«Blue» : Denis Lagrange, l’homme qui plonge à pic

Le chef opérateur basé en Polynésie a filmé les baleines et les requins pour «Blue», somptueux documentaire sous-marin de Disney Nature.

« Blue » file parfois des frissons. Notamment quand une baleine est filmée en gros plan, de face. « J’étais à deux mètres », se souvient Denis Lagrange, l’homme qui l’a filmée, et qui a aussi été en charge d’une autre séquence sidérante, la chasse de nuit des requins. Cinq chefs opérateurs ont été sollicités par les réalisateurs de cette nouvelle production Disney Nature, chacun dans leurs spécialités. On y voit par exemple des dauphins qui tournoient autour de bancs de sable pour emprisonner leurs proies, des petits poissons contraints de sauter au-dessus de la brume sablonneuse et de tomber dans les mâchoires de leurs prédateurs. Un moment ahurissant. Dauphins et petits poissons ne sont pas les espèces sous-marines les plus prisées de Denis, plus féru de baleines, de requins ou de raies, et dont le terrain de jeu favori est l’archipel polynésien.

La photo, un déclic

Ça ne date pas d’hier. « Tout petit, ma mère m’avait transmis sa passion de la photo. A dix ans, mon père m’a emmené pour la première fois en Polynésie. Un déclic. Ça ne m’a plus jamais lâché », se souvient le chef opérateur originaire de la Vienne. Il parfait son initiation aux images au lycée pilote innovant du Futuroscope de Poitiers, avant d’étudier la finance et de travailler dans des banques. Tout en continuant régulièrement à plonger et à faire des images. A 28 ans, son meilleur ami le sollicite pour devenir moniteur et cameraman à Tahiti : Denis plaque tout. Rapidement, il se lasse de réaliser des films de vacances sous-marins pour les touristes. Féru de photo et de cinéma, « maîtrisant bien la notion du cadrage en plongée », Denis a « envie d’aller plus loin », se crée un carnet d’adresses auprès de producteurs et réalisateurs français et étrangers, jusqu’à devenir progressivement l’un des chefs opérateurs les plus recherchés au monde.

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Le terrain de jeu favori de Denis Lagrange est l’archipel polynésien. /Disney 2018/ Ingrid Kvale Comme en témoigne son tableau de chasse : 15 longs-métrages à son actif, une quinzaine de publicités, et une quarantaine de documentaires. Basé six mois de l’année en Polynésie, Denis Lagrange partage le reste de son temps entre la France, le Royaume-Uni – pays grand pourvoyeur de documentaires animaliers de qualité – et des fonds sous-marins de rêve au Mexique, aux Bahamas, en Alaska, en Floride, en Amazonie…

Il étudie longuement les animaux qu’il filme

Pourquoi fait-on particulièrement appel à lui, notamment pour des projets énormes comme « Blue » ? Sans doute à cause de son approche « naturaliste » – il étudie longuement les animaux qu’il filme – et parce que, comme il le dit si bien, « je sais observer ». Et aussi parce que « je suis très identifié Polynésie française, et je sais filmer les baleines ou les requins de nuit mieux que d’autres, alors que par exemple certains vont être meilleurs que moi sur les dauphins. » Et Denis, à 46 ans, a une longue expérience dans son domaine. Il sait parfaitement qu’une session nocturne de 1h30 à filmer des requins demande des semaines de préparation : « il faut tout sécuriser dans ces cas-là, en cas de morsure on se trouve quand même loin d’un aéroport, il ne faut rien négliger ».

Surtout, même à son âge, il prend toujours autant de plaisir à filmer ces animaux extraordinaires : « pour moi, une rencontre avec une baleine, cela reste toujours aussi exceptionnel. Mais encore faut-il qu’elle l’accepte. C’est elle qui va décider si elle le souhaite ou pas. Si je vois qu’elle bouge ses pectorales, qu’elle se dresse, pas la peine de descendre la filmer. Il faut être patient, prendre beaucoup de temps… »

Source : Le parisien