Newsletter partenaires FNH : retour sur l’audience de l’Affaire du Siècle du 14 janvier 2021

L’Affaire du Siècle est “le premier grand procès climatique en France”, selon les mots d’Amélie Fort-Besnard, la rapporteure publique lors de l’audience, le 14 janvier, au Tribunal administratif de Paris. Que s’est-il passé à cette audience ? Pourquoi fait-elle espérer une issue très positive pour l’Affaire du Siècle

décryptage de l’audience du 14 janvier 2021  
L’audience de l’Affaire du siècle au tribunal administratif de Paris a eu lieu le jeudi 14 janvier, et le jugement, attendu ces prochains jours par voie électronique, peut être historique !

En attendant, pour celles et ceux qui souhaitent en savoir plus sur l’Affaire du Siècle, nous vous transmettons quelques éléments de décryptage sur la séquence passée et ses conséquences, préparés par notre experte Célia Gautier ainsi qu’un thread twitter fait par notre avocate Clémentine Baldon qui résume parfaitement la situation.

Décryptage de l’avis de la rapporteure publique
La rapporteure publique a appelé l’Affaire du Siècle le « premier grand procès climatique de France ». Elle a parlé pendant 1h30, ce qui est très long et très inhabituel en droit public. Elle a manifestement analysé tous les détails du sujet pendant plus d’un an. Son avis va très loin, il est historique du point de vue du droit.
Elle propose au tribunal de :
•Reconnaître la faute de l’État français
Le surplus d’émissions de gaz à effet de serre rejetées en trop par la France par rapport à ses budgets carbone annuels depuis 2015 constitue bien une faute de l’État, au regard notamment des trajectoires et objectifs de la France sur le climat, que l’État présente lui-même comme étant de nature à lui permettre de respecter ses engagements nationaux et internationaux, et que le Conseil d’État vient de juger comme étant contraignants. Cela revient pour la rapporteure publique à conseiller au tribunal d’engager la responsabilité de l’État, c’est-à-dire que d’autres personnes ayant subi des préjudices à cause du changement climatique pourraient se prévaloir de cette jurisprudence pour aller devant les tribunaux et voir leur préjudice réparé par l’État, co-responsable de ce changement.
•Reconnaître que ce surplus cause un préjudice moral aux ONG requérantes
Elle invite le tribunal à condamner l’État à leur verser la somme d’1 euro symbolique en réparation de ce préjudice, comme demandé par les ONG.
•Reconnaître que ce surplus d’émissions cause un préjudice écologique
C’est-à-dire qu’il affecte la nature. Préjudice qui pourrait s’aggraver dans le temps sous l’effet cumulatif des émissions de gaz à effet de serre.
•« Surseoir à statuer »
C’est-à-dire décider plus tard en ce qui concerne la demande d’injonction à agir dans le but de réparer et d’éviter l’aggravation de ce préjudice écologique. Il s’agit notamment d’attendre le jugement dans l’Affaire Grande Synthe au Conseil d’État, attendu entre début mars et avril. Mais aussi de permettre un nouvel échange entre l’État et les ONG, puisque l’État venait de remettre deux documents au tribunal, hors délai pour qu’ils soient pris en compte dans la procédure.

 

Rappel

Que demande l’Affaire du Siècle ?

L’Affaire du Siècle vise à contraindre, par une décision de justice, l’État à lutter contre la crise climatique. La France a en effet reconnu l’urgence climatique dans l’Accord de Paris et adopté dans plusieurs lois des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

En particulier, nous demandons au tribunal de reconnaître que le non-respect par l’État de ses propres engagements climatiques constitue une faute, et que cette faute engage sa responsabilité. En conséquence de quoi, nous demandons au tribunal qu’il ordonne à l’Etat d’adopter les mesures nécessaires pour lutter efficacement contre les changements climatiques.

Autrement dit, nous demandons au tribunal d’une part de condamner l’Etat pour inaction climatique, et d’autre part de le forcer à agir pour réparer cette inaction.

Cela suppose que les juges reconnaissent que l’inaction climatique de la France a provoqué ce qu’on appelle un “préjudice écologique”, c’est-à-dire des dommages causés à la nature : altération des écosystèmes, fonte des glaces, érosion côtière, etc. Autant de conséquences dramatiques des changements climatiques qui menacent nos conditions de vie sur Terre, ainsi que celles de nombreuses autres espèces vivantes.

Nous demandons aussi au tribunal de reconnaître que cette inaction climatique de la France a causé un préjudice moral à nos organisations, puisque nous œuvrons pour la protection de l’environnement et la justice sociale….