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CANOVA Guillaume, garde animateur en Réserve Naturelle

Guillaume est un jeune garde animateur, veillant de près à la bonne santé de la Réserve Naturelle de la Tourbière des Saisies - Beaufortin - Val d'Arly, en Savoie.

Tourbière 4

Nous l'avons rencontré lors d'une visite guidée de la Tourbière qu'il anime régulièrement avec passion

Quels sont les facteurs qui poussent un jeune à consacrer sa vie à la nature ?

L’entourage et la cadre de vie. J’ai passé toute mon enfance en montagne, où j’allais souvent randonner en famille, ou bien ramasser des myrtilles et des champignons. Avec les copains, on allait aussi régulièrement construire des cabanes en forêt, et on passait des journées entières isolés dans la nature à nous demander comment on pourrait bien aménager cette grotte ou cet arbre …

En plus de ça, mon père et une grande partie de ma famille sont des chasseurs, en automne je les accompagnais donc à la chasse au gros gibier … Je pense que toutes ces activités d’enfance m’ont appris à découvrir et à aimer la nature, ce qui m’a sans doute poussé à choisir une formation dans l’environnement …

Des personnes influentes ou des moments déclencheurs ?

Si j’ai choisi de m’orienter dans l’environnement suite à mes expériences d’enfance, je dirais que le moment déclencheur qui m’a vraiment fait prendre conscience que je voulais faire un métier dans ce domaine s’est passé pendant la première année de mon BTS en Ardèche …

Au printemps, on avait la chance d’être à proximité du col de l’Escrinet, qui est un des sites majeurs en France pour la migration des oiseaux au printemps. Le premier jour où je suis monté suivre la migration, des dizaines de milliers d’oiseaux sont passés !! C’est un site incroyable, certains oiseaux passaient à quelques mètres au-dessus de nos têtes ...

Voir des petits passereaux de quelques grammes en train de voler pour leur survie après avoir fait des milliers de kilomètres et traverser de nombreux obstacles, pour aller se reproduire en Europe, c’est tout simplement extraordinaire ! Assister à la magie de la migration en direct, c’est une expérience fabuleuse qui vous remplit d’humilité.

Je pense que c’est en voyant tous ces oiseaux se battre pour leur survie que j’ai eu envie de me battre pour eux, et pour l’environnement.

Quelle formation avez-vous suivi ?

J’ai fait un BTS Gestion et Protection de la Nature à Aubenas suite à un bac scientifique. C’est une formation vraiment passionnante, et j’ai eu la chance de la faire dans un cadre tout aussi extraordinaire : l’Ardèche.

Suite au BTS, j’ai enchaîné par une licence professionnelle « espaces naturels » à Besançon, dans un cadre un peu moins ensoleillé, mais avec un contenu scientifique beaucoup plus poussé que lors du BTS.

En parallèle de ces formations, j’ai également eu l’opportunité de suivre le cursus pour devenir Accompagnateur en Montagne, diplôme que j’ai obtenu l’année dernière.

Toutes ces formations se complètent : le BTS et la Licence pro pour les côtés technique et scientifique, et l’Accompagnateur en Montagne pour le côté pédagogique.

Parlez-nous de « votre » réserve :

La Réserve Naturelle Régionale de la tourbière des Saisies – Beaufortain – Val d’Arly est vraiment très récente : elle a été créée en 2013.

La principale caractéristique de cette tourbière est sa superficie : elle s’étend sur plus de 600 hectares (la Réserve en fait un peu moins de 300), ce qui en fait la plus grande tourbière acide de toutes les Alpes ! De plus, les milieux présents sur la zone humide sont en très bon état de conservation, puisqu’ils sont peuplés de nombreuses espèces rares et/ou menacées, comme la Trientale d’Europe (seule station connue des Alpes françaises), 

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la Cordulie alpestre

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ou encore le Solitaire. 

Une autre particularité de la tourbière est qu’elle accueille le domaine de ski nordique des Saisies en hiver, qui est fréquenté par plus de 50 000 skieurs de fond. C’est notamment pour cela que Réserve Naturelle a été mise en place, afin de réussir à préserver ce patrimoine naturel exceptionnel et fragile, tout en maintenant les activités économiques et touristiques locales (cueillette -baies, champignons-, randonnée, chasse et ski de fond principalement).

Quelles sont les espèces que l'on peut y rencontrer ?

Pour l'avifaune : la chevêchette d’Europe, les mésanges huppées et boréales, le pic noir, le cassenoix moucheté, le sizerin flammé et le tétras lyre.
D’autres groupes sont aussi bien représentés : les amphibiens avec la grenouille rousse,

Grenouille rousse 2

les reptiles avec le lézard vivipare, les insectes, en particulier les libellules 

Libellule 5

Quel est votre rôle au sein de la réserve au fil des saisons ?

J’ai été embauché au SIVOM des Saisies pour m’occuper de la réserve en décembre dernier, afin d’assurer des missions de surveillance, mais également d’animation et de sensibilisation auprès du grand public.

En saison, je réalise donc des animations pour faire découvrir la tourbière au grand public, mais également pour les sensibiliser à la préservation de notre belle nature.

En hiver, l’accès au site est interdit et je réalise donc des animations en salle : diaporamas, animations en famille…Je surveille également la population de Tétras Lyres qui apprécie la tranquillité des lieux, éloignés des remontées mécaniques

L’été, deux sentiers ont été aménagés pour visiter la tourbière, et je fait donc des visites guidées tous les après-midis, après avoir fait des animations pour enfants le matin …

Garde 1

En intersaisons, c’est le temps des animations avec les scolaires locaux, des réunions pour les projets, des préparations des animations, des inventaires et des suivis (au printemps).

Combien de personnes en tout pour gérer cette réserve ?

La Réserve Naturelle est co-gérée par le SIVOM (Syndicat Intercommunal à Vocations Multiples) des Saisies et l’ONF (Office National des Forêts) : il y a deux personnes de l’ONF qui s’occupent de la réserve sur une partie de leur temps de travail, et moi qui suis à plein temps au SIVOM.

L’ONF est chargé des missions scientifiques (inventaires, suivis, rédaction du plan de gestion, …) et de l’entretien du site (mise en place des caillebotis, du balisage, …), tandis que le SIVOM s’occupe de la partie communication et sensibilisation : surveillance du site, animations, relations avec les acteurs locaux, …

Vous êtes au contact du grand-public. Sentez-vous au fil des années une prise de conscience grandissante des adultes comme des enfants ?

Je suis au contact du grand public seulement depuis quelques années, mais d’après ma faible expérience, j’ai remarqué que beaucoup de monde (adulte comme enfant) parle du réchauffement climatique lorsqu’on leur parle des problèmes environnementaux. Très peu de personnes sont au courant de l’érosion de la biodiversité que la planète subit actuellement. C’est pour cela que je pense que la sensibilisation est une étape fondamentale dans la prise en compte des enjeux environnementaux.

Je me souvient également d’une citation extraite d’une série de documentaires (« La France sauvage ») qui dit : « découvrir et comprendre la biodiversité, c’est apprendre à l’aimer et à la protéger ». J’essaie donc de me tenir à cette citation, et de faire découvrir la biodiversité de notre pays, afin que notre patrimoine naturel soit préservé … 

Quelles sont les urgences pour vous ?

L’urgence actuelle est de faire prendre conscience que notre magnifique nature nous rend de nombreux services, et qu’il est encore temps pour nous d’arrêter de la détruire. Je pense que nous avons oublié un principe fondamental : l’Homme est dépendant de la nature pour vivre, alors que cette dernière se débrouille très bien sans nous !

Le respect envers la nature et le vivant est une chose que l’on a perdu, et il faut réintroduire cette notion de respect dans les consciences collectives pour faire changer les mentalités. 

Des conseils pour les jeunes qui souhaitent s’engager dans cette voie ?

Sortez !!! Apprendre à reconnaître des oiseaux et à identifier des plantes, ça ne s’apprend pas (que) dans les livres … La meilleur connaissance qu’un naturaliste puisse avoir, c’est celle du terrain, celle qu’on ne trouve dans aucun livre, alors prenez vos jumelles et votre loupe et allez admirer tout ce qui se trouve à côté de chez vous !

Prochaine étape personnelle dans la protection de la nature ?

Je ne sais pas encore, l’avenir me le dira. Je vis au jour le jour, car comme le dit si bien Sénèque : « Le plus grand obstacle à la vie est l’attente qui espère demain et néglige aujourd’hui ». La seule chose dont je suis sûr, c’est de continuer à faire prendre conscience aux gens de la nature qui les entoure …

Une association de protection à mettre en avant ?

La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) : depuis que j’ai fait un stage à la LPO Haute-Savoie (une des plus belles expériences que j’ai vécu), j’ai toujours pris contact avec les différentes LPO locales dans les lieux où je me déplaçais. C’est également une des premières association de protection de la nature en France, et sans doute l’une des plus connues du grand public. Je pense donc qu’il faut la soutenir.

Si vous étiez un animal sauvage ?

Le Chocard à bec jaune.

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Oiseau typique de montagne, c’est pour moi l’allégorie parfaite de la liberté. Lorsqu’on les voit voltiger au-dessus des immenses falaises à plus de 2000 m d’altitude, c’est un spectacle unique. Ils tournoient, vrillent puis descendent en piqué, pour ensuite remonter et réciter de nouveau leurs acrobaties aériennes … Quand je les observe, ils ont vraiment l’air de s’amuser en vol et m’offrent cette impression de légèreté, de folie, de montagne …bref, de liberté !

Un animal disparu revient : lequel ?

L’Homo sapiens ! Aujourd’hui, nous sommes dans une société où Homo sapiens a disparu et a été remplacé par « Homo numericus » qui écrase tout : affalé devant la télé, il sort de temps en temps pour faire ses courses et consommer des produits importés dont pour certains il n’aura jamais l’utilité ; il sort ponctuellement se balader dans la nature, mais la regarde toujours à travers l’écran de son smartphone pour partager son expérience sur les réseaux sociaux, totalement déconnecté du réel et de ce qui l’entoure.

Une belle rencontre avec le « sauvage » ?

Octobre, à 2000 m d’altitude. Après une bonne randonnée matinale, je me pose sur un sommet pour déjeuner tout en admirant la vue sur les vallées avoisinantes. Je pose à peine mon sac sur le sol que j’entrevoie une ombre me passer à quelques mètres au-dessus de la tête. Surpris, je lève les yeux pour savoir de quel oiseau  il s’agit. A ma grande surprise, je vois un Gypaète barbu qui tournoie à une dizaine de mètres autour de moi. Ebahi par cette observation, je le suis des yeux, et voilà qu’un second individu viens se joindre au premier. Les deux rapaces tourneront pendant 5 minutes à quelques mètres au-dessus de moi, dans un silence assourdissant, pour ensuite filer et disparaître derrière un sommet … Une observation extraordinaire et inoubliable !

Gypaète

Un lieu mythique qui vous attire ?

La France : pourquoi aller à l’autre bout du monde voir des espèces exotiques alors que nous avons la chance d’avoir un pays aux richesses naturelles fabuleuses ?

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