Retraite aux petits soins pour chimpanzés de laboratoire au Liberia

Rescapés de laboratoires, des chimpanzés vivent désormais au calme sur de petites îles, pris en charge par des vétérinaires aux petits soins.

De son embarcation, le vétérinaire Richard Ssuna scrute attentivement le rivage de l’île où ses collègues, pieds dans l’eau, lancent des fruits en imitant des cris de chimpanzés.

La grève est déserte mais les broussailles bruissent et s’animent. Lentement, un singe sort à découvert en se dandinant pour attraper la nourriture jetée sur le bord.

C’est un mâle dominant, explique M. Ssuna alors que d’autres primates lui emboîtent le pas, les plus jeunes poussant des cris de joie lorsqu’on leur jette bananes, noix de coco ou racines de manioc.

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A une soixantaine de kilomètres au sud-est de Monrovia, la capitale du Liberia, six îlets épars dans une embouchure donnant sur l’océan Atlantique accueillent 65 chimpanzés de laboratoire rescapés d’un projet de recherche médicale américain qui en a utilisé environ 400. Certains d’entre eux ont subi plusieurs centaines de biopsies.

Lorsqu’ils sont arrivés dans ce « refuge de la deuxième chance », « ils étaient traumatisés », explique M. Ssuna, scientifique d’Ouganda et représentant de l’ONG Humane Society International (HSI), qui milite pour une meilleure prise en compte des animaux par l’Homme.

Les essais sur les chimpanzés ont commencé en 1974 au Liberia avec un projet de recherche portant entre autres sur l’hépatite B et l’épuration du sang lancé par une banque du sang américaine, le New York Blood Center (NYBC).

Lorsque le pays sombre dans la guerre civile (1989-2003), les chimpanzés manquent de mourir de faim. Après le départ des chercheurs étrangers, ils ne devront leur survie qu’aux risques pris par le personnel local pour continuer de les nourrir, de leur poche.

Des singes abandonnés

Le Liberia est un des pays les plus pauvres au monde. Selon la Banque mondiale, 44% de la population y vit sous le seuil international de pauvreté (1,90 dollar des Etats-Unis par jour et par personne).

Les singes ont commencé à être été mis à la retraite du laboratoire au milieu de la décennie 2000, mais en 2015, NYBC met fin à son projet de recherche au Liberia et coupe tous les fonds, abandonnant du même coup les primates à leur sort sur ces îles coupées du monde.

La décision avait à l’époque provoqué une campagne d’indignation mondiale, avec manifestations devant le siège de la banque du sang à New York et une pétition demandant à NYBC de revenir sur sa décision.

Sur place, comme pendant la guerre civile, le personnel local, bien que n’étant plus employé, ne peut se résoudre à abandonner les singes et continue de leur venir en aide, grâce à des financements fournis par des ONG et la banque américaine Citigroup.

En 2017, NYBC – qui n’a pas répondu à une question de l’AFP sur les raisons l’ayant poussé à se désengager du projet – finit par signer un accord avec HSI sur un partage du coût à long terme des soins à apporter aux chimpanzés, et s’engage à les financer à hauteur de 6 millions de dollars (5,5 millions d’euros).

Des chimpanzés confinés à vie

Les anciennes bêtes de laboratoire bénéficient aujourd’hui de soins vétérinaires et de deux repas quotidiens fournis par HSI. Mais beaucoup portent les stigmates de leur passé, comme Bullet, singe grisonnant amputé d’un bras et que M. Ssuna qualifie de « victime de tortures ».

Bullet, raconte-t-il, a perdu son bras lorsqu’il n’était encore qu’un bébé, en même temps que sa mère était tuée par des braconniers, avant d’arriver au laboratoire.

Les aidants sont formés pour tisser des liens forts avec les chimpanzés de façon à ne pas les effrayer, explique M. Ssuna, notant que comme les être humains, ces animaux réagissent à tout stimulus susceptible de déclencher des souvenirs traumatisants.

Les primates passés par le laboratoire ne peuvent pas être relâchés à l’état sauvage car ils n’ont jamais appris à se débrouiller par eux-mêmes, mais aussi par crainte qu’ils ne disséminent des maladies contractées pendant leurs années de captivité au service de la recherche : ils sont confinés à vie sur leurs îles.

Pourvoir à leurs besoins alimentaires n’est pas chose simple. Chaque matin, il faut leur fournir environ 200 kg de nourriture, et encore 120 kg l’après-midi. Soit près de dix tonnes de vivres par mois. Et ce rituel doit perdurer jusqu’à la mort du dernier singe, indique M. Ssuna.

L’espérance de vie de ces primates est estimée à une soixantaine d’années. Beaucoup d’entre eux ont la vingtaine, et il y a un petit nombre de bébés. Pour empêcher un renouvellement de la population, HSI prévoit de vasectomiser les mâles.

« Nous pouvons être optimistes pour l’avenir », assure M. Ssuna, « nous aurions préféré les relâcher à l’état sauvage mais ils sont mieux ici » sur ces îles.

Source : GEO

 

 

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