Personnalités à découvrir

LETOURNEUX François

François Letourneux, on lui pose une question et c'est parti pour près de deux heures!

Une culture, une curiosité, une interrogation constante des événements du monde et de la nature, des doutes aussi, donc de la tolérance. Il a traversé tant de responsabilités, croisé tant de structures, visité tant de territoires et passé tant de temps en haut de sa montagne au milieu de la nature, de la biodiversité - "le reste du vivant" comme il dit, en empruntant ou en partageant l'expression avec le philosophe Baptiste Morisot -, qu'on ne peut qu'être séduit et, parfois, intrigué par ses propos qui répondent à des questions essentielles mais en posent autant d'autres, ouvrant parfois de possibles polémiques avec les acteurs durs à cuire de la nature.

Nous l'avons rencontré maintes fois, mais cette fois-ci au sortir de la projection du film "La vallée des loups" de Jean-Michel Bertrand, un jour de décembre, pour recueillir son sentiment sur la question du loup, du sauvage, question incontournable liée à l'avenir et aux choix de nos sociétés humaines.

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Né en 1942 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), François Letourneux est Ingénieur agronome, Ingénieur du génie rural des eaux et des forêts. Il a débuté sa carrière dans le Nord-Pas-de-Calais en 1968. Dix ans plus tard, il est Directeur de l’Association pour l’espace naturel régional du Nord-Pas-de-Calais (1978-80) puis successivement chargé de mission à la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR), conseiller technique au cabinet de Michel Crépeau puis d’Huguette Bouchardeau (ministres de l’Environnement), directeur de la protection de la nature au ministère de l’Environnement de 1983 à 1992. De 1992 à 2004, il dirige le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres. Il préside l’Institut français de l’environnement de 1998 à 2001 ; le Comité français pour l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) de 2005 à 2011. Depuis 2011, il est vice-Président de l'UICN France. Il préside également la Fête de la Nature, événement national et grand public sur la nature, initié par l’UICN, proposant aux Français de métropole et d’Outre-Mer, de célébrer la nature à travers des milliers de manifestations gratuites, organisées dans la nature et sur l’ensemble du territoire. (Radio France, mai 2014)

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Alors ce film ? Sublime !

Il se trouve que depuis plus de 50 ans je passe l’été dans un tout petit village très haut perché dans les Alpes, dans lequel il y a un élevage très dynamique et actif de moutons et où il y a aussi une faune sauvage remarquable et exceptionnelle et dans lequel il y a toujours eu une grande culture des relations entre l’homme et la nature. Avec beaucoup d’attention, un peu de violence et une jalousie féroce à l’égard du point de vue des autres sur certains points.

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Je vais très souvent très au dessus de ce village, dans un petit chalet en haut de la montagne, à 2 500m d’altitude, à 1h et demi à pied du parking et au milieu des chamois, des grands corbeaux…

Donc ce film, « La vallée des loups », a été pour moi comme une rencontre avec mes amis. Et provoqué une grande admiration pour cette passion unique de Jean-Michel Bertrand. Pure merveille. Avec ses relations solitaires avec le reste du vivant.

Que pensez-vous de son mot final : « je me sens plus perméable à la nature » et « les loups m’ont grandi » ? Il n’y a aucun autre être humain dans le film et, surtout, aucune société. Juste un homme et ses relations avec les autres êtres vivants. Les questions que posent aux sociétés l’effondrement de la biodiversité d’un côté, le retour des prédateurs n’est pas analysée. Ce n’est pas le but du film. C’est un témoignage individuel.

Ce film peut être un préambule à la question du loup et du sauvage dans nos sociétés ? Non, c’est l’exaltation d’un mode de relation d’un homme avec le sauvage, un homme qui oublie dans cette relation toute socialisation avec le reste des humains. On est dans une vallée totalement sauvage, même si on se rend compte qu’il a travaillé avec les gens, les forestiers qui l’entretiennent ou pas, les agents de l’ONCFS qui surveillent, observent; mais il n’y a pas d’activité humaine concurrentielle, pas de randonnée, pas d’élevage ; c’est un versant de la montagne plus qu’une composante.

Alors, le loup en France, grosse question :  parlons-en ! J’étais à la Direction de la Protection de la nature (autour de 1990) quand le loup a été pressenti, supposé, quand les gens du Museum se sont précipités pour mesurer l’écartement des traces de morsure, l’écartement des canines sur les carcasses ; assez vite on a été convaincus que c’était un loup et, dès le départ, qu’il était arrivé seul.

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On avait une idée d’où il venait ? Oui, on s’attendait à sa venue d'Italie; aujourd’hui, on sait qu’il se balade jusqu'en en Seine & Marne et dans l’Essonne. On s’y attendait mais pas si vite.

Partons de cela : des « rencontres » entre l’homme et le loup, il y en a pas mal en ce moment, les attaques, les tirs d’élimination, cet après-midi (14 décembre) une manifestation anti-loup de la Confédération Paysanne, étrange, non? 

Non, pas étonnant. Je pense que les choix, la stratégie des "amis du loup" sont compréhensibles, explicables, défendables mais perdantes ! Parce qu’on (les protecteurs de la nature) n’a plus d’amis ! Plus d’alliés. On n’a pas les agriculteurs, on a perdu les alliés qu’on avait chez les agriculteurs soucieux de nature (comme la Confédération Paysanne dans le temps). On avait des amis, y compris dans le monde agricole, notre stratégie nous les a fait perdre.

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Moins on a d’alliés, moins on est compris, moins on est admis et moins on est capables de faire passer nos idées. A ce point que la ministre de l’écologie peut se permettre de faire n’importe quoi puisqu’à partir du moment où elle essaie de trouver des compromis, elle sera critiquée par les écologistes, les associations, dont je fais partie, et dont je suis - tactiquement – solidaire des positions.

On peut très bien dire qu’on est contre toute régulation, mais, dit de cette manière, on est incompris, on se coupe des autres acteurs.

J’ai écrit il y a plus de deux ans « Est ce que notre objectif est que le loup reste protégé ou est-ce que notre objectif est que le loup soit présent ? ». Selon le choix qu’on fait, la stratégie n’est pas la même.

Si on veut qu’il reste protégé on peut se battre, à Bruxelles, pour éviter d’aborder le problème, on peut se dire qu’on renonce à être compris par le monde rural, par les gens qui véhiculent encore une crainte devant le retour d’une nature qui leur fait perdre une partie de leur territoire, qu’ils ont tout fait pour être chez eux et que petit à petit, ils se trouvent réduits, cantonnés par la présence de cette nature.

Cette stratégie est également perdante pour une autre raison : à se focaliser à l’excès sur les espèces les plus rares et les plus menacées, notre pays se trouve dans une drôle de situation : les espèces rares et menacées l augmentent en généra, et parfois très fortement, pendant que la biodiversité ordinaire s’effondre ! Celle que détruit l’agriculture intensive, l’urbanisation...

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Deux études récentes sont révélatrices ; celle du WWF sur la baisse de la quantité de vertébrés, qui reste à valider sur certains points méthodologiques, et une étude anglaise, inattaquable, sur 144 espèces d’oiseaux nicheurs d’Europe, qui montre que la cigogne est partout, le gypaète, ça va, il se développe, mais, dans le même temps, les alouettes, les moineaux, les hirondelles…voient leurs effectifs s’effondrer.

Justement, pourquoi certaines espèces augmentent et d’autres s’effondrent ? Parce que les espèces rares, on s’en occupe !

On est encore dans une écologie de partage. Dit de façon caricaturale, on a laissé aux associations le soin de s’occuper des espèces protégées et personne ne s’occupe des autres. C’est vite dit parce que, bien sûr, les associations travaillent pour faire baisser les pesticides, veiller à ce que l’intensification agricole diminue ou que la consommation d’espaces ne réduise pas le fonctionnement des écosystèmes. Mais en même temps elles réclament la protection absolue des Parcs nationaux et des espèces protégées. Résultat, les parcs nationaux vont très bien, les espèces protégées vont bien, merci !

Il n’y a pas d’espèces rares qui disparaissent du territoire, au contraire. Le pygargue à queue blanche est revenu, la spatule recommence à nicher… Les espèces emblématiques vont bien.

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En même temps, les perdrix grises – qu’on ne chasse pourtant plus – ne survivent pas parce qu’elles ne trouvent plus rien à manger, les insectes disparaissent…

Mais ce n’est pas en se brouillant avec les agriculteurs qu’on fera avancer la question.

Vous voulez dire qu’il y a désormais deux mondes parallèles ? Voire antagonistes ? Ah oui ! Il y a deux mondes qui ne se parlent plus. Même plus que cela.

Les lieux où il y a contact entre l’homme et le reste du vivant, c’est la campagne, le milieu rural. Nous, on s’amuse avec la mésange dans l’arbre en face, les cultures au pied des arbres dans les villes,  les ruches urbaines… Mais dans le milieu rural il y a un vrai affrontement entre deux mondes :

- un monde qui se considère comme réellement rural et légitime, agriculteurs, éleveurs, qui traversent des crises économiques successives effrayantes, qui ont perdu leurs repaires moraux parce qu’on leur a dit qu’ils nourrissaient la planète, puis qu’il fallait résorber les surplus de lait, puis ensuite qu’ils étaient des jardiniers de la nature, puis qu’ils polluaient; ce sont des gens malheureux, qui se suicident, qui ont du mal à trouver des successeurs…

- et, en face d’eux, des amoureux de la nature, et j’en fais partie

Mais quand les seconds veulent donner des leçons aux premiers, les choses sont un peu plus compliquées et mériteraient qu’on en discute un minimum.

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Et côté loup, ça signifie? C’est tout à fait clair. : si nous avions été capables de dire tranquillement que pour nous le loup était extrêmement important mais pas sacré, et annoncé un objectif aux autres, alors, ce serait plus simple.

Nous leur disons « le loup est protégé et doit le rester, nous nous opposerons à toute demande de modification de son statut », on ne leur dit pas combien on en veut, pour faire quoi, où comment on gérera les conflits. Il y a déjà plusieurs années que le philosophe Baptiste Morisot, qui a écrit un remarquable article dans Philosophie Magazine n°72, qu’il a développé pour en faire un livre – "Les Diplomates" – décrit très bien la question.

Les protecteurs du loup et les protecteurs des brebis - les bergers - se font la guerre, c’est complètement idiot!

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Nous évoquons alors mes (JBDumond, NDLR) rencontres avec des éleveurs ; ceux – bio - du Causse Méjean qui estiment le loup incompatible avec leur élevage de 150 brebis, ceux du Vercors qui acceptent quelques dégâts tout en prenant des mesures (patous, ânes, clôtures et rentrée du troupeau le soir).

Qui a raison, qui a tort ? Tout le monde a tort. Les éleveurs, parce que le loup n’est pas incompatible, et les écolos qui disent qu’il n’y a qu’à protéger et que si on protège il n’y aura pas d’attaque. Ils ont tort de dire que si on indemnise correctement, les gens seront heureux. Si on vous cabosse votre voiture tous les 15 jours et qu’on vous indemnise, vous ne serez pas heureux.

Donc Morisot a raison : la diplomatie !

Ça veut dire quoi, la diplomatie ? Ça veut dire que pour l’instant agriculteurs et chasseurs ont fait alliance, contre nous !

C’est une grande chance le loup. Pourquoi a t’on créé une situation telle qu’on a autorisé qu’on le tire en battue ? Alors qu’on aurait dû dès le départ être plus ouvert sur la question ; il fallait le tirer quand il s’approchait trop près du troupeau, il fallait qu’on mette des moyens au service des bergers, avec l’aide des agents de l’Office, qu’on les autorise à avoir un fusil… Chacun chez soi, c’est leurs troupeaux.

En revanche, aller les tirer en montagne, en forêt, à plusieurs kilomètres des élevages, sous prétexte que quand on est chasseur on tire sur tout ce qui bouge…. C’est un recul, un échec !

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Plus généralement il y a une espèce de discours général de ceux qui n’ont pas de contact avec la biodiversité : « on nous rebat les oreilles avec la nature qui fout le camp mais on voit des renards en ville, les corneilles se répandent partout, on voit des vautours dans le ciel, trois ou quatre posés sur un toit »…ça fait un drôle d’effet.

Si on n’est pas dans le dialogue, on ne s’en sort pas.

A la LPO, on était contre tout tir d’effarouchement des vautours, dommage.

Quelle est la limite d’un tel dialogue ? Il ne faut pas sous-estimer la complication du dialogue. Les amis du loup disent que les éleveurs sont de mauvaise foi, ce n’est pas à cause du loup qu’ils vont mal économiquement, ils gèrent mal, ils n’ont plus de bergers, ils lâchent leurs brebis dans la montagne, ils sont subventionnés…

On mélange tout, la souffrance animale, le refus de toute violence et la gestion de la biodiversité. Tirer sur un loup n’a pas de conséquence sur la biodiversité, ça a des conséquences sur la position éthique des associations.

On refuse d’entendre les éleveurs quand ils disent « on a tout essayé, on voudrait se défendre ». Ca change un peu, mais on a l’impression qu’ils le font un peu à contre cœur, sans comprendre.

En plus, on entend des discours inqualifiables comme « Est-ce que les éleveurs contribuent vraiment au soutien de la montagne? »; les éleveurs ne peuvent pas entendre cela, on n’a pas le droit de dire cela. Le but des éleveurs est de conduire une activité économique, peut-être rétrograde, mais c’est comme ça. Ils sont d’abord exploitants agricoles, pas photographes, pas scientifiques, même si parfois ils peuvent contribuer à la connaissance de la biodiversité.

Dans d’autres domaines, comme la santé, on a réussi à faire passer des messages sur le mauvais usage de certaines pratiques, mais concernant la biodiversité le discours des protecteurs n’est pas compréhensible.

Je suis absolument convaincu que le loup a sa place en France. Une place. Mais on fait un curieux mélange entre l’aspiration à un idéal de nature sauvage et un comportement naturaliste tout différent.

Quand je vois passer un gypaète avec une bague d’identification à chaque patte, un émetteur sur le dos, où est la nature ? Les autres animaux du film – mouflons, bouquetins … - ont sans doute déjà été attrapés, pucés…

Il faut donc se mettre autour d’une table, tous les « utilisateurs » de loup et fixer des limites ? Par exemple, peut-on accepter des loups jusqu’en Seine & Marne ? Oui ! mais la vraie question est : est-on préparés à discuter avec les gens des lotissements dont les chiens et les chats vont être mangés par des loups ? Je ne sais pas. S’il s’agit de « taper » dans les chevreuils, les lapins, les lièvres de la forêt de Fontainebleau, pourquoi pas ? Maintenant, y a t’il la place pour une meute de 30 loups ? Mais il n’y a pas de raison que le loup ne passe pas de temps en temps. Les forestiers se plaignent sans arrêt de la prolifération et des dégâts des sangliers. Le seul prédateur du sanglier, c’est le loup. Les chasseurs eux-mêmes sont incapables d’en venir à bout. On ne sait quoi en faire ? Le loup a sa place dans un équilibre mouvant; à certains endroits, il n’a pas sa place, à d’autres, si. En Cévennes, on leur fera un peu la guerre.

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Imaginons qu’on ait dit : une population viable en Europe du Sud, c’est 3 000 loups. Nous travaillons avec nos amis espagnols et italiens et on fixe un nombre maximum de 3 000. Le moment venu et ce nombre atteint, on est prêts à discuter que le loup redevienne un gibier. En attendant, nous sommes conscients que les éleveurs rencontrent des problèmes et nous sommes prêts à discuter pour trouver des solutions. Pas forcément « y a qu’à recruter des patous, y a qu’à cela ».

Cela signifie qu’au départ, il faut accepter l’idée de la présence du loup ? On le sait bien qu’il y aura du loup. C’est un discours de façade ! Actuellement les stratégies sont mauvaises, stratégies de guerre. Il faut une stratégie diplomatique, il y a longtemps qu’on aurait dû dire « chacun y met du sien ».

Si l’expansion humaine perdure, la partie dévolue à la biodiversité, au sauvage, va diminuer. Alors, quelle est la limite acceptable ?

On ne s’occupe pas de cela. Sur le sauvage en général, nous oublions que nous modifions les équilibres dès que nous intervenons.

Mais quel est notre objectif sur le loup ? On peut se poser la question de savoir combien on veut de loups pour les chevreuils. Il n’y a pas de conflit réel.

Mais pour le lynx ? Son retour et sa présence dans des régions où le grand tétras qui niche au sol, est menacé, posent problème.

On est passé de la protection de la nature au pilotage de la nature comme l’a écrit Patrick Blandin.

On est trop nombreux et trop puissants pour ne pas chercher des consensus (comme pour l'accueil des migrants) autour de quel type de relations au vivant nous voulons. On peut avoir des conflits mais qu’on perde l’appui des agriculteurs biologiques est plus inquiétant.

On est le seul pays d’Europe où les chasseurs ne participent pas au maintien de la biodiversité car on les considère comme des méchants. Il faut lire à ce propos le livre du géographe Raphaël Mathevet « Que ferons-nous des canards sauvages ? ».

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Nous sommes sans arrêt en situation de conflit; Discutons ! On est contre l’élevage en batterie mais pas contre l’entassement dans les cellules des prisonniers !

Quand nous disons « toute violence est inacceptable », Non ! Toute violence est contestable.

On traite les problèmes par la passion ou en se mettant des œillères. La société évacue la réalité des problèmes : on ne meurt plus chez soi, on meurt à l’hospice, on refuse d’aller voir dans les abattoirs (à part L 214), on aime la mort mais loin, la souffrance, mais loin.

Le loup sera en forêt de Fontainebleau, puis de là en forêt de Sénart ; il ne s’établira pas, il passera. Et des gens se baladant dans le bois de Vincennes tomberont sur des charniers de chiens, de chats ! Que voulons-nous, qu'acceptons-nous?

Notre objectif stratégique à terme, c’est de nous réconcilier avec toutes les formes de vivant. Comment y arriver ? Par un vrai travail de recherche sur l’existant, un travail éthique, accepter des situations exceptionnelles (un loup « pervers » qui attaquerait un homme).

Nous sommes contre les pesticides, d’accord, mais quand nous désherbons à la binette, nous éliminons aussi ! Nous sommes pour les abeilles à Paris, mais à multiplier les ruches, on désavantage les espèces d'abeilles sauvages (1 000 espèces) au profit d'une seule espèce! (voir le Journal de l'Environnement du 20 décembre : ici)

François Terrasson disait : « que fait un écolo qui achète une maison dans les Cévennes ? Il commence par tondre la pelouse ! » Donc à faire reculer la nature !

Nous devons travailler à rendre la société consciente de ce qu’il se passe pour pouvoir l’améliorer. Le dérèglement climatique, par exemple, va bouleverser certaines situations et il faut se préparer à les intégrer. Exemple des moustiques, quelle démoustication ? Quelle influence sur la présence des oiseaux, quelles conséquences entraîne l’arrivée du moustique tigre… ?

Quelle collaboration sur le terrain ? Les méthodes et les moyens changent : avant, quand un berger disait qu’un loup avait attaqué ses brebis, on envoyait un agent valider, il devait partir dans la montagne, prendre du temps ; et comme, on a réintroduit les vautours et le gypaète, au bout de trois jours il n’y a plus rien, alors ?.... Aujourd’hui c’est simplement déclaratif, heureusement.

Vous êtes éleveur dans une zone à loup, on vous rémunère comme auxiliaire scientifique d’observation du loup ; c’est normal qu’on rémunère une personne qui va passer tant de temps à observer, faire des aménagements, signaler la présence du loup…

Faire participer les acteurs, pas seulement indemniser.

Pour élargir le sujet, quid des espèces invasives ? L’homme est l’espèce invasive la plus importante de l’histoire de la vie sur terre. Nous sommes 7,5 milliards ! Aucune espèce de gros mammifère n’a jamais dépassé quelques millions d’individus. Au plus haut, l’ours brun a été 2 millions ! Contre 200 000 aujourd’hui.

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Le tableau de chasse des oiseaux en France c’est autour de 20/25 millions par an mais les chats domestiques c’est 33 millions d’oiseaux détruits par an ! Mangés par les amis des animaux !

Donc, dans ce débat sur la diplomatie, on a d’un côté les amis des animaux, responsables de la destruction de millions de passereaux protégés et de l’autre côté on fait la guerre aux chasseurs !

Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire parfois la guerre aux chasseurs mais si on a contre nous toutes les campagnes, qu’en plus on élève des ruches urbaines qui font concurrence aux quelques espèces d’abeilles sauvages qui restent en ville, on joue aux c…. !

Donc….Travaillons ensemble !

Le vivant c’est incroyablement complexe, ce n’est pas seulement les espèces, les milieux, ce sont les flux qui existent entre les êtres et ce qui se passe à l’intérieur de chaque individu (les gênes, les mutations, l’évolution…); or nous voulons toujours des indicateurs, des stratégies simples : on arrache la jussie, la jacinthe d’eau, telle espèces animale… Le pinson du nord s’installe peu à peu dans le sud, parfois à la place du pinson des arbres, bon, ça impliquera des inflexions mais ce n’est pas la catastrophe ! Des équilibres nouveaux se créent au cours des millénaires. Tel melon fait des fleurs mâles ou femelles, un degré de température détermine le sexe des tortues…. ?

C’est surtout un problème dans les îles, pour des espèces qui n’ont jamais connu de concurrence, quand on introduit des espèces prédatrices. En Nouvelle Zélande il n’y avait pas de mammifères, des tas d’espèces d’oiseaux n’avaient pas d’ailes - pas besoin -, et ils puaient parce qu’ils n’avaient pas de prédateurs utilisant un odorat. Quand on a introduit les chats domestiques et les mangoustes, les opossums…., tout a changé.

Des rats sur les 7 îles ce serait la fin des macareux.

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Mais ne rêvons pas ; qu’on éradique la jussie sur un étang de Brenne, ok mais dans toute la France, ne rêvons pas! Ce ne peut être que local.

De plus, il y a très peu d’études scientifiques qui expliquent ce qui se produit à la suite d’une invasion. La Caulerpa taxifolia, ça a paniqué tout le monde, puis elle s’est régulée.

Notre intervention sur le milieu naturel se fait à court terme parce qu’on n’est pas éternelle et qu’on a envie de retrouver un passé récent. S’il faut attendre 1 000 ou 1 500 ans pour retrourve un équilibre, on n’est pas tellement d’accord.

Il y a eu une étude sur l’envahissement de la Camargue par l’écrevisse de Louisiane. On dit « c’est une catastrophe, elle élimine l’écrevisse française ». Mais, en même temps, elle favorise certains ardéidés.

Et demain?

Revenons un instant au néolithique – cf. le livre « Sapiens ». C’est le moment où l’homme se dit que la nature c’est trop compliqué, la chasse-cueillette en est trop dépendante, donc, on va faire simple, on va semer du sorgho et éliminer tout ce qui empêche sa culture. On a commencé alors à dire que la nature gênait. Et on a commencé à se couper de la nature.

Ensuite, plus pervers, il n’y a eu qu’un seul progrès, le progrès post néolithique, qui s’est établi sur ce choix stratégique, non exprimé, qui a cohabité avec la chasse-cueillette, de faire simple (façon Claude Bernard), d’analyser.

Désormais, on ne peut pas traiter la question de la nature de façon analytique mais de façon éco-systémique, mettre en place une gestion évolutive.

La révolution néolithique nous a permis d’être 7 milliards, elle a tellement réussi qu’on a tué tous nos ennemis, façon Gengis Kahn et ses pyramides de crânes, au lieu de faire comme Alexandre qui conquérait et mariait ses généraux sur place. Diplomatie! Négociation!

"Sapiens" explique le différentes grandes révolutions : la Connaissance (70 000 ans, les outils), le Néolithique (10/12 000 ans), la Science (500 ans). Et dit que la révolution néolithique est la plus grande escroquerie de l’histoire de l’humanité.

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Les chasseurs-cueilleurs travaillaient 20 heures par semaine, le reste du temps ils discutaient, ils prenaient leur temps et du plaisir. On se régulait pour ne jamais avoir faim.

Le néolithique a supprimé le plaisir. Certes on a été mieux nourri, mais plus mal, les caries sont apparues, certaines maladies, la population a grimpé, on s’est mis à travailler 60 heures.

L’installation est un piège ! La révolution darwinienne pour le blé, fait qu'il est partout et les hommes sont devenus ses esclaves ! Et nous vivons encore largement au néolithique.

Donc si nous voulons agir bien par rapport au reste du vivant, il faut être extrêmement attentifs, observer, être de bonne volonté, avoir le droit à l’erreur, le reconnaître, compenser. La diplomatie!

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