Nouvelle action en justice pour libérer les sites Natura 2000 des pesticides

France Nature Environnement et la LPO lancent une nouvelle action en justice pour enfin répondre à l’obligation européenne de réduire drastiquement l’utilisation des pesticides dans les sites Natura 2000, lieux de préservation de la biodiversité européenne. A la suite d’un recours de France Nature Environnement, le Conseil d’État avait ordonné au gouvernement le 15 novembre 2021 de réduire drastiquement l’utilisation des pesticides dans les sites Natura 2000, comme l’exige l’Union Européenne depuis 2009. L’État avait 6 mois pour agir. Plus d’un an plus tard, un décret relatif à l’encadrement de l’utilisation des produits phytosanitaires dans les sites Natura 2000 a finalement été publié le 28 novembre 2022. Il est manifestement très insuffisant pour atteindre l’objectif fixé par l’Europe.

Une interdiction en trompe-l’œil face aux enjeux écologiques européens

Ce nouveau texte impose désormais aux préfets d’encadrer ou d’interdire l’utilisation des pesticides dans les sites terrestres Natura 2000 lorsque « cette utilisation n’est pas effectivement prise en compte par les mesures définies dans le cadre des contrats et des chartes ». Or ces outils de gestion reposent sur des mesures volontaires et hétérogènes en fonction des territoires. Leur utilisation ne permet pas de garantir le respect du droit européen en matière de pesticides.
Dans la grande majorité des cas, la décision de restreindre l’utilisation des pesticides dans ces sites Natura 2000 reviendra ainsi aux préfets, qui ne sont contraints par aucun objectif chiffré ni délai et sont soumis à la pression des producteurs et utilisateurs de pesticides. Autrement dit, ce décret n’offre aucune garantie de réduction drastique et il continue, selon nous, de contrevenir à la directive européenne.
Nos associations saisissent donc à nouveau la justice pour rappeler le gouvernement français à ses obligations de protéger efficacement notre patrimoine naturel inestimable qui seront aussi bénéfiques à la santé de nos concitoyens.
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Des années de combat juridique qui se prolongent

Instauré par la directive européenne dite « Habitats-Faune-Flore » de 1992, Natura 2000 est le nom d’un réseau écologique de sites naturels désignés pour protéger un certain nombre d’habitats et d’espèces représentatifs ou menacés de la biodiversité européenne. En France, près de 13% du territoire métropolitain sont classés Natura 2000. Une directive européenne de 2009 enjoignait aux États européens de restreindre ou d’interdire l’utilisation de produits phytosanitaires dans ces sites avant fin 2011. En 2019, France Nature Environnement avait demandé au gouvernement à ce que soient prises les mesures pour faire appliquer le droit européen. Faute de réponse, France Nature Environnement avait attaqué l’État devant la plus haute juridiction administrative, le Conseil d’État qui, en novembre 2021, avait donné 6 mois au gouvernement pour prendre les décrets nécessaires. Ce délai passé, et rien n’ayant été fait, France Nature Environnement avait à nouveau saisi la justice pour exiger l’application de la décision du Conseil d’État, ce qui a abouti au décret du 28 novembre dernier, en total décalage par rapport aux exigences du droit européen.

Selon Antoine Gatet, juriste et vice-président de France Nature Environnement : « Malgré les beaux discours et les vœux pieux lors notamment de la COP 15 Biodiversité à Montréal en décembre dernier, la capacité du gouvernement à jouer la montre, sous pression des lobbies des producteurs et utilisateurs de pesticides, et ce, en dépit de l’urgence à agir face à une contamination généralisée de nos territoires, est absolument extraordinaire ! Parce que nous refusons de voir la biodiversité s’effondrer et sommes déterminés à mettre à l’abri notre patrimoine naturel exceptionnel, nous saisissons à nouveau la justice pour rappeler le Gouvernement français à ses obligations. »

Pour Allain Bougrain-Dubourg, Président de la LPO : « Les pesticides sont l’une des premières causes de l’effondrement de la biodiversité. Il est consternant que la France tarde encore à restreindre leur utilisation dans les sites Natura 2000, spécifiquement créés pour protéger les espaces naturels et les espèces sauvages les plus remarquables de l’Union Européenne. »