Au Brésil, les conséquences déjà flagrantes du dérèglement climatique

Inondations, températures historiquement basses, nombre record de départs de feu… Le pays est frappé ces dernières semaines par une succession de catastrophes naturelles, que les spécialistes attribuent au réchauffement climatique.

«Depuis six mois, les catastrophes climatiques sont récurrentes au Brésil. Je ne me souviens d’aucune période de ce type dans l’histoire du pays.» L’alerte est lancée par le climatologue brésilien Carlos Nobre, inquiet notamment de la succession d’épisodes d’inondations meurtrières survenus depuis la fin d’année dernière dans le plus grand pays d’Amérique latine. Au moins 20 morts dans l’Etat de Bahiaentre novembre et décembre 2021, puis 231 autres, quelques semaines tard, à Petrópolis, une ville touristique à proximité de Rio de Janeiro. Fin mai, encore, pas moins de 106 personnes ont péri dans des inondations et des glissements de terrain qui ont dévasté la région de Recife. Dans certaines zones de ce territoire du Nord-Est, il a plu en l’espace d’une nuit jusqu’à 70 % de ce qui y est normalement prévu pour l’ensemble du mois de mai.

Entre-temps, le Brésil a connu en janvier un été austral caniculaire. Suivi d’un mois de mai historiquement froid : le 19 mai, à Brasília, le thermomètre affichait 1,6°C, soit la température la plus basse jamais enregistrée dans la capitale depuis sa fondation en 1960. La veille, il faisait 6,6°C à São Paulo (avec un ressenti de -4°C), un record de froid pour un mois de mai depuis 1990. Pourtant, au Brésil, l’hiver austral ne commence officiellement que fin juin.

Déforestation galopante

Cette multiplication de catastrophes naturelles est-elle due au dérèglement climatique ? «Il est difficile d’attribuer ces événements pris isolément au dérèglement climatique. Ce qui est sûr, c’est qu’avec celui-ci, les épisodes extrêmes deviennent plus fréquents et plus intenses», répond le géographe François-Michel Le Tourneau, chercheur au CNRS et spécialiste de l’Amazonie. Dans ses rapports, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) documente régulièrement combien la hausse des températures peut favoriser la survenue d’inondations, du fait de la montée du niveau des mers et du réchauffement de celles-ci…..

….Un autre phénomène menace d’accélérer les ravages provoqués par le dérèglement climatique au Brésil : la déforestation, qui atteint ces derniers mois des niveaux dramatiques, notamment en Amazonie, mais aussi dans la forêt Atlantique, sur le littoral oriental du Brésil. Entre août 2020 et juillet 2021, le déboisement dans la plus grande forêt tropicale du monde s’est ainsi étendu sur 13 235 km², la surface la plus importante depuis 2005-2006. Ce mercredi, l’Institut national de recherches spatiales (INPE) annonçait de nouveaux chiffres inquiétants : le Brésil a enregistré le mois dernier le plus grand nombre de feux de forêt en Amazonie pour un mois de mai depuis 2004, et un record absolu pour la région de savane du Cerrado. La plupart de ces incendies sont d’origine criminelle, mais ils se propagent d’autant plus facilement que la forêt est sèche….

…Désormais, au Brésil, les défenseurs de l’environnement n’attendent que le départ du président Jair Bolsonaro, au pouvoir depuis quatre ans, qui briguera un nouveau mandat lors de l’élection présidentielle en octobre. «En matière de lutte contre le dérèglement climatique, il est le pire président que nous ayons eu en trente ans», grince Carlos Nobre, qui lui reproche notamment d’avoir coupé les fonds des agences publiques de protection de l’environnement….

Source : Libération / 2 juin / Samuel Ravier-Regnat

 

 

Photo : La déforestation de l’Amazonie a atteint ces derniers mois des niveaux records, mettant en péril le rôle de «modérateur climatique» que joue la forêt tropicale. (Amanda Perobelli/Reuters)