géologue de formation.

Aujourd’hui, je suis l'un des rares photographes français à vivre exclusivement de la photo de paysage, tout en m’ouvrant à d'autres univers comme l'art contemporain, le portrait, le nu et la photo animalière. Je suis un créatif avant tout et j'ai besoin de découvrir sans cesse de nouvelles choses.

C'est Objectif Nature qui m'a donné l'occasion de découvrir la vraie faune sauvage en accompagnant des voyages de rêve... Cela m'a permis de faire mes toutes premières véritables photos animalières en Afrique et en Amérique du Sud l'an passé. Je ne vous parle pas de vrais affuts où de reportages de fond sur un animal ; juste des photos prises à la volée avec mes groupes de touristes dont la plupart étaient bien mieux équipés que moi.

C'est dans ces moments la que l'on réalise que les genres photographiques sont des cases artificielles, qui se justifient parfois par un matériel spécifique, mais pas par une aptitude à ne photographier qu'un seul type de choses ; du moins c'est mon avis.

 

Entretien avec...

Quel cheminement personnel jusqu'à l'animal sauvage ?
Je suis avant tout un arpenteur de paysages… Je suis venu à l’animal progressivement ; par des rencontres fortuites, et la chance de pouvoir aller récemment sur de grandes destinations animalières en Afrique et Amérique du Sud.

Un maître à penser ? 
Plutôt insoumis et indépendant, la notion de maître n’est pas dans mon rapport à l’autre..-) Mais je pourrais citer Shinzo Maeda pour lequel j’ai une très grande admiration, et François Terrasson pour sa lucidité intellectuelle et son livre « la peur de la Nature ».

Une œuvre marquante ? 
Au départ de simples cartes postales de paysages que j’empilais dans un tiroir de mon bureau d’écolier et que je regardais longuement… ensuite les grands paysagers américains et leur images à la chambre. Une œuvre en particulier, disons « creation » de Ernst Haas, une merveille…

Si j'étais un animal sauvage ? 
Une chouette harfang ou une orque…

Une belle émotion ou rencontre avec la faune ? 
Mon premier affût dans un petit bois près de Fontainebleau, où j’ai croupi des heures dans une tente avant de voir débarquer un écureuil… j’en tremblais. Il venait boire à une mare, une scène qu’il est très rare de voir d’habitude. Aussi le souvenir d’un jeune faon qui s’est dressé d’un coup à 1,50m de moi en pleine foret ; nous nous sommes regardés aussi étonnés l’un que l’autre, il restait là sans bouger, attendant les consigne de sa mère qui faisait du bruit non loin de là pour que je la suive elle, et que je laisse son petit…

Un animal disparu qui reviendrait ?
Un dragon !… si si j’y crois -)

Un animal fantastique qui existerait ?
L’homo sapiens sapiens, autrement dit deux fois sage ; on est très loin du compte.

La photo ou la série à laquelle vous tenez particulièrement ?
Sans doute planète France, le travail le plus original et plus reconnu que j’ai pu réaliser. Mais je pense aussi à une photo de mon hêtre fétiche recouvert de mousse à Fontainebleau, photo qui m’a souvent porté chance…

Spot préféré ?
Mon métier c’est m’émerveiller de chaque chose, chaque endroit…

Un lieu mythique ?  
Disons la Nouvelle-Zélande et le Japon. J’ai très peu voyagé en comparaison de nombre de mes collègues, je rêve encore de beaucoup d’endroits. Mais le vrai mythe c’est Pandora dans Avatar ! -)

Et la technique ?
La technique c’est ce qui sert à créer des automatismes, c’est comme un programme basique dans un ordinateur ; ensuite tout reste à faire et à créer. Les gens sont persuadés que la technique est la clef d’une belle photo pro ; c’est loin d’être sure… la clef de tout c’est l’émotion, une photo sans émotion est une lettre morte. Et la clef de l’émotion c’est ce qui se trouve dans le cœur, pas dans la tête, vécue dans le moment présent. Il n’empêche que l’apprentissage de la technique est une base très utile pour se sentir libre ensuite d’exprimer ce que l’on veut , c’est pour cette raison que j’ai écrit un guide technique consacré aux paysages.

Des urgences ? 
L’urgence est de réaliser que toute chose est liée au reste des choses dans l’univers. De cette prise de conscience naît le respect de ce qui nous entoure, à commencer par la Nature. Toutes les persécutions de la nature sont liés à cela ; beaucoup d’humains ressentent la nature comme étrangère à leur propre identité. Ensuite, l’important est de faire notre part au niveau individuel. Chaque personne doit développer sa propre conscience, dans sa vie quotidienne, et la transmettre à ses enfants. Il faut réaliser que tout peut changer en une seule génération, autrement dit quelques dizaines d’années ; tout dépend ce que l’on va mettre dans la tête des enfants d’aujourd’hui !

Des conseils ?
Pratiquez ! la photo est un art qui s’apprend très vite par la pratique. Lisez ! l’aspect technique peu s’intégrer en bonne parti par la lecture de livres et magazines photos. Aimez ! c’est par l’amour de ce que vous photographiez que le « talent » viendra.

Une association à mettre en avant ?
Et bien je dirais de vous intéresser à Planète regard, la nouvelle association issue du festival de Montier en Der qui s’adresse tout particulièrement aux photographes nature. Ensuite j’ai beaucoup d’estime pour la démarche de Gilles Martin et son « Arche » photographique. Maintenant, les vrais héros du moment c’est Sea Shepherd par exemple : les pirates écolos, fallait oser !

Pour conclure ?
Photographier est un art de vivre, pas une simple activité ludique. C’est une démarche quasi spirituelle, au sens ou elle nous amène à nous encrer dans le moment présent , comme la méditation. En plus c’est un art, parce que même un très « mauvais » photographe fait de l’art lorsqu’il traduit sa vision du monde.

Et concernant les animaux, c’est une passerelle vers le sauvage, un lien avec ce que nous n’avons pas domestiqué et qui nous renvoi à notre propre sentiment de liberté (ou d’enfermement). Je n’aime pas du tout le terme de « chasse photographique » pas plus que le mot branché « shooter » issu du milieu de la mode ; ces termes induisent un rapport agressif, de traque, de prédation symbolique profondément malsain qui n’à rien à faire en photographie nature. Il faut être vigilant sur les mots, ils forgent notre inconscient.

Dernière chose, ne vous focalisez pas trop sur le matériel : il y a un minimum, mais un bon photographe fera de belles photos avec un téléphone, alors qu’un photographe moyen le restera même avec un boîtier à 5000 euros…

Distinctions & Parutions

Livre publié : Les secrets de la photo de paysage

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Chronique mensuelle dans le magazine "Le monde de la photo"

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