Ils disent «ne jamais avoir vécu de scène aussi horrible». Des membres d’un collectif pour l’abolition de la chasse à courre disent avoir assisté à un dénouement sanglant samedi dernier, le 9 janvier. Habitués à suivre et filmer les sorties des chasseurs en forêt de Rambouillet, ils disent avoir vu un jeune cerf se faire dévorer vivant par la meute de chiens de l’équipage de Bonnelles. L’animal s’était retrouvé cerné dans un champ sur la commune des Bréviaires, dans les Yvelines, au terme de quatre heures de course. «Les nouveaux membres et habitants de la région sont encore sous le choc», écrit le collectif citoyen engagé pour l’abolition de la vénerie dans un communiqué. Il dénonce «un événement d’une rare cruauté».Selon les militants, il arrive que des gibiers plus petits soient achevés par la meute, mais rarement pour un cerf de cette envergure.

Cerf happé par la meute de chiens

Dans la vidéo consultée par Libération, l’animal encerclé tente de faire quelques mètres puis finit par être happé au milieu des chiens, sans que la meute ne soit rappelée.  On voit des hommes, dont un chasseur à cheval regarder la scène en lisière de terrain. Une femme crie «A mort ! A mort !» Selon les militants, le jeune cerf était déjà mort quand le piqueux, en charge des chiens, est arrivé pour donner le coup de grâce. Durant la chasse à courre, pratique traditionnelle déjà très décriée, la mise à mort est d’habitude effectuée par l’homme, à la dague, à l’épieu ou au fusil.

«Oui, on chasse des cerfs, mais non on ne les laisse jamais se faire dévorer par la meute», dément de son côté Antoine Gallon, directeur de la communication de la Société de vénerie, qui regroupe tous les chasseurs à courre en France. Il reconnaît cependant que les chiens peuvent mordre. Lui aussi a vu une vidéo et ne nie pas les images. Il affirme qu’un chasseur est arrivé «à peu près immédiatement», et qu’il est intervenu afin d’écarter les chiens et tuer le cerf «pour qu’il ne souffre pas». La scène n’a selon lui rien d’inhabituel. Sur les images consultées par Libération,l’intervention n’est pas immédiate et les premiers hommes qui rejoignent la meute de chiens ne cherchent pas à les écarter.

Climat délétère et vives altercations

Le corps de l’animal mort aurait ensuite été recouvert d’un drap. «Le collectif qui se mobilise contre la chasse à courre sera empêché de filmer et agressé, un journaliste documentariste indépendant est également agressé par les veneurs et suiveurs»,écrit le collectif, qui s’interroge aussi sur «la légalité de la poursuite de l’animal dans le champ cultivé». Il a contacté l’agriculteur locataire des terres, qui n’aurait pas été informé de la dégradation de son champ par les chasseurs.

L’incident n’arrange pas le climat délétère entre pro et anti. L’exercice de la chasse a repris le 15 décembre, jour de la fin du deuxième confinement. Pour la première chasse à courre de 2021 à Compiègne, le week-end précédent, la mise à mort d’un cerf qui s’était réfugié dans un lac glacé avait déclenché de vives altercations entre chasseurs et militants anti-chasse à courre.

Margaux Lacroux /Libération 13 janvier