BLOOM : La première étape d’une révolution

Chers soutiens,

Ce message est très important, il reflète une étape hautement stratégique de notre combat pour des océans en bonne santé qui ne seraient plus soumis aux assauts constants des pêcheurs industriels.

Nous avons chronométré le temps de lecture à cinq minutes. Si vous n’avez pas ce temps, vous pouvez lire en diagonale les passages que nous avons mis en gras.

La toute première évaluation multi-critères des pêches

Certaines de nos victoires sont plus discrètes que d’autres et pourtant, elles forment la pierre angulaire d’une révolution puissante dans la conduite des affaires publiques. 

C’est exactement ce que nous venons de franchir : une étape si cruciale qu’elle prend le goût de la victoire.

Nous venons de publier les résultats scientifiques du groupement de recherche que nous avons constitué (1) et qui établissent, tenez-vous bien, pour la toute première fois, une évaluation de la performance des différentes flottes de pêche françaises selon des indicateurs à la fois écologiques, économiques et sociaux.

C’est la première fois que le secteur de la pêche est évalué ainsi.

Cette recherche lance le point de départ d’une transition du secteur de la pêche pour en minimiser les impacts écologiques et en maximiser les bénéfices sociaux.

Il aura fallu attendre BLOOM. Ce n’est pas normal…

Avant de vous présenter les résultats de cette recherche indispensable, prenons un peu de recul pour comprendre pourquoi il aura fallu attendre 2024 et l’initiative d’une ONG comme BLOOM pour qu’un bilan factuel, objectif et quantifié des performances sociales, écologiques et économiques des flottes de pêche soit enfin réalisé.

Dès les prémices du Grenelle de la Mer en 2008, BLOOM réclamait à corps et à cris une « photographie » multidimensionnelle de la performance des flottes de pêche de façon à pouvoir juger sur des bases rationnelles des activités, au sein de ce secteur, qu’il convenait de soutenir et celles dont il fallait se détourner.

Car comment même imaginer gérer le secteur de la pêche, minime par ce qu’il représente dans le PIB (moins de 0,1% du PIB français) mais à l’impact climatique et environnemental démesuré, sans disposer de la photographie de ce qu’une activité « génère » en emplois et en production et de ce qu’elle « coûte » à l’environnement en émissions de CO2, en destruction d’habitats marins parfois multimillénaires, en poissons immatures pêchés avant l’âge de reproduction ou en espèces sauvages sacrifiées par des méthodes de pêche non sélectives ?

Cela paraît insensé d’imaginer que la conduite du secteur de la pêche se soit faite à l’aveugle pendant des décennies alors que les données étaient collectées par les établissements de recherche publique et qu’il suffisait de les agréger pour savoir comment piloter la pêche, c’est-à-dire la seule activité de cueillette qui ait pris une dimension industrielle et qui repose sur une « ressource » sauvage, prélevée dans un milieu sauvage : l’océan.

Nos résultats expliquent pourquoi les pouvoirs publics ont maintenu l’omerta sur les données : car ils ont soutenu et soutiennent encore aujourd’hui les activités de pêche les plus destructrices, non seulement pour l’océan et le climat mais aussi pour l’emploi et les finances publiques.

L’absence de regard critique et objectif sur le secteur de la pêche a permis deux choses :

  • d’éviter le débat public;
  • de protéger les destructeurs.

Cacher les données, c’était protéger un système néfaste. Ces temps-là sont révolus. 

 Nos résultats sont sidérants. Ils vont tout changer. 

Quand une ONG doit se substituer à la puissance publique

Pendant longtemps, BLOOM a estimé qu’il appartenait à la puissance publique de produire cette évaluation comparative de la performance sociale, écologique et économique des différentes flottes de pêche françaises. Nous avons plaidé pour cela pendant des années.

En vain.  

Nous avons compris qu’il fallait constituer nous-mêmes le groupement de recherche qui poserait un regard multidisciplinaire, désenclavé du seul prisme productiviste, sur le secteur de la pêche de façon à identifier le cap à suivre pour transformer ce secteur particulièrement stratégique en raison de l’impact gigantesque qu’il a sur l’océan, organe vital de la planète et du climat.

Nous avons collaboré avec des chercheurs de l’Institut Agro, d’AgroParisTech et de l’EHESS-CNRS avec la participation de l’association The Shift Project et de la coopérative L’Atelier des Jours à Venir pour mettre sur pied une méthodologie nouvelle permettant d’établir un « bilan marin » exhaustif des activités de pêche, qui révolutionne la façon d’évaluer les activités humaines en mer pour juger de leur « durabilité ».  

Les chercheurs ont retenu dix indicateurs sociaux, économiques et écologiques pour produire la première évaluation holistique de la pêche.  

Ce premier état de santé pluridisciplinaire concerne 70% des pêches métropolitaines : celles qui opèrent dans tout l’Atlantique Nord-Est. Les flottes de la Méditerranée, des DOM TOM et les flottes distantes n’ont pas encore été incluses à ce stade, faute de moyens suffisants pour traiter les données.

‘Game over’ pour la mauvaise foi

Maintenant les résultats !

Ils sont nombreux, époustouflants et au fond, réjouissants.  

Oui réjouissants.

Car ils coupent pour de bon toute possibilité pour les lobbies défendant le chalutage de fond de continuer à proférer mensonges et menaces (à l’emploi notamment) dans l’espace public, comme ils le font depuis des décennies.  

Les destructeurs de l’océan et du climat sont enfin établis pour ce qu’ils sont : des destructeurs également des emplois et des finances publiques.

Que ressort-il de notre étude ?

Une segmentation parfaitement claire des performances des flottes selon les engins utilisés et la taille des navires.

Les rapports des chercheurs et la synthèse que nous en avons faite sont immensément riches et denses. Si vous souhaitez vous plonger dans le détail des résultats obtenus, nous vous encourageons à aller à la source en cliquant ici.

En attendant, retenez ceci.

Le chalutage est néfaste, contre-productif, coûteux et condamné

En passant les différents segments des flottes françaises au crible des 10 indicateurs retenus, il apparaît que les engins tractés dans la colonne d’eau (chaluts pélagiques) ou sur les fonds marins (chaluts de fond et sennes démersales) coûtent très cher à la société : non seulement ces bulldozers sous-marins sont immensément destructeurs d’un point de vue écologique, mais ils sont un gouffre à argent public et génèrent beaucoup moins d’emplois que d’autres méthodes de pêche.

Voici enfin une quantification objective de leur impact écologique et socio-économique.

Les chaluts et sennes de fond sont responsables :

  • de 84% de la surexploitation des stocks de poissons générée par les flottes ;
  • de plus de la moitié des captures totales de juvéniles (poissons immatures sexuellement) ;
  • de 90% de l’abrasion des fonds marins engendrée par les méthodes de pêche traînantes ;
  • de 57% des émissions de CO2 (alors qu’ils ne représentent même pas un quart de la flotte).

En outre, en comparant les chaluts et sennes de fond aux arts dormants côtiers (engins sélectifs tels que la ligne, le casier ou le filet), il apparaît que :

  • ils sont 3 à 4 fois moins rentables par rapport au capital investi ;
  • ils créent 2 fois moins de valeur ajoutée ;
  • et 2 à 3 fois moins d’emplois.

Le bilan social est encore plus lourd du côté des grands chalutiers pélagiques (comme le fameux chalutier de 145 mètres « Annelies Ilena » contre lequel nous nous battons en ce moment) : ces monstres industriels créent 10 fois moins d’emplois que les petits métiers côtiers !

Sans argent public, les chalutiers disparaitraient

C’est aberrant mais c’est la stricte réalité : la rentabilité des grands chalutiers et senneurs de fond est totalement artificielle. Leurs opérations ne sont rendues possibles que par le subventionnement massif d’argent public dont ils bénéficient.

La conclusion est claire et nette : nous finançons la destruction de la nature, du climat, des emplois réellement durables et des finances publiques.  

C’est le coup de massue de la conclusion de ces recherches, complétées par une autre analyse que nous avons menée sur le budget de l’État avec un think tank, l’Institut Rousseau (2).

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • Le secteur de la pêche a bénéficié de près de 327 millions d’euros de subventions en 2021 (3) soit 30% de son chiffre d’affaires (1,1 milliard d’euros).
  • Les exonérations fiscales sur le carburant représentent 63% des aides recensées en 2021 et soutiennent les méthodes de pêche les plus énergivores et impactantes.
  • Seulement 11% des subventions favorisent la transition durable.
  • Les chalutiers et senneurs de fond industriels reçoivent deux fois plus de subventions par kilo débarqué que les autres types de pêche.
  • Un emploi de marin-pêcheur sur un chalutier de fond bénéficie d’une subvention indirecte de 60 000 € contre seulement 9 000 à 14 000 €pour un marin-pêcheur côtier utilisant un engin ‘dormant’.
  • Pour chaque euro d’argent public investi, la pêche industrielle et semi-industrielle (4) génère 2,5 fois moins de captures que la pêche artisanale (moins de 12 mètres).

Cap sur la justice sociale et la protection des pêcheurs artisans

À l’opposé de ce tableau affligeant des méthodes de pêche impactantes, on trouve les petites pêches artisanales et les engins sélectifsqui représentent un quart des débarquements et environ trois quarts de la flotte en navires.

Les navires côtiers utilisant des méthodes dites ‘dormantes’, dans lesquelles le poisson vient au piège ou à l’hameçon, au lieu que ce soit l’engin qui aille à sa rencontre, génèrent plus d’emplois, plus de valeur ajoutée, plus de rentabilité, infiniment moins d’impacts écologiques et sans dépendance malsaine aux subventions publiques.

Tous les indicateurs de la pêche côtière utilisant des engins dormants sont au vert à part les captures d’oiseaux ou de mammifères marins pour les palangres ou les filets. C’est le seul point noir au tableau. Des solutions existent pourtant, il faut les mettre en œuvre au plus vite car on ne peut pas se permettre de perdre les seuls pêcheurs pratiquant une pêche durable et de laisser la voie libre aux industriels.

Ce sont les pêches artisanales qu’il faut préserver en priorité or ce sont celles qui sont abandonnées par les représentants du secteur de la pêche et les dirigeants politiques.  

Vous avez fait le rapprochement avec l’agriculture ? C’est normal. C’est le même combat. Les secteurs productifs de notre alimentation sont dominés et verrouillés par des lobbies industriels et des organes de représentation politique qui leur sont acquis.  

Les prochaines étapes pour reconstruire l’emploi et la souveraineté alimentaire

« Sans les transitions, nous ne serons pas capables d’accéder à notre souveraineté ». 

Ce n’est pas BLOOM qui le dit, mais le ministre de l’agriculture Marc Fesneau (5). C’est bien le seul point sur lequel nous sommes d’accord avec lui, et nous prenons acte, très sérieusement, de ce genre de déclaration.

La puissance publique, alliée des lobbies industriels de la pêche et de la grande distribution, a empêché que soit établi un bilan de performance du secteur de la pêche. C’était stratégique : cela a livré l’espace public aux jeux de pression des lobbies, à leurs menaces et oukases, sans aucun fondement rationnel.

Il leur sera désormais impossible de réfuter des évaluations établies avec des données publiques officielles, collectées à bord de leurs navires de pêche.

Cette cartographie inédite de la performance des différents segments de la flotte de pêche française permet de soutenir des choix publics rationnels et bénéfiques pour la société française, l’emploi, la santé des finances publiques, des écosystèmes marins et du climat ainsi que la reconstruction de notre souveraineté alimentaire. Elle permet de soutenir des choix rationnels en faveur de la petite pêche côtière.

Nous devons désormais compléter le travail de recherche en l’étendant à l’ensemble des flottes de pêche françaises en incluant la Méditerranée, les DOM TOM et les flottes distantes (notamment celles pêchant le thon en Afrique).

Nous devons par ailleurs, maintenant que le cap de la transition est fixé, engager un processus de co-construction avec les acteurs de la filière et les citoyens des scénarios de transition pour l’atteindre.

C’est votre générosité qui a permis la réalisation de ces premiers travaux infiniment stratégiques.  

Merci de comprendre à quel point votre don a permis de construire les bases d’une révolution sociale et écologique de nos activités en mer.  

Nous avons besoin de vous pour poursuivre cette démarche indispensable.