Chiens de chasse abattus : accusée, la communauté Longo Maï se défend

Menaces de mort, harcèlement… La coopérative Longo Maï de Treynas, en Ardèche, est sous le feu des critiques de chasseurs depuis que l’un de ses membres a abattu 7 chiens. Ils s’attaquaient aux cochons de la ferme.

« La nuit j’entends encore les cris des cochons et les aboiements des chiens », raconte Sandra qui a du mal à se remettre du drame survenu sur la commune de Chanéac en Ardèche. Samedi 16 décembre, cette habitante de la communauté agricole de Longo Maï au lieu-dit de Treynas a tenté de s’interposer entre des chiens de chasse « en furie » et des cochons élevés en plein air sur la ferme.

Selon ses dires, alors qu’elle tentait depuis un quart d’heure de repousser physiquement les canidés et de hurler à l’aide pour faire venir les chasseurs, une autre personne de la communauté a pris un fusil, d’abord pour tirer en l’air pour effaroucher les animaux, avant de les viser. Sept sur une dizaine ont été abattus. « On n’a pas eu le choix, nos cochons étaient en train de se faire dévorer vivant », affirme Sandra. Les cochons ont été blessés, et l’un d’eux a dû être euthanasié, comme l’atteste le rapport du vétérinaire consulté par Reporterre.

Pour le monde de la chasse, il s’agit d’une exécution « sans vergogne, par des individus à l’idéologie anarchomarxiste et antichasse », résume Chassons.com. Une façon de dénigrer la communauté de Longo Maï, réseau de coopératives cinquantenaire fondé dans les années 1970 par des marxistes souhaitant rompre avec le capitalisme et le salariat en retournant à la terre.

Menaces de mort et harcèlement

La justice a ouvert une enquête pour « maltraitance animale » à la suite de la plainte des chasseurs. Le procès en correctionnel du mis en cause pour les tirs aura lieu en mars 2024. Les deux propriétaires de la meute ont fait des photos et des vidéos des cadavres de leurs bêtes. Devenues virales sur le web, elles sont à l’origine de harcèlement et de menaces.

Ceux qui se font entendre parmi les chasseurs présentent les faits comme une action écologiste préparée. « La fédération de chasse de l’Ardèche a déjà vu son siège brûler. Maintenant, des chiens sont abattus ! Quelle sera la prochaine étape ? » se demande Philippe Meunier, vice-président (LR) délégué à la chasse de la Région Auvergne-Rhône-Alpes dans l’article de Chassons.com.

Des centaines de posts et commentaires, principalement sur Facebook, appellent très explicitement à une vendetta : « Pourquoi ne pas faire une expédition punitive ? » ; « Il faut aller là-bas, se réunir et leur mettre la même chose à ce qu’il on fait à nos compagnons. »

Selon trois habitants de Treynas joints par Reporterre, « des insultes et des menaces » ont été proférées anonymement lors d’une dizaine d’appels téléphoniques sur leur ligne fixe. Le harcèlement touche aussi leurs enfants. Quelques-uns ont été retirés de l’école ou du collège durant la semaine précédant les vacances de Noël. Sur la route d’accès à la ferme et ailleurs sur la commune des tags « Treynas assassins » ont été peints.

Dans la presse, nombre d’articles ont repris sans distance les allégations et dénigrements jusque dans les titres des articles. Des éléments de langage visant à faire passer les membres de Longo Maï, comme des marginaux potentiellement dangereux, voire sectaires.

Dans la presse, quand elle n’est pas une ferme de « hippies », Treynas s’est vu qualifiée de « recluse » ou de « quasi-autarcique ». « On se considère comme des paysans-forestiers », présente plutôt Manu, figure du lieu. L’exploitation forestière d’une centaine d’hectares est reconnue comme un lieu pratiquant une sylviculture respectueuse de l’environnement. « On accueille des stagiaires des écoles forestières, explique Sandra. On va au foot ou à la danse. On est impliqué dans les associations des écoles de nos enfants », complète-t-elle en réponse aux insinuations d’une vie coupée du monde.

Procès en mars prochain

Les habitants de Treynas, qui ont déjà porté plainte contre les menaces de mort, envisagent d’autres actions en justice. « L’intrusion des chiens dans un domaine privé est une atteinte à la propriété, précise leur avocat, Vincent Brengarth, au Dauphiné Libéré. En outre, on est sur des faits de dégradations, puisque les cochons, vus par un vétérinaire qui en a attesté, ont été blessés. ». Le procès aura lieu en mars 2024.

« On est présenté en agresseur alors que c’est nous qui nous qui avons été agressés chez nous, dit Manu qui interroge la responsabilité des chasseurs. S’ils avaient été derrière leurs chiens, on se serait probablement “pourris”, mais ni un chien ni un cochon ne serait mort. »

Source : Reporterre