« Il faut promouvoir la création d’un véritable plan de sauvegarde des abeilles »

La disparition de cet insecte fait courir le risque de perdre un acteur majeur de l’environnement et de la chaîne alimentaire, alerte un groupe de députés Les Républicains, dans une tribune au « Monde ».

Le monde d’aujourd’hui fait face à des bouleversements considérables en matière agricole et d’alimentation. Les phénomènes naturels ainsi que l’activité humaine fragilisent les écosystèmes et menacent certaines espèces animales et végétales essentielles à la survie de notre espèce. La surmortalité constatée des abeilles doit être un signal d’alarme pour nous tous. Comme l’a dit très justement Martin Gray, qui vécut une grande partie de sa vie sur les collines de Cannes, dans son ouvrage intitulé Au nom de tous les hommes. Abel et Caïn (Editions du Rocher, 2004) : « Et un jour les abeilles mourront. Et le miel, ce vieux compagnon d’Abel, disparaîtra. Ce sera l’annonce de la fin de l’histoire humaine des hommes. » Ce pollinisateur est un acteur majeur de l’environnement et de l’agriculture et sa conservation doit être un objectif national.

L’hiver 2017-2018 a connu un effondrement important du nombre d’abeilles en France. L’enquête menée par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a fait état d’un taux de mortalité des colonies de presque 30 %, ce qui constitue un chiffre désastreux. Il ne s’agit pas seulement d’un problème local. Depuis la fin des années 1990, les apiculteurs du monde entier tentent d’alerter les pouvoirs en place des risques liés à la disparition de ce maillon essentiel de la chaîne alimentaire. Ils constatent depuis lors un recul inhabituel de colonies.

Sans leur intervention, notre productivité agricole serait bien amoindrie et jusqu’à 75 % de nos récoltes subiraient une baisse de rendement

Nous avons tous été sensibilisés au rôle des abeilles dans l’écosystème. Elles ne sont pas seulement importantes parce qu’elles produisent du miel, elles tiennent un rôle majeur dans la production de notre nourriture. Elles favorisent non seulement la pollinisation des plantes sauvages mais également cultivées. Un tiers des cultures destinées à notre alimentation est pollinisé par les insectes. Sans leur intervention, notre productivité agricole serait bien amoindrie et jusqu’à 75 % de nos récoltes subiraient une baisse de rendement. Sur les 100 espèces végétales qui fournissent 90 % de la nourriture dans le monde, 71 dépendent des abeilles et de leur pollinisation. En Europe, 4 000 variétés de légumes cultivés, de même que certaines plantes fourragères indispensables au bétail n’existeraient pas sans le travail appliqué des abeilles. En France, la production de miel est passée de 35 000 tonnes au milieu des années 1990 à 9 000 tonnes en 2016, soit une chute des trois quarts de la production.

Manque de politiques internationales et régionales

Mais alors même que leur effectif diminue, le nombre de cultures agricoles nécessitant leur action croît de manière exponentielle. Ce phénomène doit nous alerter sur les comportements et les mesures à envisager pour lutter contre ces disparitions inquiétantes. Si rien n’est fait, il se pourrait que nous devions faire face à une pollinisation insuffisante des cultures dépendantes de leur intervention et donc par conséquent à une baisse de notre capacité à produire et de notre variété en matière alimentaire.

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Cette hausse de la mortalité des abeilles n’a pas une cause unique. Tel qu’il est présenté par de nombreux scientifiques, ce « symptôme d’effondrement des colonies » est causé par un ensemble d’éléments provoquant leurs disparitions. Ainsi, la multiplication des substances chimiques dans l’environnement, la présence de parasites, les effets désastreux des monocultures, les ravages du frelon asiatique, l’impact du changement climatique en sont les principales causes.

L’absence de réelles politiques internationales et régionales visant la surveillance et l’analyse du phénomène ne présage rien de positif concernant les suites à envisager. Malgré les appels des apiculteurs du monde entier et des associations de défense de l’environnement, les responsables politiques restent muets. Il nous faut pourtant agir avant qu’il ne soit trop tard.

Les parlementaires européens ont demandé dans une résolution du jeudi 1er mars, à la Commission et aux Etats membres de mettre en place un plan de lutte à grande échelle contre la mortalité des abeilles et pour le développement de l’apiculture en Europe. Cette mesure n’a pas de valeur juridique contraignante mais a permis d’alerter bon nombre de nos collègues européens des dangers liés à la disparition de ces insectes indispensables. Les enjeux de l’apiculture en Europe, sont loin d’être mineurs. Avec ses 600 000 apiculteurs produisant 250 000 tonnes de miel chaque année, l’Union européenne est le second producteur mondial de miel derrière la Chine. La France à elle seule, totalise 50 000 apiculteurs.

Tentatives de dialogue inabouties

Malheureusement, tous ces signaux d’alertes ne semblent pas inquiéter le gouvernement qui, malgré des annonces faites, n’a toujours rien entrepris. De plus, trois jours après sa nomination au poste de ministre de l’agriculture et de l’alimentation, M. Didier Guillaume a suscité de vives réactions des ONG, dans l’enquête sur les bébés dits « nés sans bras », en déclarant que les scientifiques devaient faire la preuve que les pesticides avaient des conséquences sur la santé. Non seulement cette information a déjà été prouvée, mais elle a également des conséquences sur les écosystèmes et donc les abeilles.

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Comme de nombreux élus membres du Comité de soutien des élus à l’abeille, nous sommes sollicités par de nombreux apiculteurs qui sont les premiers à avoir tiré la sonnette d’alarme. Pourtant, toutes ces tentatives de dialogue n’ont pas abouti et malgré les interventions que nous déposons auprès des services ministériels, aucune évolution de la situation n’est actuellement à l’étude.

Mais qu’attendons-nous ? !

Aujourd’hui des scientifiques américains tentent de trouver des solutions en créant des drones pollinisateurs pour faire face à cette chute de la population des abeilles et donc au problème en découlant. Plusieurs sociétés expérimentent des drones pour aider les exploitations produisant des amandes, des cerises et des pommiers. Mais est-ce que ces nouvelles inventions ne font pas penser qu’il est déjà trop tard pour endiguer la disparition de ces colonies ? Ce petit insecte est indispensable et s’il venait à disparaître, cela serait le premier pas vers l’extinction de nombreuses espèces végétales et par conséquent animales et humaines.

Il nous faut agir maintenant, promouvoir la création d’un véritable plan de sauvegarde de l’abeille et des apiculteurs afin que nos enfants puissent encore assister à ce merveilleux miracle de la nature qu’est la pollinisation par les abeilles et déguster le bon miel de nos régions.

Nous demandons donc au gouvernement, en collaboration avec l’ensemble des acteurs de ce secteur, de prendre immédiatement des mesures. Nous ne pouvons pas rester inactifs face à cette menace. La bataille sera dure mais nous ne pouvons pas la perdre. Il nous faut dès aujourd’hui nous attaquer à ce fléau pour sauver l’agriculture française.

Signataires : Bernard Brochand, député des Alpes-Maritimes, Les Républicains ; Emmanuelle Anthoine, députée de la Drôme, LR ;Nathalie Bassire, députée de la Réunion, apparentée LR ; Valérie Bazin-Malgras, députée de l’Aube, LR ; Emilie Bonnivard, députée de Savoie, LR ; Jean-Yves Bony, député du Cantal, LR ; Jean-Claude Bouchet, député du Vaucluse, LR ; Jacques Cattin, député du Haut-Rhin, LR ; Dino Cinieri, député de la Loire, LR ; Pierre Cordier, député des Ardennes, LR ; Marie-Christine Dalloz, députée du Jura, LR ; Bernard Deflesselles, député des Bouches-du-Rhône, LR ; Eric Diard,député des Bouches-du-Rhône, LR ; Jean-Pierre Door, député du Loiret, LR ; Laurent Furst, député du Bas-Rhin, LR ; Mansour Kamardine, député de Mayotte, LR ; Brigitte Kuster, députée de Paris, LR ; Michel Herbillon, député du Val-de-Marne, LR ; Patrick Hetzel,député du Bas-Rhin, LR ; Valérie Lacroute, députée de Seine-et-Marne, LR ; Sébastien Leclerc, député du Calvados, LR ; David Lorion, député de la Réunion, LR ; Véronique Louwagie, députée de l’Orne, LR ; Emmanuel Maquet, député de la Somme, LR ; Bernard Perrut, député du Rhône, LR ; Didier Quentin, député de Charente-Maritime, LR ;Alain Ramadier, député de Seine-Saint-Denis, LR ; Robin Reda,député de l’Essonne, LR ; Jean-Luc Reitzer, député du Haut-Rhin, LR ; Martial Saddier, député de Haute-Savoie, LR ; Raphaël Schellenberger, député du Haut-Rhin, LR ; Eric Straumann, député du Haut-Rhin, LR ; Laurence Trastour-Isnart, députée des Alpes-Maritimes, LR ; Stéphane Viry, député des Vosges, LR ; Eric Woerth,député de l’Oise, LR.

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