AIRES PROTÉGÉES : AU-DELÀ DES ANNONCES, QUELLE AMBITION RÉELLE ?

De déclarations présidentielles en Conseil de défense écologique, le gouvernement multiplie les annonces sur de nouvelles aires protégées et relance l’élaboration d’une stratégie nationale en faveur de ces espaces. Qu’en est-il ? Ces espaces représentent actuellement 23,9% de la surface de notre territoire, dont 1,76% seulement en protection forte. Si la volonté du gouvernement d’atteindre 30% d’aires marines et terrestres protégées est positive, France Nature Environnement s’inquiète du niveau de protection qui sera réellement mis en place et propose les grandes lignes d’une stratégie efficace de protection de nos espaces naturels.

Création d’aires protégées : un bilan navrant

Les aires protégées regroupent un ensemble de statuts de protection qui n’ont pas le même niveau d’exigences : quand certains suivent une stricte réglementation, d’autres se basent sur du volontariat et des politiques contractuelles. Par exemple, la loi protège sur le papier 20,8% des espaces marins. En réalité, diverses activités y sont autorisées. Résultat, seulement 1,5% des espaces marins sont réellement protégés.

La création d’aires protégées fortes en métropole était déjà l’une des mesures phares pour la biodiversité lors du Grenelle de l’environnement en 2007 : l’objectif était d’atteindre 2% du territoire d’ici 2019. Aujourd’hui, seulement un tiers des projets initiaux ont abouti et, selon un rapport officiel, le pourcentage de territoire métropolitain en protection forte va passer à 1,49% grâce aux zones cœurs des parcs nationaux comme les Calanques, et la récente création du 11ème Parc National en Champagne et en Bourgogne.

Le nouveau Parc National en Champagne et en Bourgogne, un bel exemple d’occasion manquée

En théorie, la création d’un 11ème Parc National pour préserver les forêts feuillues de plaine en Champagne et en Bourgogne est une bonne nouvelle. En pratique, la réglementation n’est pas digne de ce statut exceptionnel : l’exploitation forestière (coupes de bois, plantation de résineux type sapins…), les pratiques agricoles intensives et la chasse (y compris à courre) font partie des activités qui s’y poursuivront. Pire, avant la création du Parc National, l’ONF s’est hâtée de couper des arbres, y compris dans une zone qui doit passer en « protection forte ».

Pour France Nature Environnement, malgré l’affichage gouvernemental, il ne s’agit pas encore d’un Parc National digne de ce nom, faute de courage politique. De plus, cette création n’a pas été suivie d’une augmentation de moyens, fragilisant d’autant plus les parcs existants, déjà frappés par des baisses d’effectifs.

Pistes pour une réelle stratégie de protection de nos espaces naturels

En annonçant la création d’aires protégées en Guyane* et en Antarctique, dans des secteurs où les enjeux sont moindres, le gouvernement choisit la facilité. Ces aires permettent simplement de « faire du chiffre » sur de grands espaces. L’urgence en Guyane serait d’abord de protéger le littoral et de renforcer les moyens déployés pour lutter contre le développement catastrophique en 2019 de l’orpaillage illégal dans le cœur du parc amazonien et au sein de la Réserve naturelle nationale des Nouragues. En Antarctique, il est urgent d’éradiquer la pêche industrielle illégale dans l’immense réserve des Terres australes.

Comment aboutir à une réelle stratégie de protection de nos espaces naturels ? La future stratégie doit d’abord cibler les espèces et habitats à enjeux de conservation pour identifier des secteurs prioritaires à protéger. Elle devra ensuite s’appuyer sur des outils qui, à l’instar des réserves naturelles démontrent jour après jour leur efficacité en matière de protection des espèces. Par ailleurs, l’Etat devra s’engager en faveur de l’animation et du portage local des projets de création de nouvelles aires protégées (outils de mobilisation citoyenne, sciences participatives, formations à destination des élus…) afin que les territoires se les approprient pleinement. Enfin, cette stratégie ambitieuse devra être adoptée et portée au niveau interministériel pour donner l’impact nécessaire à une mise en œuvre efficace.

Pour Jean-David Abel, vice-président de France Nature Environnement, « la France, qui se veut exemplaire, doit définir en concertation une stratégie d’aires protégées ambitieuse, alliant créations et préservation effective, et en y allouant des moyens nouveaux et spécifiques. Le budget 2020 doit absolument intégrer ces objectifs, car nous sommes malheureusement très loin du compte pour le moment ».

* Voir le communiqué de Guyane Nature Environnement, en PJ : Nouvelles aires protégées en Guyane : le gouvernement se trompe de priorités »