Au Mozambique, les éléphants meurent énormément

Dans l’immense réserve de Niassa, la population de pachydermes serait passée de 12 000 en 2009 à moins de 4 000 en 2016. Et malgré quelques améliorations, les rangers peinent à protéger les animaux des braconniers, à cause notamment de la corruption.

Depuis l’hélicoptère qui tournoie dans le ciel, le pilote repère un troupeau d’éléphants qui avance entre les arbres, des buffles qui s’abreuvent au bord de la rivière. Vue du ciel, la réserve de Niassa, dans le nord du Mozambique, apparaît comme un océan de verdure, parsemé de quelques montagnes rocheuses. Ce joyau de biodiversité s’étend sur plus de 40 000 km² – une superficie plus grande que la Suisse -, le long de la frontière avec la Tanzanie. Mais ces dernières années, plus qu’un sanctuaire, cet immense espace sauvage, difficile d’accès, était devenu un cimetière.

Sebastião Saize, en tenue kaki, fusil à la main, avance entre les hautes herbes. Le ranger se souvient de cette époque où les massacres s’enchaînaient, presque chaque semaine. En 2017, 129 pachydermes ont été tués à Niassa. «Il y avait beaucoup de sang, raconte Sebastião Saize, debout devant les restes d’une famille d’éléphants tuée par des braconniers il y a deux ans. J’étais à la fois triste et tellement en colère.» Devant lui, les herbes et les petites fleurs blanches qui poussent au milieu d’ossements et de crânes blanchis par le soleil, composent une scène aussi bucolique que tragique. Trois mâles, trois femelles, et un bébé. La procédure est rapide : les braconniers tirent et abattent l’animal puis, avec une hache, coupent sa chair et retirent les défenses. «Souvent, ils blessent d’abord un jeune, dit-il, afin que les autres éléphants viennent à son secours.» Niassa cumule tous les éléments d’une combinaison mortelle pour les animaux qu’elle abrite : une population pauvre, des activités forestières et minières illicites, des projets d’infrastructure gérés par des entreprises chinoises à proximité, et des réseaux de crime organisés qui profitent d’une corruption généralisée – le Mozambique se classe 158e sur 180 pays sur la liste de Transparency International – pour s’assurer l’impunité… Des milliers d’éléphants y ont été tués.

Peines légères

Selon les chiffres de certains groupes de protection de la nature, la réserve aurait vu sa population de pachydermes chuter d’environ 12 000 individus en 2009, à moins de 4 000 en 2016. «Les éléphants se concentrent principalement autour de la rivière Lugenda, qui traverse la réserve. Les braconniers peuvent entrer au Mozambique, puis repasser rapidement de l’autre côté de la frontière, explique José Sitoe, le chef des rangers, qui pointe du doigt sur une carte diverses routes empruntées. Nous avons eu beaucoup d’affrontements dans cette zone. Et ils étaient bien mieux armés que nos hommes.» Jusqu’à récemment, la réserve était surveillée par des rangers sous-équipés, face à des braconniers munis de fusil de gros calibres ou d’armes automatiques.

«Maintenant, la situation est sous contrôle», affirme le ranger. Selon l’ONG américaine Wildlife Conservation Society (WCS), qui participe à la gestion du parc, aucun éléphant n’a été abattu depuis plus d’un an. Un signe positif, qui montre que la tendance peut s’inverser. Mais le combat est loin d’être gagné….

Suite de l’article de Patrcia Huon dans Libération/lundi 30 décembre

photo : Un éléphanteau à Niassa. La réserve mozambicaine est plus grande que la Suisse. Photo Ariadne Van Zandbergen. picture Alliance. Africamediaon