Positionnement de la LPO sur l’énergie : éclaircissement!

La LPO a pour objet sur le territoire national et en tous lieux, d’agir ou de contribuer à agir dans les domaines de la recherche, de la connaissance, de la protection, de la conservation, de la défense, de la valorisation et de la reconquête de la nature et de la biodiversité.

Ce positionnement s’inscrit dans le cadre de l’action générale de la LPO au niveau International (BirdLife International), national (LPO France) et local (associations locales LPO).

Qu’il s’agisse des moyens de réduction des consommations, de production et des infrastructures associées, la LPO s’intéresse aux impacts passés, présents et futurs sur la biodiversité de la politique énergétique Française.

Constat

L’énergie, par ses modes de production, de transport et ses usages, est un secteur qui génère des impacts négatifs significatifs sur la biodiversité en France et dans le monde, notamment les énergies fossiles à l’origine de pollutions de l’air, de l’eau et des sols lors de leur extraction, leur transport et leur consommation.

La forte consommation d’énergies fossiles dans le monde mais également en France 1 , entraine des changements climatiques 2 qui, associés aux autres pressions anthropiques (artificialisation des sols, mauvaise qualité des eaux et des sols…), appauvrissent et fragilisent la biodiversité 3 .

La prédominance du nucléaire dans la production d’électricité est facteur de risques technologiques importants et de fortes externalités environnementales négatives en France et dans le monde.

L’empreinte carbone, qui inclut les émissions sur le territoire national ainsi que celles dues aux produits et services importés, est aujourd’hui de 11,2 teq CO2 par habitant en France. Contenir le réchauffement climatique à +2°C impose d’atteindre un peu moins de 2 teq CO2 par habitant en 2050, soit une division  par plus de cinq 4

L’évolution des modes de production et de consommation d’énergie est indispensable pour la conservation de la nature.

Positionnement de la LPO

Avis favorable à une transition énergétique respectueuse de la biodiversité

La LPO considère que la meilleure façon de diminuer l’empreinte écologique du secteur de l’énergie est d’être plus sobre dans nos consommations en faisant la chasse au gaspillage et en développant l’efficacité énergétique (même service rendu avec moins d’énergie consommée).

La transition énergétique implique de diviser notre consommation d’énergie par deux (isolation thermiques, mobilités actives, amélioration du rendement des appareils électriques et des véhicules, sobriété, etc.) 5 . Malgré cette baisse très importante de notre consommation d’énergie, notamment du pétrole et du gaz, la consommation d’électricité va augmenter du fait du développement de nouveaux usages (véhicules électriques à la place des véhicules thermiques, pompes à chaleur à la place des chaudières à gaz, production d’hydrogène, numérique, etc.) 6.

La LPO estime que les énergies fossiles et fissiles résiduelles doivent, à terme, être remplacées par des énergies renouvelables (EnR) largement décentralisées, faiblement émettrices de gaz à effet de serre (GES) ayant une emprise au sol limitée et présentant des risques technologiques maîtrisés ; le développement de chaque projet devant se faire dans le respect d’une séquence ERC (Eviter, Réduire, Compenser) exemplaire visant une non perte nette – voire un gain – de biodiversité, conformément au droit de l’environnement.

La LPO considère que la production électrique et les infrastructures associées (transport, stockage, etc.) doivent se développer au plus près des lieux de consommation.

La LPO considère, comme le GIEC et l’IPBES, que les crises climatiques et de perte de la biodiversité sont étroitement liées et se renforcent mutuellement ; aucune des deux ne pourra être résolue avec succès si les deux ne sont pas abordées ensemble 7.

C’est pourquoi la LPO soutient le scénario négaWatt 8 à droit environnemental constant. Sa déclinaison au niveau local doit se faire dans le cadre d’une planification qui prenne réellement en compte les besoins, les usages, les ressources et les enjeux de biodiversité : la préservation des territoires les plus sensibles est souvent la seule solution pour éviter des impacts irrémédiables sur des habitats ou des espèces parfois fragiles.

En général, la LPO est défavorable aux projets EnR envisagés dans des espaces à forts enjeux biodiversité (espaces naturels protégés etc.) et aux projets qui porteraient atteinte aux objectifs climatiques.

La LPO est également vigilante à l’égard des secteurs à forts enjeux paysagers.

La LPO insiste pour que les effets cumulés des différents projets soient mieux pris en compte, à terre comme en mer, à une échelle suffisamment large dès la phase de planification.

La LPO est défavorable à tout nouveau projet d’énergie fossile ou fissile.

En dehors des secteurs à forts enjeux écologiques et de très forte sensibilité paysagère, la LPO peut fournir des pré-diagnostics en amont des projets afin de signifier aux développeurs les enjeux particuliers dont elle a connaissance ou les raisons pour lesquelles le projet doit être abandonné.

La LPO n’accompagne pas et ne participe pas, directement ou indirectement, au développement ou à la construction de projets EnR lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au présent positionnement.

Energie éolienne

La LPO regrette l’absence de planification effective et opposable à une échelle administrative suffisamment large (département ou région pour l’éolien terrestre ; façade maritime pour l’éolien en mer) visant à préserver les sites présentant de forts enjeux de biodiversité à terre comme en mer.

La LPO regrette un effet de seuil dans la réglementation ICPE (Installations Classés Protection de l’environnement) qui permet à certains projets envisagés avec des éoliennes de moins de 50 m de haut de s’affranchir d’études d’impacts sérieuses et d’enquêtes publiques.

En complément du positionnement explicité précédemment, applicable à l’ensemble des EnR, la LPO est défavorable à l’implantation d’éoliennes dans les Zones de protection spéciales (ZPS), les Parcs naturels marins (PNM), les Zones spéciales de conservation (ZSC), les forêts, mais également dans les espaces vitaux (sites de nidification, d’alimentation ou d’hivernage) et les voies de déplacement des espèces sensibles ou à enjeu (par exemple les rapaces…).

La LPO souhaite que les recommandations Eurobat 9 pour la prise en compte des chiroptères dans le développement, la construction et l’exploitation des parcs éoliens soient respectées.

En mer, la LPO considère que tous les taxons (benthiques…) doivent être pris en compte dans la planification des énergies marines et recommande de privilégier les projets de parcs éoliens flottants de manière à pouvoir les éloigner du littoral, eu égard aux impacts sur la biodiversité.

Energie photovoltaïque

En ce qui concerne l’énergie solaire, la LPO est favorable à un développement massif sur les espaces artificialisés (immeubles collectifs, maisons particulières, toitures de centres commerciaux, bâtiments agricoles existants, parkings…) et défavorable au développement de centrales solaires dans les espaces naturels et en substitution d’espaces agricoles ou forestiers.

La LPO est à priori défavorable à la couverture des plans d’eau.

Des projets agri voltaïques de taille raisonnable privilégiant la production agricole et démontrant une réelle plus-value à la transition agro-écologique sont envisageables.

Pour toute implantation, des solutions efficaces doivent être mises en œuvre pour éviter toute rupture des continuités écologiques du fait des clôtures des centrales.

La LPO regrette que les centrales solaires au sol et flottantes d’une puissance supérieure à 500 kWc ne soient pas soumises au régime ICPE qui permettrait une meilleure concertation en phase développement et un meilleur suivi des impacts en phase d’exploitation.

Logement et transport

Sauf exception justifiée, par exemple en milieu urbain très dense, la LPO défend un urbanisme durable fondé sur la densification des espaces urbanisés et la mixité fonctionnelle pour contrer l’étalement urbain et ses corollaires que sont la destruction des espaces naturels et agricoles et l’allongement des déplacements quotidiens, ces derniers contribuant fortement au gaspillage énergétique et au réchauffement climatique.

Le développement des transports en commun doit s’inscrire dans cette perspective pour aboutir à une réelle diminution la part de la voiture dans le transport des personnes.

Que ce soit pour les personnes ou pour les marchandises, le développement du train doit être basé prioritairement sur la rénovation et la modernisation des infrastructures existantes. La LPO s’oppose à la création de nouvelles infrastructures lourdes basées sur la consommation d’énergies fossiles (autoroutes, aéroports, etc.).

La densification nécessaire des espaces urbanisés doit s’accompagner d’une véritable politique de la nature en ville donnant toute sa place à la biodiversité et constituant un moyen d’adaptation au changement climatique (lutte contre les îlots de chaleur).

Par sa capacité à capter les GES ou à protéger contre les événements climatiques extrêmes, la nature représente des opportunités importantes pour répondre aux enjeux des changements climatiques, tout en apportant des bénéfices pour la biodiversité et le bien-être humain. Les solutions fondées sur la nature doivent être pleinement intégrées dans les stratégies de lutte contre les changements climatiques.

La LPO souhaite que les bâtiments anciens et nouveaux fassent l’objet d’efforts importants en termes d’efficacité énergétique et d’intégration des énergies renouvelables (solaire thermique et photovoltaïque) tout en privilégiant la biodiversité à l’échelle du bâtiment, du projet et du quartier. La LPO demande donc une application stricte de la Réglementation Thermique 2012 (RT 2012) et milite pour une définition ambitieuse de la RT 2020 de manière à ce que les bâtiments à énergie positive deviennent la norme. La rénovation des façades et des bâtiments y compris à des fins énergétiques doit préserver, voire restaurer la capacité de nidification des espèces domicoles (hirondelles, martinets, moineaux, etc.) ; la construction de novo doit la favoriser.

La LPO travaille de façon constructive avec les acteurs associatifs, institutionnels et privés afin d’accompagner la transition vers un modèle énergétique sobre, efficace, durable et respectueux de la biodiversité.

 

1 Le pétrole et le gaz représentent environ 2/3 de l’énergie finale consommée en France en 2018.
2 Résumé du rapport du GIEC à l’intention des décideurs politiques (8 octobre 2018)
3 Rapport de l’IPBES du 6 mai 2019.
4 Cohésion et transitions : agir autrement. Rapport annuel sur l’état de la France 2019. Avis du CESE. 2019

5 La sobriété énergétique pour une société plus juste et plus durable, Association negaWatt, 2018.

6 Futurs énergétiques 2050 – Bilan de la Phase I : Synthèse et enseignements issus de la consultation publique, RTE, mai 2021.
7 IPBES-IPCC Co-Sponsored Workshop Report on Biodiversity and Climate Change, juin 2021.
8 Scénario négaWatt 2022.

9 Eurobats – Guidelines for consideration of bats in wind farm projects revision 2014